Peut-on être de gauche et réformer les retraites ? Selon quels principes ?

Retraite4Le rapport de la Commission de réflexion sur l'avenir des retraites sera remis en fin de semaine au Premier ministre. Le sujet sera abordé lors de la Conférence sociale des 20 et 21 juin prochains, et fera l'objet d'un projet de loi à l'automne.

Dans une tribune publiée aujourd'hui dans Les Echos, Juliette Méadel, directrice générale de Terra Nova, rappelle, selon elle, les conditions d'une réforme des retraites juste : une réforme qui assure l'égalité entre hommes et femmes, qui prenne en compte la pénibilité des carrières, qui soit équitable au sein de chaque génération et entre les générations, qui améliore la lisibilité et la transparence du système. Pour assurer la remise à plat du système actuel, une telle réforme doit prendre le temps de la concertation, en associant la société civile et les partenaires sociaux à sa redéfinition.

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Qu'est-ce qu'une réforme des retraites de gauche ?

Qu'il faille réformer le système de retraite français n'est un scoop pour personne. Actuellement déficitaire, le système ne pourrait revenir à l'équilibre, dans le meilleur des cas, qu'en 2040. Le gouvernement a donc annoncé qu'il déposerait, sur la base des conclusions de la Commission de réflexion sur l'avenir des retraites, et après discussion avec les partenaires sociaux, un projet de loi à l'automne. Le calendrier envisagé est donc serré, voire précipité. Pourtant, il s'agira de la première grande réforme du système de retraite portée par la gauche : elle doit être réussie et ne le sera qu'à trois conditions.

Première condition : prendre le temps de la réforme. Pourquoi tant de précipitation ? Les projections du Conseil d'orientation des retraites montrent que le besoin de financement à l'horizon 2020 équivaut à 1 % de la richesse nationale. A l'horizon 2060, c'est-à-dire lorsque les jeunes d'aujourd'hui prendront leur retraite, il serait d'un peu moins de 3 % dans le pire scénario. Ce sont des chiffres importants mais ils ne justifient pas que l'on se prive de prendre le temps de la concertation.

Deuxième condition : adopter une réforme juste. Une réforme juste est une réforme qui vise tout d'abord à établir l'égalité entre les hommes et les femmes. Actuellement, la pension de retraite moyenne des femmes n'est égale qu'aux deux tiers de celle des hommes.

Une réforme juste est aussi une réforme qui prend en compte la pénibilité des carrières. La réforme cosmétique de 2010, qui a bénéficié à moins de 4 000 personnes, n'est en rien à la hauteur des enjeux. Il faut remettre à plat les mécanismes d'inaptitude, d'invalidité et de pénibilité pour définir un système ouvrant une retraite plus précoce à ceux dont le travail a diminué l'espérance de vie.

Une réforme juste est aussi une réforme qui fait progresser l'équité au sein de chaque génération, en réduisant par exemple l'avantage qu'ont aujourd'hui ceux dont la carrière a été ascendante par rapport à ceux qui n'en ont pas eu l'opportunité. C'est aussi une réforme qui fait progresser la justice entre les générations. En 2010, Terra Nova proposait que les retraités contribuent à l'effort de consolidation du système de retraite, chacun à la mesure de ses moyens. Plusieurs pistes peuvent être envisagées : revenir sur certains avantages fiscaux spécifiques, comme l'abattement de 10 % pour l'impôt sur le revenu ou le très faible taux de cotisation d'assurance-maladie (la cotisation prélevée sur les salaires et affectée à l'assurance-maladie est de 13,55 % alors que la cotisation prélevée sur les retraites et affectée à l'assurance-maladie n'est que de 1 %) ; prévoir que, durant une période temporaire de quelques années, les retraites seront revalorisées moins vite que l'inflation, comme cela a été le cas en Allemagne ou en Suède et comme cela vient d'être décidé en France pour les retraites complémentaires.

Une réforme juste est une réforme qui améliore la lisibilité et la transparence du système. Actuellement, le système français des retraites comprend une trentaine de régimes différents, et la situation se complique à l'extrême pour les « polypensionnés », c'est-à-dire les retraités qui, ayant exercé des métiers différents dans des secteurs différents, relèvent de plusieurs régimes de retraite.

En réalité, il s'agit là d'une réforme systémique qui remet à plat l'ensemble des paramètres du système actuel. Elle devrait permettre d'aboutir, comme en Suède ou en Italie, à la retraite par points.

Troisième condition : associer la société civile et les partenaires sociaux à la définition des grandes lignes de la réforme. L'avenir de notre système de retraite est un sujet qui détermine notre projet de société. Montrons que ce qui a été possible sur la sécurisation de l'emploi avec l'accord du 11 janvier 2013 l'est également sur les retraites et que notre pays est capable de faire face à ses plus grands défis de manière négociée et ouverte.

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