Sommet européen du 26 octobre : une digue européenne face au tsunami financier

TsunamiLe sommet européen du 26 octobre est historique : le défaut de la Grèce est le plus grand de l’histoire moderne, devant l’Argentine, et le premier de l’histoire occidentale depuis 60 ans. Il donne naissance à la première vraie digue européenne : un Fonds européen de stabilisation financière doté de moyens d’intervention massifs. Mais le tsunami financier est toujours là : la dette publique des Etats de la zone euro, même consolidée, continue de dériver. Sortir du surendettement, tel est l’enjeu des mois à venir, en priorité en France. Sans cela, la nouvelle digue européenne volera en éclats, c’est le point de vue que développe Terra Nova dans une note de Guillaume Hannezo

Les marchés sont comme les chiens : ils mordent la main qui tremble. Les Européens ont trop souvent tergiversé et renié leur parole au cours de cette crise pour qu’ils ne soient plus jugés que sur des actes. Ceux qui ont été décidés lors du Sommet du 26 octobre vont changer la face de l’Europe, et les termes du débat présidentiel.

D’abord le défaut grec, qui impose aux créanciers des pertes sur la dette d’une démocratie ……


 européenne analogues en pourcentage aux faillites des pays du tiers monde, et supérieure en montant à tous les plus grands défauts de l’histoire moderne. Ce défaut montre aux investisseurs que les Etats peuvent faire faillite, et ils retiendront la leçon en exigeant des primes de risque plus élevées aux Etats moins rigoureux, jusqu’au point où ceux-ci ne pourront plus financer leur déficit. La Grèce ayant fait défaut dans l’Euro, nous devons maintenant l’aider à maintenir ses banques et son système de paiement, sauf à la forcer à sortir de l’Euro : la contagion du défaut grec ne se limiterait alors pas aux Etats et aux banques d’Europe, mais s’étendrait à toute l’économie productive.

Ensuite la recapitalisation des banques, distraction coûteuse du Sommet, qui vient de ce que les politiques européens ont entretenu pendant quelques semaines l’illusion que le renforcement de la solidité des banques était une alternative à la solvabilité des Etats. Comme si des banques bien capitalisées pouvaient supporter que leur Etat fasse défaut. Cela est bien sûr une illusion, la recapitalisation des banques, qui leur demande de provisionner ce que le marché estime instantanément être non pas le coût d’un défaut, mais son espérance mathématique, sera inutile si les Etats du Sud tiennent, et insuffisante s’ils font défaut. Mais cette distraction aura un impact récessif, car les banques s’adapteront aux nouvelles normes en réduisant massivement leurs actifs. D’où le risque d’un credit crunch.

La véritable avancée du Sommet réside bien sûr dans la démultiplication du FESF, qui permet aux Européens de mettre en place, au profit des obligations nouvelles du Sud de l’Europe, des eurobonds partiels, garantis par les Européens sur les premiers 20 % de pertes. La technique utilisée permet d’éviter le recours à la monétisation, que la France n’aurait pas du demander car elle n’est pas du ressort du Conseil européen, mais du conseil des gouverneurs, qui décideront en toute indépendance du réglage de la masse monétaire, comme le prévoit le Traité. Mais à l’évidence, cette émission de dettes garanties dégrade la solvabilité des pays du Nord à l’exacte proportion où elle rehausse celle du Sud. Et notamment celle du plus fragile des pays du Nord, la France.

La spéculation a donc commencé à se répartir entre les pays du Sud (Espagne, Italie), et ceux du centre (France, Belgique). L’écart de taux entre la France et l’Allemagne est de 120 points de base, contre 30 au début de la crise. 1 % d’intérêt, si cela dure, c’est comme s’il fallait lever 2 points de TVA juste pour le compenser, ou supprimer le budget de quatre ministères. Ces conditions auxquelles se finance aujourd’hui l’Etat français, ne sont déjà plus celles d’un Triple A, mais d’un « A » ou d’un « BBB+ », moins bonnes que celles de grands groupes prisés ou de certains pays du Sud, comme si le marché avait déjà dégradé la France. Ce n’est donc pas aux agences de rating qu’il faut s’adresser, mais aux marchés financiers qu’elles ne font que suivre à distance, c’est-à-dire aux créanciers.

 Le gouvernement français va devoir les convaincre en mettant en place des mesures de rigueur dès avant les élections de 2012. Et la gauche va devoir, elle aussi, livrer sa conception de la rigueur. Celui qui sera le plus capable de présenter un projet de société cohérent en renonçant à ses tabous d’avant la crise (la hausse des impôts pour la droite, la baisse des dépenses pour la gauche) sera le plus crédible. Et dans une crise qui dure, et qui menace la continuité même des services publics, le plus crédible gagnera.

Les scènes de ce Sommet ont aussi montré que la gouvernance européenne est à bout de souffle ; disparition du directoire franco-allemand ; management par l’humiliation de l’Italie ; scènes de « drama queens » de petits pays marginaux ; apparition du Parlement allemand en session plénière comme chambre basse du Sommet. Nous en sommes arrivés à un point où le spectacle de cette Europe a encore plus de chances d’être rejeté par les peuples que le projet d’une Europe fédérale. Cela, nos partenaires allemands en sont conscients, et vont un jour, sous ce gouvernement ou le prochain, nous proposer de construire les Etats-Unis d’Europe : il faudra être prêts, ce jour là, à saisir la balle.

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