Il ne faut pas ralentir, mais accélérer, la lutte contre le paludisme dans le monde!

Pour la première fois en France, la sixième Conférence de reconstitution des ressources du Fonds mondial pour la lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose, s’est tenue récemment à Lyon.

 Depuis sa création, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme a sauvé 32 millions de vies et, chaque année, il intervient dans une centaine de pays dans le monde. Il apporte, à grand échelle, des traitements, des outils de prévention et de diagnostic nécessaires pour traiter les maladies. Il organise une conférence de reconstitution de ses ressources financières tous les 3 ans, et à cette occasion, tous les donateurs publics et privés annoncent leur promesse de dons.

Les dons collectés servent ensuite à financer directement des programmes de prévention et de lutte contre les trois grandes pandémies – sida, tuberculose et paludisme – qui tuent près de 2,8 millions de personnes chaque année.

La France, historiquement le deuxième contributeur, a annoncé une augmentation de sa participation de 20 % par rapport à ce qu’elle avait donné il y a trois ans.

Malheureusement après des années de recul, le paludisme repart à la hausse. À cette occasion le journal du CNRS publie un intéressant diagnostic de l’économiste Josselin Thuilliez

Pour lui le paludisme reste une menace majeure sur la planète, et si de gros progrès ont été faits, le paludisme revient dans certaines zones d’Afrique. Chaque année, plus de 200 millions de nouveaux cas sont répertoriés et environ 400 000 personnes meurent de la maladie, surtout des jeunes enfants.

Entre 2000 et 2015, on estime ainsi que le nombre de cas et la mortalité ont été divisés par deux.  Mais pour l’Organisation mondiale de la santé, ce retour s’explique d’abord par le fait que les investissements financiers consacrés à la lutte contre le paludisme, aujourd’hui en stagnation, ne sont pas à la hauteur des besoins.

Dans les pays à faible revenu en effet, l’accès aux traitements et aux mesures de prévention est principalement une question d’argent. Pour réduire d’ici à 2030 d’au moins 40 % la mortalité par rapport à 2015, il faudrait augmenter le montant des investissements nationaux et internationaux.

C’est précisément ce qui s’est passé pendant les années 2000 ou a été créé le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, l’un des principaux acteurs dans le domaine.

Toutefois pour Josselin Thuilliez, l’aide sanitaire à elle seule ne peut pas tout.  Examinant l’évolution entre 2000 et 2015, le taux de reproduction de base de la maladie, qui donne le risque de propagation du paludisme au sein d’une population saine une fois qu’un individu malade apparaît, il observe que ce risque a décliné sur cette période en suivant une forme bien particulière, dite en « S ».

C’est révélateur d’un processus de diffusion d’une innovation : lorsque de nouveaux produits sont introduits sur le marché, ils entraînent une forte croissance industrielle qui ralentit ensuite progressivement au fur et à mesure que la demande diminue. cela signifie que l’innovation a joué un rôle majeur pour faire reculer la maladie pendant ces quinze années. En d’autres termes, même avec une aide internationale conséquente, il aurait été difficile de lutter contre le paludisme sans innovations.

Dans les années 2000, deux innovations majeures ont vu le jour : les traitements antipaludéens à base d’artémisinine et de nouvelles générations de moustiquaires imprégnées d’insecticides à longue durée d’action, pour se protéger des piqûres de moustiques tout en les éliminant.

Autrement dit : pour lutter efficacement contre le paludisme, la clé est d’associer l’innovation à de forts investissements. L’innovation dans le futur devra passer par la mise au point de nouveaux traitements et moyens de prévention.

Dans certains pays d’Afrique, on distribue par exemple des médicaments préventifs uniquement pendant la saison des pluies, la période de transmission du paludisme, une stratégie moins coûteuse qui porte déjà ses fruits. On peut aussi imaginer mieux informer les ménages via des rappels par SMS sur les mesures à prendre pour se protéger des piqûres de moustiques ou se traiter efficacement, là aussi de façon intermittente pour limiter les coûts.

La maladie est souvent liée à la pauvreté mais elle représente aussi un frein important au développement économique et humain d’un pays.

En réduisant la mortalité infantile, ces campagnes font du même coup baisser la fécondité, exerçant une pression moindre sur l’économie du pays. La lutte contre la maladie augmente également le niveau de scolarité et l’offre de main-d’œuvre adulte. Le paludisme est en effet une cause importante d’absentéisme à l’école et affecte les résultats scolaires. Plus largement, le paludisme affecte la cognition et l’attention des enfants qui constitueront les forces vives de demain.

Soutenir la recherche scientifique   reste un impératif crucial, et les financements comme ceux du Fonds mondial restent plus que jamais primordiaux pour accompagner la recherche et rendre accessibles, sur le terrain et au plus grand nombre, les fruits de cette recherche.

Mais il n’y aura pas de lutte efficace sans une mise en œuvre efficace. Collaboration entre les pays et les instances, organisation des systèmes de santé, surveillance et collecte de données appropriées, c’est sur tous ces points qu’il faut progresser.

Des exemples récents, dont celui du Sri Lanka, qui a été déclaré exempt de paludisme en 2016, montre qu’en mettant les fonds nécessaires, en misant sur l’innovation et en se dotant de la bonne stratégie, on peut relever un tel défi.

Des messages entendus, puisque, à l’issue de la sixième Conférence de reconstitution des ressources du Fonds mondial, ont été promis 14,02 milliards de dollars US pour les trois prochaines années. Jamais une organisation multilatérale du secteur de la santé n’avait récolté une telle somme. La France elle-même, historiquement le deuxième contributeur, a augmenté sa contribution de 20 pour cent pour atteindre 1,429 milliard d’euros.

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