Gachis !

Je ne résiste pas au plaisir de vous soumettre le dernier édito de P. Frémeaux dans le numéro d’Alternatives Economiques de Juillet Aout :

"Difficultés économiques, crise institutionnelle: au moment où la France assume pour six mois la présidence de l’Union, le ciel européen s’est assombri. Le "Non" irlandais au traité dit "simplifié" enferme à nouveau l’Union dans le carcan du traité de Nice. Ce rejet, qui vient après les "Non"français et néerlandais de 2005, doit-il pour autant être interprété comme le signe que les peuples seraient devenus moins européens que leurs dirigeants?

La réponse est non. Si le traité de Rome avait été soumis à référendum en 1957, douze ans après la capitulation nazie, il n’est pas certain que le résultat aurait été positif. Une chose est sûre, en revanche: les dirigeants de l’époque avaient tiré la leçon des deux conflits qui avaient déchiré l’Europe dans la première moitié du XXe siècle et précipité son déclin. C’est pourquoi ils parvinrent à dépasser leurs rivalités pour porter un projet qui, pour être économique dans son objet, traçait de vastes perspectives politiques.

Aujourd’hui, la situation est inverse. Les peuples ont oublié les guerres passées. Ils critiquent d’autant plus l’Union qu’ils la considèrent comme un acquis. En revanche, les dirigeants n’ont ni le souffle ni la vision qui habitaient les "pères fondateurs" d’hier. Dépassés par les transformations du monde, ils se replient sur leur espace politique national et tentent de se refaire une popularité à bon compte en se posant en défenseurs de l’intérêt national face à Bruxelles. Comme si l’Union était un jeu à somme nulle où tout ce qui est acquis par l’un est nécessairement perdu par l’autre.

De ce point de vue, Nicolas Sarkozy est tout à fait dans le ton. Il ne cesse de proposer des solutions promises à être refusées par la Commission ou par nos partenaires, parce que contraires aux engagements pris ensemble. Si les pêcheurs souffrent, il exige la levée des quotas; si la croissance s’essouffle, il réclame une autre politique économique; si le prix du super s’envole, il propose de réduire les taxes… De quoi, après avoir essuyé un refus écrit d’avance, rejeter nos difficultés sur l’Europe. Nicolas Sarkozy n’est malheureusement pas seul à jouer à ce petit jeu. Il reflète l’air du temps.

Plutôt que de vouloir faire adopter à tout prix des traités illisibles, certains suggèrent de développer de grands projets, afin de donner à l’Union un contenu concret. Les difficultés d’EADS, l’échec du porte-avions franco-britannique, les querelles en matière énergétique témoignent des limites de la proposition. L’Europe des projets suppose les institutions à même de la porter.
L’Europe aurait aujourd’hui toutes les cartes en main pour jouer un rôle de leader dans le monde actuel. Elle pourrait donner l’exemple d’une gouvernance qui ne soit pas fondée sur le seul jeu des rapports de force entre Etats. Elle pourrait faire émerger un modèle économique où la dynamique du marché serait encadrée par une démocratie renouvelée. Elle pourrait, enfin, adopter des modes de production et de consommation intégrant les exigences du développement durable. Elle risque désormais de se réduire à une collection de petits pays rivaux qui regardent passer le train d’une histoire décidée ailleurs. Dommage."

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