“Libéral”, c’est un gros mot chez les socialistes ?

Pour essayer de répondre à cette question, Vincent Peillon opère un détour par l’Histoire des idées.  « En 1830, la devise du mouvement socialiste, alors en pleine éclosion, était "Plus de libéralisme impuissant". Le libéralisme – entendu comme la doctrine de l’émancipation de la personne, des droits de l’individu, de 1789 – se voyait en effet contesté par ceux-là même qui avaient mené, depuis une trentaine d’années, le combat pour les libertés. Pourquoi une telle évolution ? Parce que ces intellectuels se sont rendus compte que revendiquer uniquement les libertés ne suffisait pas : seuls quelques-uns jouissaient des libertés acquises quand une majorité en était écartée.
Ces militants des libertés ont ainsi jugé nécessaire de compléter la doctrine libérale par la notion d’égalité. Or, le socialisme, ce n’est rien d’autre que cette même idée. Ce n’est rien d’autre que le constat qu’il faille créer les conditions de la liberté pour que chacun puisse être réellement libre. Autrement dit, c’est précisément pour réaliser ces libertés qu’on a construit le socialisme !
Sans l’intervention de la puissance publique, les politiques d’éducation de masse, etc., nous serions dans ce que Maurice Merleau-Ponty appelait la "mystification libérale" : les libertés pour quelques-uns et pas pour les autres. Le socialisme n’est ainsi en rien l’antithèse du libéralisme, mais son dépassement.
Je l’ai souvent dit, il ne faut donc pas laisser les libertés aux libéraux : ce serait une erreur majeure, tant stratégique qu’historique ! Malgré cela, cette doctrine – qui inclut la visée des libertés mais qui n’oublie pas que, pour que les gens soient libres, il faut mettre en œuvre un certain nombre de choses – porte un nom : et ça s’appelle le socialisme ! Il n’y a donc pas de raison de s’appeler aujourd’hui "libéraux" : c’est une question qui a été réglée en 1830…
Je note par ailleurs avec amusement que tout le monde réclame toujours des débats intellectuels, mais que le jour où une telle question fondamentale arrive dans le débat politique, on nous dit que c’est un faux débat, une querelle de mots. Or, j’insiste : c’est un vrai débat ! Car tant que l’on ne répondra pas dans notre société à la demande d’égalité – notre problème majeur depuis 30 ans -, on restera dans la mystification de libertés qui ne valent que pour quelques-uns : est-il nécessaire de rappeler que seule la moitié des enfants partent en vacances, que le système éducatif est en échec, … ?
Pour une fois, nous avons un débat idéologique intéressant qu’il va falloir trancher. »
C’est la concurrence libre et non faussée évoquée en d’autres temps : libre seule, c’est le libéralisme, non faussée, c’est qu’elle est régulée !

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