La torture en 2016 : qu’en pensent les Français ?

torture-activismA l’occasion de la publication de son rapport annuel 2016 Un monde tortionnaire , qui dresse à nouveau un état des lieux du phénomène tortionnaire dans le monde, l’ACAT révèle les résultats d’un sondage sur la perception qu’ont les Français de la torture, commandé à l’IFOP. Les résultats de ce sondage sont plutôt inquiétants.

Une acceptation plus importante de la torture marquée par le contexte post-attentats :

— 36% des sondés acceptent le recours à la torture dans des circonstances exceptionnelles, contre 25% en 2000 .
—-54% de Français acceptent qu’une personne suspectée d’avoir posé une bombe prête à exploser soit soumise à des décharges électriques.
— 45% des personnes interrogées considèrent que la torture est efficace pour prévenir des actes de terrorisme et obtenir des informations fiables. Une erreur, comme l’a notamment montré le rapport du Sénat américain sur la torture de la CIA publié en 2014.
— 18% des sondés déclarent qu’ils pourraient envisager de recourir eux-mêmes à la torture. Ce chiffre atteint 40% pour les sympathisants du Front national.

« Il est très préoccupant de constater plus d’un tiers des Français pensent que des circonstances spéciales peuvent justifier le recours à la torture. Plus effrayant encore est le fait que confronté au scénario de la bombe à retardement, plus de la moitié des sondés acceptent l’utilisation de la torture » selon Jean-Etienne de Linares, délégué général de l’ACAT.

Les Français se sentent peu concernés par la torture, et connaissent peu la réalité du phénomène tortionnaire :

— Un Français sur deux ne se sent pas concerné par la question de la torture. Les jeunes générations se sentent moins concernées que leurs aînés, qui ont notamment connu la guerre d’Algérie.
— L’image de la torture que se font les sondés ne correspond pas à la réalité :
39% des personnes interrogés considèrent que les minorités ethniques et religieuses sont le plus souvent victimes de torture, alors que ce sont d’abord les délinquants de droit commun puis les opposants politiques qui sont les principales victimes.
51% des sondés considèrent que les membres de groupes armés non étatiques et guérillas pratiquent le plus souvent la torture. Pourtant, ce sont les agents des Etats qui torturent le plus fréquemment.

L’Acat a aussi observé le développement au cours de la dernière décennie d’un nouveau phénomène : la torture de migrants exercée par des criminels à des fins de rançons, principalement dans le Sinaï et en Libye (visant Erythréens, Ethiopiens et Soudanais notamment), mais aussi au Mexique, ciblant des migrants d’Amérique latine. Dans les «maisons de torture qui ont poussé comme des champignons» dans le désert du Sinaï, au Soudan, en Libye, au Yémen, des milliers de migrants «sont torturés devant un téléphone relié à leur famille (…) par des bourreaux sans scrupules qui espèrent en retirer des sommes faramineuses».

«Si la torture est une pratique quotidienne dans beaucoup de pays, c’est d’abord parce que des policiers mal formés et mal payés l’utilisent comme une méthode d’enquête» afin d’obtenir des aveux et de «faire du chiffre», notent les auteurs du rapport. La torture ne permet pas, selon l’Acat, d’obtenir des informations fiables, mais elle est très utile pour les régimes autoritaires qui souhaitent terroriser leurs opposants : «Faire taire et non pas faire parler. Une redoutable efficacité dès lors qu’il ne s’agit pas d’obtenir des renseignements, mais d’écraser toute velléité de révolte».

Le rapport contient aussi :

— l’analyse de 9 pays, complétant l’état des lieux réalisé par l’ACAT dans les précédents rapports : Allemagne, Congo-Brazzaville, Nigéria, Chine, Ouzbékistan, Uruguay, Mexique, Tunisie et Koweït
— des articles sur différentes thématiques, comme la torture privée des Érythréens dans le Sinaï , les différents mécanismes nationaux, régionaux et internationaux de lutte contre la torture , Les raisons de la persistance de la torture dans le monde

Cet ouvrage est le cinquième rapport que l’ACAT consacre à l’étude de la torture dans le monde, poursuivant le travail d’éclairage historique, politique, psychologique et culturel de ce phénomène.

Résumé du rapport

Rapport

 

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