Fusion des communes, regroupement de régions trop petites, regroupement d'universités, création de métropoles …..la grande taille des institutions est devenue le " must" pour un certain nombre de décideurs publics, voir une nouvelle pensée unique : la crise et la rareté de l'argent public, la mondialisation et le besoin d'attractivité, devraient accélérer les regroupements ! Pourquoi ? Elle mérite qu'on y regarde à deux fois, même si à l'heure d'Internet et de la globalisation, le double mouvement d'individualisation et de concentration est puissant.
D’abord regrouper Pour donner plus de visibilité à l'action! mais visibilité pour qui ? Les habitants ou décideurs de Pékin , de New York…. ou les habitants de nos territoires ? La visibilité est sans doute utile mais elle ne doit pas être confondue avec la gouvernance. Des événements ou des équipements culturels ou sportifs contribuent aussi à de la visibilité : le festival de Jazz de Montreux , l'équipe de foot d'Auxerre ont autrement plus contribué à la visibilité de ces villes que leur taille ! Un prix Nobel offre une autre visibilité qu'une croissance sans fin des laboratoires!
Deux autres arguments sont souvent évoqués pour les regroupements : la Mutualisation et la Compétitivité. Si cette logique est évidente pour de gros investissements qui ne peuvent se réaliser sans une base financière solide, elle l'est beaucoup moins pour les coûts de fonctionnement ! Par ailleurs des marchés publics mutualises peuvent éliminer les PME sur la base des prix dans un premier temps, mais réduisent la concurrence dans la durée, et révèlent progressivement des coûts cachés.
Au delà des économies d'échelles incontestables, On le sait toutes les grandes structures révèlent des Coûts cachés : la transversalité nécessaire des projets est soumise a la logique verticale des services. Lorsqu'on compare une ferme agricole de 1000 ha et 10 fermes de 100 ha, les différences sur l'emploi, sur l'environnement et les paysages apparaissent très vite …
L'Innovation suppose la rencontre, le contact, la spontanéité … ; elle est plus difficile dans les grandes structures et la création de cercles participatifs pour y remédier partiellement, est très mangeuse de temps et donc couteuse. L’usage, incontournable fréquemment, de gros équipements de recherche, est parfaitement possible dans le cadre de réseaux organisés.
Le Déficit démocratique est accru dans les grandes organisations : 0n ne sait plus qui décide. Il suffit de rappeler les travaux de JKGalbraith sur la technostructure ! Il suffit de voir les difficultés à faire vivre la démocratie dans les grandes villes à travers des conseils de quartiers, d'arrondissement….aux pouvoirs limites!
La Réactivité indispensable exige la proximité car l'éloignement accroît les temps de réaction, d'analyse et de décision ; elle suppose des responsables, des décideurs accessibles ! Le remplacement d'élus par des centres d'appel téléphonique n'est pas l'assurance d'une meilleure réactivité ! Si l'expertise est nécessaire, ne confondons pas le pouvoir de l'expert et celui issu du suffrage universel.
Responsabilité, proximité, coûts cachés, démocratie, capacité d'innovation ….on le voit l'efficacité ne réside pas naturellement dans la grande taille des organisations. L'agrandissement permanent est synonyme d'uniformisation et donc d'appauvrissement : à t on vraiment réfléchi à la "meilleure efficacité" à priori, d'une université de 100 000 étudiants par rapport a une université de 20 000 étudiants ?
Il faut sans doute plutôt appliquer d'autres principes : La Subsidiarité pour bien distinguer ce qui relève du stratégique et de l'opérationnel : privilégions toujours le niveau de décision le plus proche des citoyens aussi longtemps que le niveau supérieur n'est pas plus efficace .La Mise en réseau, plus que la fusion, est la garantie la plus sure d'un meilleur partage de compétences ou des équipements. L'Évaluation permanente est l'autre versant de l'adaptation des organisations: c'est la condition indispensable du choix de la "bonne taille"!
Il faut s'adapter aux projets et non s'enfermer dans des périmètres administratifs, et donc des tailles, qui ne peuvent être efficaces pour tous les sujets. Aucune taille institutionnelle n'est optimale pour tout, et on voit les dangers d'une fuite en avant vers la "grande taille"!
L’Europe dans sa stratégie EU2020 veut promouvoir une Croissance intelligente, une croissance durable, une croissance inclusive : sur chacun de ces points la grande taille n'est pas le meilleur moyen d'y parvenir!
Dans l'organisation de nos territoires, dans la mise en œuvre de la décentralisation, dans l'organisation de nos services publics ou de nos universités , gardons toujours à l'esprit que la grande taille des organisations n'est pas toujours le mieux !
2 Commentaires
Je suis actuellement élue d’une petite commune de 500 habitants , au sein d’une intercommunalité de 15000 habitants
Certains élus communautaires essaient de nous persuader qu’il serait bon de devenir commune nouvelle (par souci d’économie, soi disant !!!)
Je suis persuadée qu’il n’en est rien ..
Cependant, je cherche des réponses à mes questions
J’approuve complètement votre théorie et je souhaiterai connaître votre point de vue concernant cette forme de fusion ?
Très difficile car l’histoire et la géographie sont essentiels pour choisir la meilleure organisation publique : densité, contiguïté des communes, habitude de travail en commun , ampleur des équipements communs,…. sont autant de variables à prendre en compte . L’essentiel est un projet partagé, qui s’inscrive dans la durée et qui représente un progrès pour les habitants . Mais une commune de 500 habitants peut de moins en moins vivre seule et le renforcement de l’intercommunalité est indispensable…jusqu’à la fusion ? c’est à vous de voir avec les habitants!