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Avec Pierre Bourguignon, un si long chemin ensemble… 

Le décès de Pierre Bourguignon marque la fin d’un long parcours politique commun. Avec Michel Rocard, il m’avait appris ce qu’est la politique à partir de valeurs partagées.

C’est au PSU en 1967 que nous nous étions connus, avec Michel Nouvellon, Robert Dubreuil, Lib Héliot, Ginette et Pierre David, Christophe Wargny….Il avait quitté le lycée Corneille quelques années avant moi. Nous partagions le même rejet d’une SFIO moribonde porteuse de ce double discours dans l’opposition et au pouvoir, le même rejet de ces guerres d’Algérie ou du Vietnam dont nous ne voulions plus ; nous aspirions à la décentralisation, cette décolonisation de la province comme l’avait appelée Michel Rocard. Et puis dans la grande tourmente de mai 68, nous partagions le souci du changement mais aussi le refus de la violence.

En 1974 lors des assises du socialisme, Pierre rejoint avec Michel Rocard le parti de François Mitterrand : je ne l’ai pas fait, trop accaparé par mon doctorat mais aussi par mes extrêmes réserves sur le programme commun axé sur les nationalisations et l’illusion de la relance pour résorber le chômage qui était justement l’objet de ma thèse.

Avec la victoire de 1981, Pierre me convainc avec d’autres comme Marc Debène ou Roger Provost, de rejoindre le Parti d’Epinay.

Commence alors une nouvelle étape de travail avec Pierre. D’abord au sein du PS ou je garde le triste souvenir du congrès de Valence en 1982, mais aussi dans la société civile. Pierre avait créé un petit groupe de réflexion, « les affûtés  » , avec l’idée de nous saisir  de la décentralisation de 1982 , d’accompagner la mise en place des contrats de plan, mais aussi pour l’aider dans son travail parlementaire et je pense en particulier à la crise de La Chapelle Darblay.

Nous animions alors tous les deux, le courant des amis de Michel Rocard en Seine Maritime, avec nos réunions régulières à Yvetot, avec Michel Valognes, Michel Souhaite et bien d’autres. dont un groupe d’étudiants de l’université de Rouen très enthousiastes.

En 1986 un dur combat, victorieux grâce au soutien de Michel Rocard, contre la fédération du PS, nous mobilise pour éviter l’élimination de Pierre au travers du nouveau scrutin proportionnel des législatives et pour permettre la présence de quelques Rocardiens , dont je serai avec Jean Gondonneau , Pierre Hericher, lors de la première élection du conseil régional .

Commence alors la préparation des Présidentielles de 1988. Rocard lance les clubs « convaincre » que nous mettons en place en Seine Maritime sous le nom de « Politique en liberté », tous les deux avec Yvon Graïc. Il sera l’occasion de plusieurs événements réussis, et d’accueillir Michel Rocard dans notre agglomération pour de belles rencontres.

En 1988, Pierre avec Antoine Troletti, Ado Vasseur, Patricia Dumalanède, Bernard Jeanne m’aident pour gagner la deuxième circonscription. Élus députés tous les deux, nous nous retrouvons régulièrement à l’assemblée Nationale, alors que Michel Rocard est devenu Premier Ministre. Une période d’activité intense, même si Pierre est bien absorbé par sa nouvelle élection comme Maire de Sotteville en 1989.

Les turbulences du congrès de Rennes ou le suicide de Pierre Bérégovoy changent évidemment le climat politique. Nous vivons mal l’échec de Michel Rocard aux Elections européennes due pour beaucoup à la liste concurrente de Bernard Tapie, poussé par Mitterrand.

Pierre s’investit alors totalement dans sa commune. Il y exprime pleinement sa passion professionnelle pour l’urbanisme à Sotteville, mais aussi en contribuant à la création de l’agence d’urbanisme de l’agglomération. Il s’investit dans la politique des transports en commun, ou les arts de la rue avec la création du festival Viva cité. Dans cet esprit, Il préside des organismes comme villes et banlieues ou le « forum pour la gestion des villes ».

Mais Pierre a aussi un fort engagement européen : nous adhérons l’un et l’autre, très tôt au Mouvement Européen et après la campagne pour le traité de Maastricht en 1992, nous menons un nouveau combat commun pour le oui au référendum en 2005 avec des amis comme Bernard Deladerriere, Jérôme Pasco ou Laurent Cervoni. Combat difficile en Seine Maritime compte tenu des positions prises par Laurent Fabius.

Lors des campagnes présidentielles de 2007 et 2012 nous faisons des choix différents, au sein d’un PS qui, depuis 2005, a perdu sa boussole et ses règles de vie collective.

En   2013, Michel Rocard remet à Pierre en mairie de Sotteville, la légion d’honneur, en témoignage de leur compagnonnage ancien. En 2014, Pierre est exclu du PS à la suite de manœuvre d’appareil dont ce parti à le secret.

En 2016, nous nous retrouvons tous les deux, pour un ultime hommage aux invalides à Michel Rocard

En 2017, nous nous retrouvons une fois encore, pour soutenir la candidature de Emmanuel Macron à la Présidence de la République.

Pierre était un humaniste ; il était déterminé dans ses choix mais avait en même temps un grand sens de l’écoute ; il était fidèle à ses convictions tout en ayant une grande liberté de pensée.

Pierre a eu un beau parcours ; je suis heureux d’avoir pu en partager une grande partie autour de convictions qui nous réunissaient. Avec Michel Rocard, Il m’a appris beaucoup en politique et lui en suis reconnaissant.

Ce parcours politique commun fut jalonné de moments de plaisir : je n’oublie pas avec lui, les huîtres de Saint Brevin, les tripes du petit matin …. ou encore les longs échanges philosophiques dont il était si demandeur !

À Charlotte, à Anne, à Marc, toutes mes amitiés

Au revoir Pierre !

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