Travail et santé: un lien à comprendre pour mieux agir

2282282-3189405La revue Économie et Statistique (n°486-487 de juillet 2016)) a choisi de consacrer un numéro à des travaux mobilisant l’enquête Santé et itinéraire professionnel mise en place par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) du Ministère des Affaires sociales et de la santé et la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du Ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Cette enquête originale repose sur deux vagues d’interrogation des individus (2006 et 2010) et un volet biographique rétrospectif. Elle offre des perspectives de recherche appliquée tout à fait inédites, notamment en sciences économiques, dans un champ relativement peu exploré en France par rapport à l’abondance de la littérature internationale sur le sujet .

Les incidences microéconomiques sont pourtant évidentes ; pour le salarié, la dégradation de l’état de santé contribue à modifier ses préférences pour le loisir et à diminuer sa capacité de travail voire sa productivité ; pour l’entreprise, les arrêts-maladie de longue durée notamment induisent des coûts de gestion, de formation, des pertes de productivité et de compétitivité. Les équilibres macroéconomiques sont aussi fragilisés par une dégradation du capital santé, provoquant des départs prématurés du marché du travail et une surconsommation de soins

Introduction Santé et itinéraire professionnel : contexte et genèse d’une enquête

Chômage et santé mentale

Le panel Santé et itinéraire professionnel sert ici à étudier l’effet causal du chômage sur la santé mentale en France. Plus précisément, les auteurs cherchent à évaluer si l’expérience et la durée de chômage augmentent les troubles mentaux dits courants de type dépression majeure et trouble d’anxiété généralisée. Les résultats indiquent que l’expérience du chômage a un effet sur les hommes alors que ce n’est pas le cas pour les femmes. L’effet se concentre sur les hommes en deuxième partie de carrière. Du point de vue des politiques publiques, cette étude montre qu’un accompagnement psychologique ciblé et efficace des chômeurs permettrait de prévenir la survenue de troubles mentaux.

L’influence de la santé mentale déclarée sur le maintien en emploi

 Cet article vise à mesurer l’effet causal de la santé mentale déclarée en 2006 (troubles anxieux et épisodes dépressifs) sur le maintien en emploi en 2010.Il montre que pour les hommes, le fait de déclarer souffrir d’un trouble mental en 2006 est associé à une diminution du maintien en emploi quatre ans plus tard. Concernant les femmes, aucune relation significative de ce type n’est identifiée, après prise en compte de leur santé générale. Les tests de robustesse effectués, notamment sur la période 2007-2010 et sur différentes tranches d’âges, confirment ces résultats.

Obésité et marché du travail : les impacts de la corpulence sur l’emploi et le salaire

 À niveau équivalent de compétences, les femmes obèses ont moins souvent un emploi que celles qui ne le sont pas (7 points de probabilité en moins d’avoir un emploi). Au contraire, chez les hommes, un indice de masse corporelle plus élevé est associé à une probabilité légèrement plus élevée d’avoir un emploi.

Les salaires des hommes et des femmes obèses ne sont pas différents de ceux des personnes non obèses, et ce tout au long de l’échelle des salaires, mais un indice de masse corporelle plus élevé est associé à une très légère baisse du salaire chez les femmes (- 0,3 %).

En exploitant le fait que la pratique régulière dans le passé d’une activité physique diminue la corpulence sans influer directement sur l’emploi ou le salaire, les auteurs identifent un effet causal de la corpulence sur l’emploi plus fortement négatif pour les femmes, et nul pour les hommes. Les impacts causals de l’obésité et de la corpulence sur le salaire horaire sont eux aussi négatifs mais leurs ampleurs ne sont pas toujours quantifiables en raison du manque de puissance de l’instrument.

L’exposition des travailleurs aux risques psychosociaux a-t-elle augmenté pendant la crise économique de 2008 ?

Cet article étudie l’exposition des travailleurs aux risques psychosociaux (RPS) et son évolution entre 2006 et 2010, dans un contexte de crise économique.

Si l’on observe une surexposition générale aux RPS chez les individus de 35 à 44 ans, ceux ayant un diplôme de niveau baccalauréat ou ceux exposés à des pénibilités physiques, les profils d’exposition apparaissent nettement différenciés selon le genre, la catégorie professionnelle et le secteur d’activité. L’identification de ces surexpositions et de ces profils doit permettre de mieux cibler les politiques de prévention sur ces populations qui ne sont pas toujours celles que l’on considère comme les plus fragiles sur le marché du travail.

On observe une augmentation générale de l’exposition aux RPS sur la période 2006-2010. L’augmentation la plus frappante concerne le manque de reconnaissance. Aucun lien significatif n’est à noter entre l’évolution de l’exposition aux RPS et les différences sectorielles d’exposition à la crise. En revanche, il y a mise en évidence d’une association significative entre l’existence d’un plan de licenciement au niveau de l’entreprise et l’aggravation de l’exposition aux RPS. Enfin, une mobilité professionnelle est associé à une réduction significative de l’exposition aux RPS.

 Les changements d’organisation du travail dans les entreprises : quelles conséquences sur les accidents du travail des salariés ?

Cet article étudie l’influence de l’introduction, au sein des entreprises, des nouvelles formes d’organisation du travail, souvent inspirées du toyotisme (production en juste-à-temps, équipes autonomes de travail…) sur le risque d’accidents du travail des salariés.

L’article conclut que les changements de pratiques organisationnelles sont corrélés avec le risque d’accidents du travail, mais que cette corrélation reste modeste. Ainsi, l’obtention de la norme ISO 9001 est associée à une réduction des accidents du travail, mais seulement dans les entreprises de 200 salariés ou plus. Ce résultat suggère que la formalisation du processus de production encouragée par la norme améliore la sécurité de l’entreprise à condition que celle-ci l’analyse.

Les grandes entreprises disposent sans doute de plus de moyens pour entreprendre cette analyse. En outre, l’obtention d’ISO 9001 dans les petites entreprises est peut-être plus souvent imposée par un donneur d’ordre ; de ce fait, ces entreprises sont plus susceptibles de considérer les outils proposés par la norme comme de simples formalités pour l’obtenir, sans chercher à en tirer profit.

L’article conclut aussi que la mise en place de l’analyse de la valeur (qui désigne un ensemble de méthodes formalisées de résolutions de problèmes susceptibles d’intervenir dans le cadre du processus de production) est associée à une réduction des accidents du travail. Ce résultat tendrait à confirmer que ces méthodes sont efficaces.

Travail dominical, usages du temps et vie sociale et familiale : une analyse à partir de l’enquête Emploi du temps

Les débats relatifs au travail dominical opposent d’un côté les tenants de la liberté de travailler sans contrainte qui mettent en avant les gains de compétitivité de l’économie et les gisements d’emploi que recèlerait l’ouverture des commerces le dimanche, et de l’autre côté à la fois les défenseurs, de moins en moins nombreux, d’un temps consacré à la sanctification et ceux qui prônent le maintien d’un temps commun consacré à la vie en société et à la famille.

Les premiers invoquent l’évolution de la société, des modes de consommations, la compétition économique dans un monde globalisé tandis que les seconds font appel aux travaux socio historiques, à la dimension socio-anthropologique du dimanche et à la nécessité d’en préserver la spécificité.

L’étude réalisée ici , permet de comparer les usages du temps de ceux qui travaillent le dimanche à ceux qui ne travaillent pas ce jour-là. Selon les estimations économétriques, travailler le dimanche va de pair avec une perte de sociabilité familiale et amicale et une diminution du temps de loisir allant au delà de celles observées un jour de semaine et qui ne sont pas, en général, entièrement contrebalancées par le jour de repos compensateur.

De plus, les salariés concernés par le travail le dimanche, c’est-à-dire par une forme de travail atypique, sont également ceux qui sont le plus concernés par des horaires de travail atypiques les jours de la semaine.

Sommaire du numéro

 

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