En 2018, la liberté de la presse dans le monde est elle menacée dans les démocraties ?

Chaque année depuis 2002, Reporters sans frontières (RSF), le Classement mondial de la liberté de la presse. Sa notoriété lui confère une influence croissante auprès des autorités publiques nationales. Trop de chefs d’Etat ou de gouvernement redoutent chaque année sa parution. Le Classement est une référence, citée par les médias du monde entier et utilisée par les diplomates et les organisations internationales telles que les Nations unies

Le Classement est une liste de 180 pays, établie selon le critère du degré de liberté dont jouissent les journalistes. Il est une photographie de la situation de la liberté de la presse, fondée sur une appréciation du pluralisme, de l’indépendance des médias, de la qualité du cadre légal et de la sécurité des journalistes dans ces pays. Il n’est donc pas un palmarès des politiques publiques, même si les gouvernements ont naturellement une responsabilité importante. Il n’est pas non plus un indicateur de la qualité de la production journalistique dans un pays.

Le degré de liberté dont jouissent les journalistes dans 180 pays est déterminé grâce à l’accumulation de réponses d’experts à un questionnaire proposé par l’organisation. A cette analyse qualitative s’ajoute un relevé quantitatif des violences commises contre les journalistes sur la période prise en compte.

Pour établir son Classement, RSF a développé un questionnaire en ligne comportant 87 questions, centré sur les thématiques citées ci-dessus.

Une équipe de spécialistes, répartie en bureaux géographiques, effectue une veille minutieuse des exactions commises contre les journalistes et les médias. Ces chercheurs s’appuient également sur un réseau de correspondants dans 130 pays.

Ce relevé des exactions, qui mesure l’intensité des violences contre les acteurs de l’information sur la période prise en compte, permet d’établir l’indicateur Exactions. Cet indicateur quantitatif permet de pondérer l’analyse qualitative de la situation du pays telle que l’indiquent les répondants dans le questionnaire.

L’édition 2018 du Classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières (RSF) témoigne de l’accroissement des sentiments haineux à l’encontre des journalistes. L’hostilité revendiquée envers les médias, encouragée par des responsables politiques et la volonté des régimes autoritaires d’exporter leur vision du journalisme menacent les démocraties.

L’hostilité des dirigeants politiques envers les médias n’est plus l’apanage des seuls pays autoritaires comme la Turquie (157e, -2) ou l’Egypte (161e), qui ont sombré dans la “média-phobie” au point de généraliser les accusations de “terrorisme” contre les journalistes et d’emprisonner arbitrairement tous ceux qui ne leur prêtent pas allégeance. Les violences verbales des leaders politiques à l’encontre de la presse se sont multipliées aussi sur le continent européen, pourtant celui où la liberté de la presse est la mieux garantie

De plus en plus de chefs d’Etat démocratiquement élus voient la presse non plus comme un fondement essentiel de la démocratie, mais comme un adversaire pour lequel ils affichent ouvertement leur aversion. Pays du Premier amendement, les Etats-Unis de Donald Trump figurent désormais à la 45e place du Classement, en recul de deux places. Le président adepte du “media-bashing” décomplexé, en qualifiant les reporters d’“ennemis du peuple”, use d’une formule utilisée autrefois par Joseph Staline.

Dans cette nouvelle édition, la Norvège reste en tête du Classement pour la seconde année consécutive, talonnée comme l’an dernier par la Suède (2e). Traditionnellement respectueux de la liberté de la presse, les pays nordiques n’en sont pas moins affectés par la détérioration générale. Pour la deuxième année consécutive, la Finlande (4e, -1), affaiblie par une affaire où le secret des sources a été menacé, baisse dans le Classement et perd sa troisième place, au profit des Pays-Bas. A l’autre extrême du Classement, la Corée du Nord (180e) conserve la dernière place.

Pour la France, Reporters sans frontières note « Une presse libre mais la concentration inquiète ». Si la presse est globalement libre et plutôt bien protégée par la loi, le paysage médiatique français est largement dominé par de grands groupes industriels dont les intérêts se trouvent dans d’autres secteurs. Cette situation entraîne des conflits qui font peser une menace sur l’indépendance éditoriale, et même sur la situation économique des médias.

 . La mise en cause croissante du travail des médias d’information (mediabashing) par des politiques ou des personnalités médiatiques a été particulièrement virulente pendant la dernière campagne présidentielle. Se sont également ajoutés des refus d’accréditation qui ont provoqué des levées de boucliers immédiates de la part de la profession. L’annonce d’un projet de loi pour lutter contre les fausses nouvelles a suscité de vifs débats.

Classement 2018         Le rapport 2018                Méthodologie             La Carte

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