La “rentabilité exceptionnelle” enregistrée par les concessions autoroutières l’année dernière a beaucoup fait parler : entre 20 et 24% !
Mais comment rétablir un meilleur équilibre entre les tarifs pratiqués par les concessions autoroutières et la rentabilité qu’elles en tirent ? Baisse des péages ? renégociation des contrats de concession ? taxation des profits ? accélération du plan de travaux ?….rachat par l’Etat des réseaux mais avec quel argent, dans l’état actuel des finances publiques et alors qu’il vend une partie de l’aéroport de Toulouse ? La dénonciation des concessions en cours est une autre possibilité, à condition qu’elle intervienne avant le 31 décembre ? créer une autorité de régulation des infrastructures ? Trois rapports récents éclairent la question.
L’Autorité de la concurrence, dans un récent avis, a dénoncé cette «rente» des sociétés d’autoroutes. Son verdict est sans appel : l’Etat doit « reprendre la main » face aux sociétés concessionnaires d’autoroutes (Vinci, Eiffage…) qui profitent d’une véritable « rente » sans rapport avec les coûts qui leur incombent.
Cette autorité indépendante, chargée de veiller au respect de la libre concurrence, met en cause l’abus des sociétés d’autoroute, dont le monopole leur offre une « rentabilité exceptionnelle » de 20 à 24 %. « En d’autres termes, pour 100 euros de péages payés par l’usager, entre 20 et 24 euros sont du bénéfice net pour les concessionnaires d’autoroutes », explique l’avis, une situation nourrie par l’augmentation des tarifs des péages, « bien plus rapide que l’inflation » et « largement déconnectée de leurs coûts ». Entre 2007 et 2013, le prix du kilomètre parcouru est ainsi passé de 9 à 10,4 centimes d’euro, soit une augmentation de 15,5 %.
Depuis la privatisation des sociétés d’autoroute en 2006, trois entreprises se partagent 92 % du chiffre d’affaires du secteur : Vinci, Eiffage (les deux géants français du BTP), et l’espagnole Abertis.Selon le document, l’argument des sociétés d’autoroutes qui justifient l’augmentation des tarifs par la dette qu’elles assument depuis la privatisation (28,3 milliards d’euros en 2013), est fallacieux : non seulement cette dette n’est « pas risquée » et remboursable sans difficulté, « mais elle leur permet en plus de bénéficier de l’avantage fiscal découlant de la déductibilité totale des intérêts d’emprunts », évalué à 3,6 milliards depuis 2006.
En outre, l’Autorité de la concurrence, alerte sur un potentiel mélange des genres entre les sociétés d’autoroutes et leurs maisons-mères, spécialisées dans le bâtiment, dès qu’il s’agit d’entretenir le réseau autoroutier : leur appartenance aux groupes Vinci et Eiffage peut « les mettre dans une position plus favorable que leurs concurrentes dans les appels d’offres ».
En conséquence, l’autorité formule treize recommandations, dont la principale est de « mettre en place une nouvelle formule de calcul du tarif des péages (…) susceptible de limiter leur hausse, voire de permettre leur baisse ». L’avis suggère également de confier à une « autorité de régulation indépendante » (on imagine qu’il s’agit de l’Autorité elle-même) des « missions d’expertise, de contrôle et de sanction ».
Elle préconise, « si la rentabilité des sociétés concessionnaires continuait à augmenter, d’introduire des clauses de réinvestissement et de partage des bénéfices au bénéfice de l’Etat ».
Enfin, l’Autorité de la concurrence recommande de renégocier le plan de relance autoroutier, qui doit permettre aux sociétés de prolonger leurs concessions de six ans, aux mêmes conditions ; en contrepartie, elles devraient effectuer 3,6 milliards de travaux.
La fondation Terra Nova, propose dans une étude récente de Taxer, ou en tout cas menacer de le faire, les sociétés mères des groupes qui exploitent les autoroutes, pour les forcer à renégocier leurs très avantageux contrats avec l’Etat : “la mise en place d’une fiscalité exceptionnelle sur les maisons mères de ces sociétés permettrait à l’Etat de récupérer à court terme une partie de la rente autoroutière et à moyen terme de renégocier les contrats de plan”.
Ce sont donc les maisons mères Vinci, Eiffage et Abertis qui seraient touchées, et non les exploitants directs dont le contrat est trop cadenassé. En effet, ils pourraient répercuter auprès des utilisateurs la hausse de leur taxation le cas échéant. Mais il n’est pas facile de taxer le groupe espagnol Albertis qui paye ses impôts en Espagne… Et de ne taxer que les deux groupes français au risque de les voir attaquer l’Etat en justice pour l’application d’un autre traitement à la société Espagnole…
Le récent rapport d’information sur la place des autoroutes dans les infrastructures de transport » , rendu par l’Assemblée Nationale conclut quant à lui, qu’« il est urgent que le gouvernement notifie aux concessionnaires sa volonté de rupture avant le 31 décembre de cette année pour bâtir un nouveau système au cours de l’année 2015 avec, au plus tard, une entrée en vigueur au 1er janvier 2016 ». Ce rapport constitue une bonne synthèse de la question.
En tout cas, une chose est sure, la privatisation des concessions en 2005-2006 a été une erreur et il est temps que « l’Etat reprenne la main ! »
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