Plusieurs géographes publient un livre « La Normandie en débat » aux éditions Orep. Je voudrais jeter ici mon regard sur ce livre intéressant à plus d’un titre.
Intéressant d’abord parce qu’il évoque la vie d'un territoire : trop rares sont les disciplines qui s'intéressent à l'espace. Les grandes œuvres économiques ignorent l’intégration de l’espace. La nouvelle géographie économique chère au prix Nobel Krugman montre que des approches nouvelles apparaissent mais encore trop rares.
La psycho, la socio n'échappent pas à cette critique qui rappelle que les relations entre les hommes, leurs comportements ne se font pas en dehors de l'espace et du temps.
Ce livre aborde ainsi des questions essentielles comme la faiblesse de la scolarisation,…. il retrace avec précision les péripéties des découpages multiples même si, dater à 1960 la coupure de la Normandie reste surprenante puisque la Normandie n'existait plus depuis la révolution comme entité constituée ; il aborde par ailleurs l'existence de la Normandie sous de multiples aspects tels une marque, un sanctuaire d'un âge d'or passé, un écrin…
Mais il évoque aussi Les choix stratégiques difficiles pour ce territoire : comment doit-il se positionner entre la mer et la région parisienne, qu'en est-il de l'idée de métropole du Nord Ouest ? Comment aborder l'axe Seine ?… Ces choix restent aussi difficiles, pour les deux régions prises isolément, que pour une seule réunie.
Il évoque l'identité normande, sa faible appropriation par ses habitants…et pour cause ! Ils ont raison d'insister sur le fait que c'est une marque qui se vend bien à l'étranger d'où d'ailleurs les coopérations développées dans ce domaine (export, tourisme….)
Il est dommage que toutes ces questions, mais ce n'est pas un reproche aux auteurs, ne soient pas aborder dans une démarche pluridisciplinaire : la sous scolarisation par exemple aurait à gagner à une approche à la fois historique, sociologique, psychologique, économique ….
Mais je voudrais plutôt, dans un dialogue constructif, me concentrer sur quelques aspects de leur propos.
D'abord mais n'est ce pas la, un travers disciplinaire, on peut regretter un enfermement territoriale qui n'est pas clairement établi : le territoire normand comme objet d'étude est légitime mais encore faut il en préciser les raisons et les limites : l'enfermement dans des limites administratives est nécessaire comme support de réflexion, comme source statistique, il ne définit pas les relations de proximité ou les comportements qui s'y rapportent. On est loin de l'espace «vécu» cher à Armand Fremont. Quelle articulation entre le territoire régional et les espaces de vie sur lesquels se fonde, par exemple Laurent Davezies pour évoquer les fractures territoriales face à la crise ? Quelle est la pertinence de l'espace administratif régional dans l'analyse des faits ? Quelle articulation entre celui ci comme expression de politiques publiques et la réalité territoriale vécue ? La région est elle autre chose qu'un espace administratif et politique?
En regroupant les deux régions les auteurs en arrivent à gommer leurs différences pourtant substantielles sur le plan démographique, économique, social…et qui pourraient peut être expliquer que les échanges ne sont pas aussi importants que les auteurs le postulent
Mais surtout je voudrais évoquer ce qui me parait au cœur de la problématique de cet ouvrage: les notions de Taille critique, et de taille optimale. À plusieurs reprises les auteurs ajoutent les chiffres de la Haute Normandie et de la Basse Normandie et constatent que le rang de la nouvelle région serait plus grosse, plus visible! Bien sur et on peut même parier qu'en ajoutant une troisième région, la nouvelle entité serait encore plus grosse. Et alors?
Taille critique : on est passé du « small is beautiful » des années 70 au « big is beautiful » ! La rationalisation vantée au niveau de la Normandie (CCI, CAF,..) ne porte t elle pas en elle un danger, l'éloignement des services publics des habitants : une seule CCI, et pourquoi pas un seul CHUR, un seul tribunal, une seule préfecture…
Quand on regroupe des manques, des insuffisances…on n'obtient pas nécessairement ce qu'on voulait : l'insuffisance de cadres, de médecins, de chercheurs…Ne sera pas résolu par regroupement
Devient t on un pôle décisionnel parce que l'on atteint une certaine taille (de quoi d'ailleurs ? De population? De surface?) : La taille n'est pas évoquée lorsqu’on parle de l'Alsace, du Schleswig ou de la Cantabrie en Espagne. Ce qui fait la force d'un territoire, c'est ce qu'il peut faire ou non sur le plan humain, financier, ce sont les compétences qu'il peut exercer. On voit que ce qui fait la faiblesse des régions françaises, c'est la faiblesse de leurs compétences plus que leur taille.
Il est des sujets ou cela est vrai : aéroport régional par exemple, on en voit les difficultés à le mettre en place ; raison de plus pour se concentrer sur les domaines ou cela est nécessaire pour éviter de multiplier les blocages.
Taille optimale ? Quelles compétences s'exercent au niveau de cet espace. La gestion des lycées de Cherbourg à partir de Rouen ne serait sans doute pas le plus efficace ! Vers ou regarde t on quand on parle axe Seine, mer et manche ?
À ce titre les régions administratives ne seront jamais satisfaisantes : c'est dit p54 mais étrangement ce constat pour les bassins de vie n'est pas évoqué pour les régions.
La gestion de l’Eau et les bassins versant, la façade maritime, l’axe Seine…dépassent les régions administratives, et aucun périmètre unique ne peut être imaginé. Les frontières territoriales n'en sont pas ; les limites sont faites pour être dépassées : coopération, contrat sont essentiels
La Normandie : région riche ? Région couloir entre la mer et Paris : la richesse produite est transférer ; par ailleurs la région s'est développée de l'extérieure et le développement endogène à du mal a trouvé sa place : la création d'entreprise est totalement absent des préoccupations des auteurs ; la richesse passée a peu orienté les financements publics, moins nécessaires alors que dans d'autres régions : recherche publique, formation, santé … Y ont pris du retard; les situations des deux régions sont de ce point de vue plutôt contrastée.
LA Normandie comme nécessité : Problème de taille, non!
Comme image, une histoire, pourquoi pas ?
Comme réalité ? Plus un imaginaire ?
Comme projet : les auteurs regrettent l'absence de projet haut ou bas normand – à voir? mais pourquoi y aurait il plus un projet pour une seule région ? Un projet , ce sont des objectifs, des acteurs s'appuyant sur les atouts et les faiblesses du territoire, des institutions, une volonté commune : ce sont les hommes qui font le territoire !
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