Limiter les déplacements en période de pic de pollution de l'air est évidemment nécessaire : il y avait urgence ! Mais l'émotion n'est pas toujours bonne conseillère, pour le long terme ! Les transports ne sont pas seuls en cause : c’est le constat que rappelle opportunément la revue Alternatives économiques.
S’attaquer à la seule voiture peut être compréhensif à court terme mais apparaître encore comme relevant de la punition si on en reste la : les ménages captifs, les plus pauvres ne disposant pas de deux véhicules avec plus de chance de disposer d’une immatriculation paire et d’une impaire seront plus pénalisés. (toutes les infos sur la circulation alternée)
L'industrie et le chauffage ont également une lourde part de responsabilité. L'usage de combustibles traditionnels comme le bois, le charbon ou les résidus agricoles, très fréquent dans les pays du Sud, entraîne l'émission de particules qui dégradent la qualité de l'air à l'intérieur des habitations.
En 2011, l'OMS indiquait que la pollution de l'air (intérieure et extérieure) était responsable du décès de plus de 2 millions de personnes chaque année dans le monde. Le transport routier, et le diesel en particulier très développé en France, jouent certes un rôle non négligeable dans cette forme de pollution.
Les transports n’en sont pas moins qu’une source de ces microparticules parmi d’autres. Ils n’en sont même pas, selon les chiffres d’Eurostat, la source principale : l’industrie d’une part, et les usages résidentiels d’autre part, le chauffage pour l’essentiel, produisent davantage de microparticules encore.
Par ailleurs, même si on mesure mieux et on est plus sensible aujourd’hui à ces pollutions, les émissions de microparticules ont en réalité sensiblement diminué en France et en Europe depuis vingt cinq ans. Un effet à la fois de la désindustrialisation massive qu’a connue le vieux continent durant cette période et de l’amélioration des normes et des techniques à la fois pour les véhicules et les procédés industriels. Il n’en reste pas moins que la concentration de ces microparticules dépasse régulièrement les seuils maxima tolérés pour notre santé. Un phénomène aggravé semble-t-il par les évolutions induites par le changement climatique.
Alternatives Economiques dans son numéro n° 323, d’avril 2013, pose la question : Faut-il taxer le diesel comme l'essence ?
Pourtant plus nocif pour la santé, le diesel est moins taxé que l'essence. Le diesel, c'est un peu comme le nucléaire : une de ces passions françaises dans lesquelles le pays a sauté à pieds joints, dans une belle harmonie des pouvoirs publics et des industriels.
Non sans raison : les moteurs diesels sont nettement moins gourmands en carburant que les moteurs à essence. Le développement de cette technologie permettait au consommateur de faire des économies et au pays dans son ensemble d'importer moins d'hydrocarbures et d'émettre moins de CO2.
Les pouvoirs publics ont donc encouragé cette solution par une fiscalité nettement plus favorable que celle portant sur l'essence – un avantage de 18 centimes d'euro par litre sur les prix à la pompe en 2012. Et les constructeurs français se sont engouffrés dans la brèche en surinvestissant dans cette technologie.
Résultat : nous sommes aujourd'hui l'un des pays les plus diésélisés d'Europe et même du monde : l'an dernier, trois quarts des immatriculations concernaient ce type de véhicules. La part du diesel est même écrasante dans les flottes d'entreprise (97 %), qui représentent près de la moitié des nouvelles immatriculations en France. En France, plus de 18 millions de voitures particulières, soit 60 % du parc, sont aujourd'hui équipées d'un moteur diesel, contre 16 % en 1990.
Le diesel est un enjeu sanitaire considérable. En France, 12 millions de personnes vivent dans des zones ne respectant pas les critères européens de qualité de l'air, ce qui expose la France à de lourdes amendes si elle ne s'y conforme pas d'ici à 2014.
Pour leur défense, les constructeurs font valoir que le problème sanitaire est désormais réglé : depuis 2011, la norme européenne impose que les nouveaux véhicules mis sur le marché soient équipés de filtres à particules. Il faudrait donc se concentrer sur le renouvellement du parc ancien.
Ces filtres sont effectivement un progrès, mais ils laissent toujours passer des nanoparticules dont l'innocuité reste à démontrer ; la réglementation européenne devrait d'ailleurs se durcir dès 2014. Le prix des véhicules diesel va donc augmenter du fait de dispositifs de dépollution de plus en plus exigeants.
Or, parallèlement, le surcoût d'un véhicule diesel à l'achat sera de moins en moins compensé par les économies qu'il autorise à l'usage. D'une part, parce que le rendement des véhicules à essence s'améliore (l'écart de consommation pour les véhicules neufs ne serait plus que de 15 % en faveur du diesel, selon l'Ademe) et que de nouvelles technologies, comme les moteurs hybrides, se développent rapidement. D'autre part, parce que le déficit chronique de production de gazole en Europe pourrait faire grimper le prix de ce carburant.
Selon la Cour des comptes, cet alignement fiscal pourrait en effet rapporter jusqu'à 7 milliards d'euros par an aux caisses de l'Etat. Et cela lui permettrait peut-être aussi d'en dépenser moins à moyen terme : les coûts sanitaires de la pollution de l'air sont estimés de 20 à 30 milliards d'euros par an, selon la commission des comptes et de l'économie de l'environnement. Mais une stratégie aussi brutale aurait aussi des effets indésirables particulièrement coûteux à court terme.
D'abord, pour les consommateurs qui ont choisi le diesel pour économiser de l'argent sur le carburant et qui verraient leur pouvoir d'achat subitement pénalisé par cette mesure. Ensuite, pour les constructeurs de l'Hexagone, déjà en mauvaise posture et dont le leadership dans le diesel constitue l'un des derniers points forts. PSA est ainsi le premier fabricant mondial de moteurs diesels pour les voitures particulières. La moitié des véhicules sortis de ses usines en 2011 étaient des diesels.
Une solution raisonnable consisterait à accompagner intelligemment la transition pour sortir de cette impasse en donnant aux consommateurs comme aux producteurs le temps et les moyens de s'adapter à la nouvelle donne. Pour ce faire, la suppression de l'avantage fiscal du diesel doit être clairement actée, mais sa mise en place progressive, selon un calendrier programmé et publié à l'avance. Une partie des nouvelles recettes collectées par l'Etat pourrait ensuite être redistribuée aux particuliers désireux d'acquérir un véhicule plus propre (sous la forme d'une sorte de prime à la casse) et aux constructeurs soucieux de se reconvertir.
Enfin et surtout, des mesures doivent être prises sans attendre pour endiguer le problème sanitaire dans les zones les plus affectées par la pollution atmosphérique. Mais l'un des projets phares du Grenelle de l'environnement, la création de zones d'action prioritaire pour l'air (Zapa), visant à restreindre l'accès des véhicules les plus polluants au coeur des grandes villes, a été officiellement abandonné début février, car jugé trop inéquitable : bannir les véhicules les plus polluants, qui sont aussi les plus anciens, revient à interdire l'accès des centres-ville aux automobilistes les plus pauvres.
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