L’irruption d’un nouveau parti dans le paysage politique français est un phénomène rare. L’irruption aussi rapide que celle de La République en marche (LREM) est un phénomène exceptionnel qui soulève légitimement de nombreuses interrogations. Quelle est la part de ce phénomène qui est conjoncturelle – entièrement liée à une situation politique et à la personnalité d’Emmanuel Macron – de celle qui est structurelle – rassemblant des citoyens jadis éloignés faute d’offre politique ? Quelle est la part de ce qui est nouveau – attirant des citoyens jusque-là « hors du jeu » politique et proche d’aucun parti – de ce qui est ancien – reclassant des citoyens « dans le jeu » politique mais auparavant proches d’un autre parti ? Quelle est la part de clivages émergents – ouvert/fermé, peuple/élites, haut/bas, optimiste/pessimiste, heureux/ malheureux – et de clivages traditionnels – gauche/droite ?
En s’appuyant sur les données du panel que le Cevipof et Ipsos ont lancé depuis novembre 2015, Gilles Finchelstein dresse pour la Fondation Jean Jaures, un véritable portrait-robot-des-sympathisants-de-la-republique-en-marche , à partir d’un échantillon de près de 1700 personnes. Une étude inédite qui permet de comprendre qui ils sont, ce à quoi ils croient et leurs positions sur les principaux enjeux politiques.
Il y a eu des analyses sur les électeurs d’Emmanuel Macron, notamment Le paradoxe du macronisme de Luc Rouban . Il va y avoir des analyses sur les adhérents de LREM – l’enquête pilotée par Terra Nova sera publiée en octobre 2018. Mais il n’existe pas d’étude sur les sympathisants parce qu’il est très difficile d’en réaliser en raison de leur faible nombre dans l’échantillon classique d’une étude d’opinion. Voilà pourquoi cette étude sur les sympathisants de LREM est exceptionnelle
Au sommaire vous retrouverez ; Combien sont-ils ? Qui sont-ils ? Que pensent-ils, sur le bilan d’Emmanuel Macron, l’Europe, la démocratie, les questions de société, l’économie, le social ?
Quelques chiffres
- 14 % des Français se disent proches de LREM (14 % LR ; 13 % FN ; 9 % PS ; 7 % FI/FG ; 25 % aucun parti
58 % des sympathisants de LREM ont le sentiment d’avoir réussi leur vie (39 % au FN ; 49 % au PS ; 44 % chez l’ensemble des Français - En septembre 2016, 27 % des sympathisants LREM d’aujourd’hui se classaient à gauche ; 7 % au centre ; 40 % à droite ; 5 % à l’extrême droite ; 13 % n’étaient proches d’aucun parti
- 70 % des sympathisants de LREM avaient voté pour Emmanuel Macron au premier tour de l’élection présidentielle ; 20 % pour François Fillon
- 63 % des sympathisants de LREM jugent le mot Europe positif (41 % chez les Français ; 11 % au FN)
- 5 % des sympathisants de LREM pensent que la démocratie fonctionne mal (contre 20 % des Français)
- 46 % des sympathisants de LREM pensent que la France devrait avoir à sa tête un homme fort qui n’a pas à se préoccuper du Parlement ni des élections (42 % chez l’ensemble des Français ; 55 % au FN)
- 38 % des sympathisants de LREM pensent qu’il y a trop d’immigrés en France (25 % au PS ; 26 % FI/PG ; 52 % chez l’ensemble des Français ; 75 % LR ; 94 % FN)
- 81 % des sympathisants de LREM souhaitent aller vers plus de libre-échange pour permettre aux entreprises françaises de conquérir de nouveaux marchés dans les pays étrangers (+27 par rapport à LR)
L’auteur conclue sa réflexion par 3 questions :
- Première question : les sympathisants LREM sont-ils unis ? Si l’on regarde domaine par domaine les résultats, c’est la cohésion qui domine sur l’économie, l’Europe et le sociétal (dans sa partie intime) et, à l’inverse, la division sur le social ou l’immigration. Sur ces deux questions, le clivage entre la gauche et la droite non seulement demeure structurant et vient donc traverser LREM de la même manière que des questions comme l’Europe ou l’économie venaient traverser les partis traditionnels
- Deuxième question : les sympathisants LREM occupent-ils une position centrale ? En apparence, la réponse est positive : sur une flèche allant de la gauche à la droite, LREM se situe le plus souvent au milieu, entre FI et le PS d’un côté et LR et le FN de l’autre. En réalité, la réponse est plus complexe : la position centrale des sympathisants LREM est la résultante d’une proximité avec la gauche – notamment avec les sympathisants PS – sur le sociétal, sur la démocratie et sur l’Europe et d’une proximité avec la droite – les sympathisants LR – sur l’économie et le social. D’une certaine manière, on peut dire qu’ils ne sont pas « ni de droite ni de gauche » mais « et de droite et de gauche ».
- Troisième question : les sympathisants LREM peuvent-ils être caractérisés ? Idéologiquement, c’est sans doute le libéralisme qui se rapproche le plus de ce portrait-robot – à condition d’y ajouter une double précision. Il s’agit d’un libéralisme au sens philosophique, c’est-à-dire à la fois économique, sociétal et politique, très centré sur l’individu. Il s’agit d’un libéralisme dans la France d’aujourd’hui, c’est-à-dire plus rétif sur les questions d’immigration et plus tenté par ce que Yascha Mounk a appelé « le libéralisme anti-démocratique » .
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