La réforme constitutionnelle envisagée par le Président de la République et négociée en ce moment, par le Premier Ministre comprend de nombreux aspects, évoqués pendant la campagne ou annoncés dans ses premières déclarations.
Pour mettre en œuvre cette réforme, le gouvernement privilégie pour l’instant la voie parlementaire traditionnelle. Mais la révision constitutionnelle devra être votée dans les mêmes termes par les deux chambres (Sénat et Assemblée nationale), comme le dispose l’article 89 de la Constitution. L’exécutif devra ensuite convoquer le Parlement en Congrès, où il devra obtenir la majorité des 3/5èmes. Il peut également passer par la voie du référendum.
Quelles sont les principales mesures qui pourraient s’inscrire dans cette réforme de notre constitution.
● Réduction du nombre de parlementaires ; Il est envisagé de réduire d’un quart à un tiers le nombre de députés et sénateurs. La proportion exacte reste à déterminer, car elle implique un redécoupage de la carte électorale et pose des questions de représentativité des territoires. L’objectif est de conserver au moins un parlementaire de chaque chambre par département ; les réductions devraient se faire donc prioritairement dans les départements les plus peuplés, plutôt que dans les départements les plus ruraux.
● Limitation du cumul des mandats dans le temps : le projet prévoit d’imposer aux élus une limitation à trois mandats successifs identiques. Pour le gouvernement :«Trois mandats cumulés dans le temps, c’est 18 ans, si on a 18 années pour mettre en œuvre un projet territorial, ce n’est sans doute pas la 19ème année qu’une nouvelle révolution intervient» : les mandats de maires de communes de moins de 3500 habitants ne seront pas concernés.
● Introduction d’une dose de proportionnelle : Introduire de la proportionnelle dans l’élection des députés à l’Assemblée nationale est une autre promesse de campagne. Reste à déterminer à quelle dose : un taux compris entre 10 et 25% sans doute. Reste aussi à savoir si le scrutin proportionnel se déroulera dans des circonscriptions ou sur une liste nationale. Une mesure délicate à mettre en œuvre quant en même temps, on réduit leur nombre
● Accélération de la procédure parlementaire : Le gouvernement souhaite aussi accélérer le processus parlementaire. La principale mesure, en cas d’échec de la commission mixte paritaire à l’issue de la première lecture, vise à supprimer le passage à l’Assemblée nationale en seconde lecture. Le texte sera alors directement examiné par le Sénat sans passage en commission, puis voté en lecture définitive à l’Assemblée nationale au plus tard dans les huit jours qui suivent. Une autre mesure provoque beaucoup d’interrogations : la limitation du droit d’amendement en fonction de l’importance de leur groupe. L’objectif est que le droit d’amendement ne soit plus utilisé abusivement par l’opposition comme une arme d’obstruction pour ralentir les débats, en multipliant les amendements. Autre mesure contestée : la réduction du calendrier budgétaire, permettant un dépôt des projets de loi et finance (PLF) et de financement de la sécurité sociale (PLFSS) à compter de la troisième semaine d’octobre pour une adoption en 50 jours, contre 80 actuellement.
● Renforcement du pouvoir de contrôle du Parlement : le gouvernement propose un renforcement des pouvoirs de contrôle du Parlement au travers les saisines de la Cour des comptes par les parlementaires qui pourraient être élargies. Concernant les lois déjà votées, les parlementaires auraient la possibilité de les amender ou de les corriger pendant la semaine de contrôle. Enfin chaque ministre pourrait être amené à faire un bilan de l’exécution de son budget.
● Renforcement du droit de pétition : Le nombre de membres du Conseil économique et social (Cese) pourrait être réduit de moitié. Par ailleurs, lorsqu’il serait saisi d’une pétition citoyenne (500.000 signatures), il serait fondé à la transmettre à l’Assemblée nationale qui pourrait décider toute une batterie de mesures, de l’ouverture d’une mission d’information jusqu’à la formulation d’une proposition de loi.
● Une plus grande liberté d’administration pour les collectivités territoriales : L’exécutif propose d’élargir la liberté d’administration des collectivités territoriales, prévue à l’article 72 de la Constitution, en instaurant un « droit à la différenciation » pour les collectivités, qui leur permettrait de pérenniser des expérimentations sans qu’elles soient nécessairement étendues à tout le territoire. Les collectivités territoriales pourraient également se répartir plus librement entre elles les compétences qui leur sont dévolues ; par exemple, une région pourrait prendre en charge la construction et la gestion d’un collège, compétence normalement dévolue aux départements.
● Suppression de la Cour de justice de la République : Créée par la loi constitutionnelle du 27 juillet 1993 dans le contexte de l’affaire du sang contaminé et de la multiplication des affaires politico-financières, la Cour de justice devrait disparaître. Créée pour permettre de juger les ministres dans l’exercice de leurs fonctions. « Nos concitoyens ne comprennent plus pourquoi seuls les ministres pourraient encore disposer d’une juridiction d’exception », E. Macron. Cela ne signifie pas pour autant que les ministres ne bénéficieront plus d’une immunité dans l’exercice de leurs fonctions.
● Réforme du Conseil supérieur de la magistrature : Si toute suppression de la « chaîne hiérarchique » entre les magistrats du parquet et le garde des Sceaux, est exclus, une réforme du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) devrait renforcer l’indépendance des magistrats. les nominations des magistrats du sièges devraient se faire sur avis conforme du CSM, qui disposerait par ailleurs de pouvoirs de sanctions contre eux.
● Réforme relatives au Conseil constitutionnel : Le projet de révision prévoit de faire passer de 60 à 40 le nombre de députés ou sénateurs nécessaires pour saisir le Conseil constitutionnel. Il prévoit également la fin de la nomination de droit des anciens présidents de la République au Conseil.
● Inscription de la Corse dans la Constitution : Emmanuel Macron s’est déclaré favorable, lors de sa visite en Corse, à l’inscription d’un article spécifique sur la Corse dans la Constitution. Il devrait reconnaître le caractère spécifique de l’île, mais sans pour autant lui attacher de régime spécifique.
● Autres mesures : D’autres mesures pourraient faire leur entrée dans la Constitution : L’inscription de l’ objectif de lutte contre le réchauffement climatique, ou encore la création d’un service national universel.
Certaines de ces mesures font relativement consensus – comme la suppression de la Cour de justice de la République, ou la fin de la présence des anciens présidents de la République au Conseil constitutionnel. D’autres devraient provoquer bien plus de débats. Ces réformes ne passent pas obligatoirement par une modification de la Constitution : certaines d’entre elles pourraient trouver place dans une simple loi organique, moins contraignante à faire passer.
D’après les premiers sondages, une nette majorité des Français approuvent les propositions de réforme des institutions du gouvernement.Selon un sondage Odoxa , 9 Français sur 10 sont favorables à la réduction du nombre de parlementaires (91 %) et à la limitation à trois du nombre de mandats identiques et consécutifs (86 %) ; deux tiers des personnes interrogées (68 %) sont favorables à l’introduction d’une dose de proportionnelle aux élections législatives. La réforme institutionnelle apparaît «utile» aux yeux de 8 Français sur 10 (82 %). Trois quarts des Français (73 %) considèrent qu’il serait «justifié» de recourir au référendum pour faire adopter la réforme.
Dans cette logique, l’enquête révèle aussi que les deux tiers des Français (64 %) ne pensent pas que la réduction du nombre de parlementaires risque de pénaliser la représentation des territoires ruraux, pourtant un des principaux angles d’attaque de la droite et surtout du président du Sénat, qui ne semble pas convaincre l’opinion sur ce point.
L’intégralité du sondage est ici.
Mais n’oublions jamais, que lors d’un référendum en France, l’opinion évolue et les oppositions coagulent…. Et au final, les Français votent souvent en fonction d’autre chose que les questions posées, surtout lorsque les sujets sont multiples comme ici.
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