Jérôme Guedj a été chargé d’une mission en vue de proposer et de coordonner un dispositif opérationnel de mobilisation pour combattre l’isolement des personnes âgées. Cet ancien député « socialiste » connaît bien ce sujet comme inspecteur des affaires sociales et ancien Président du conseil départemental de l’Essonne.
Cette question est importante en période de coronavirus mais elle l’est aussi pour demain avec le développement du maintien à domicile. La crise sanitaire du Covid-19 et les mesures de confinement afférentes, à domicile ainsi qu’en établissement, viennent exacerber considérablement l’urgence de lutter contre leur isolement.
Jérôme Guedj vient de remettre deux rapports d’étape.
En sus des difficultés d’ordre éthique posées aux professionnels, les mesures prises en réponse à cette urgence de santé publique nationale entrainent des conséquences problématiques multiples pour les personnes âgées :
– une perte de la mobilité ;
– des difficultés matérielles rendant plus complexe la vie à domicile et en établissement ;
– un fort risque d’impact psychologique, de dépression et de dénutrition ;
– des risques pathologiques accrus (troubles posturaux, chutes, escarres…).
Depuis le début de la crise, de nombreuses initiatives (individuelles, associations, entreprises, organismes de protection sociale, collectivités locales, départements…) ont témoigné de l’élan actuel de solidarité à l’endroit des plus fragiles.
Fruit d’un travail en temps réel avec des experts et des acteurs de terrain (dont les CCAS/CIAS) ainsi que du recueil de la parole des premiers concernés, le premier rapport remis par la mission de Jérôme Guedj formule 42 propositions et une première série de recommandations opérationnelles. rapport no1 j.guedj
Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé, a décidé de valider immédiatement cinq recommandations ou orientations permettant la mise en œuvre d’un plan de mobilisation national contre l’isolement :
– Le renforcement du numéro vert national d’écoute de la Croix Rouge (09-70-28-30-00) avec une attention spécifique portée aux personnes âgées, fragiles et isolées, plateforme assurant un soutien psychologique et l’orientation des personnes fragiles isolées .
– Une campagne nationale de promotion des gestes de solidarité similaire à la campagne nationale d’information sur les gestes barrières, passant par l’identification des publics les plus vulnérables en permettant le partage d’informations et la coordination entre collectivités locales, le déploiement de la plateforme associative jeveuxaider.gouv.fr et du kit Voisins solidaires pour signaler les personnes isolées fragiles ;
– La mise à disposition des communes et des départements d’un plan d’action territorial partant des dix besoins du quotidien des personnes âgées avec la mise en place d’une cellule de coopération locale contre l’isolement et une grille d’évaluation téléphonique de la fragilité ;
– L’identification des ressources issues de la Silver Economie pour soutenir les aidants et professionnels du soin et de l’accompagnement, à domicile et en établissement ;
– La mise en place d’une plateforme nationale des bonnes pratiques et des initiatives locales en matière de lutte contre l’isolement.
Parmi les 42 recommandations du premier rapport d’activité remis à Olivier Véran , la proposition 20 portait sur la nécessité d’alléger les conditions de confinement en EHPAD tout en respectant les règles de protection sanitaire.
A la demande du Ministre des Solidarités et de la Santé, le second rapport d’étape remis le 18 avril par la mission de Jérôme Guedj, formule des recommandations organisationnelles et opérationnelles pour les EHPAD et les résidences autonomie, compatibles pour les établissements pour personnes en situation de handicap. Elles concernent principalement le maintien des activités au sein des établissements et l’organisation à mettre en place pour préparer la nouvelle autorisation des visites, annoncée par le Premier Ministre le 19 avril. second rapport-jerome-guedj
Rappelant la nécessité du confinement dans les EHPAD face au risque de mortalité pour les plus fragiles, la mission rappelle que le confinement en chambre n’a jamais interdit le maintien d’activités de lien social.
A l’intérieur de l’établissement
Animations couloir : organisation de cours de gym ou des jeux (bingo, loto, karaoké, mots croisés, etc.), chaque résident participant sur le palier de sa porte ;
Activités en petit groupe dans un local polyvalent de l’unité ;
Diffusion de musique à chaque étage.
A l’extérieur, lorsque l’établissement est doté d’un jardin ou d’une cour
Promenades individuelles, seul ou avec un professionnel de l’établissement ;
Activités de jardinage avec distanciation renforcée ;
Intervention de coachs sportifs, musiciens, artistes ou animateurs, créant des dynamiques de partage auxquelles les résidents participent depuis leur balcon ou leur fenêtre ;
Activités collectives avec distanciation sociale en petit groupe en extérieur ;
Rendez-vous « chanté » : des personnels se réunissent pour chanter ou danser dans un lieu central (atrium, cour, allée), les résidents pouvant les écouter de leur fenêtre ou des balcons.
Maintien de temps d’échange lors des repas
Déjeuner « de couloir » : chaque résident est installé à l’entrée de sa porte le temps du déjeuner, et peut ainsi au moins voir, sinon parler avec son voisin ;
En microgroupe, dans un local polyvalent ou une salle à manger d’unité, dans le respect des distances de sécurité : organisation des déjeuners avec quelques résidents, en « tournant ».
Lien avec l’extérieur
Téléphone ;
Tablettes et dispositifs de visioconférence permettant des retrouvailles virtuelles ;
Déploiement d’outils numériques multiples ;
Relations épistolaires ou attentions venues de l’extérieur de l’établissement envoi de lettres, de dessins, de cadeaux et attentions pour les résidents, etc.).
Compte-tenu des conséquences du confinement du point de vue psychologique et physique pour de nombreux résidents (dépression, perte de mobilité, dénutrition…), le retour des familles, voire des bénévoles, est indispensable afin de permettre aux résidents de retrouver plus de lien social.
Tout en sachant que les EHPAD contacteront les familles, ce retour doit être préparé au sein de chaque établissement, à partir d’une impulsion nationale, selon les modalités suivantes :
– Recueillir et entendre les besoins et les attentes des résidents
– Recueillir la demande de la famille, des proches, des tuteurs : visite sur rendez-vous uniquement, après accord de l’établissement
– Signature d’une charte par les visiteurs
– Associer à cette démarche l’ensemble de la communauté de l’EHPAD : instances représentatives du personnel et conseil de vie social
– Âge requis : personnes majeures, sauf en cas de fin de vie où un mineur peut être présent
– Nombre de personnes par visite : 2 personnes maximum pour les visites dans les espaces de convivialité et en extérieur ; 1 personne maximum pour des visites en chambre
– Prioriser dans un premier temps les résidents pour qui le confinement a un fort impact sur la santé physique et mentale
– Ouvrir progressivement ces possibilités à l’ensemble des résidents
– La durée de la rencontre : de 30 minutes minimum à 1h
– Périodicité des visites : au moins tous les 15 jours, pour tendre vers toutes les semaines
– Enregistrer l’ensemble des visites dans un registre dédié
– Mettre en place les moyens humains bénévoles permettant l’organisation et l’encadrement des visites (pompiers volontaires, Protection Civile, Croix-Rouge, associations intervenant au préalable dans l’EHPAD)
– Réfléchir et penser à l’accompagnement psycho-social des résidents avant et après les visites
– Respect des gestes barrières et mesures de distanciation sociale
-Garantir une double circulation : à aucun moment visiteur et résidents ne doivent se croiser dans l’établissement. Les visiteurs ne doivent également pas être amenés à croiser d’autres résidents.
Passage obligatoire dans un sas d’accueil et d’habillage/déshabillage ;
Lavage des mains et solutions hydroalcooliques ;
Prise de température ;
Auto-questionnaire à remplir par les visiteurs pour confirmer l’absence de symptômes ;
Présentation de la copie d’un éventuel test de dépistage PCR ;
Port de masques chirurgicaux ;
Respect d’un circuit sécurisé de visite avec pour objectif d’éviter tout contact entre le visiteur et les résidents et les personnels de l’établissement ;
Distance physique d’au moins 1,50m, avec matérialisation (grande table, décoration végétale, éventuellement séparation mobile vitrée ou plexiglass) ;
Nettoyage des surfaces susceptibles d’avoir été touchées (et aération, le cas échéant, de la pièce) avant et après chaque visite, avec un produit de désinfection de surface.
– Privilégier la rencontre en extérieur pour que les visiteurs ne rentrent pas dans l’établissement : terrasse, jardin, cour, parking, selon les spécificités architecturales de l’établissement.
-En deuxième intention, dans un espace dédié au rez-de-chaussée de l’établissement, avec entrée indépendante pour les visiteurs (salle de restaurant, accueil de jour, etc.).
– En dernier recours, en chambre en raison de l’état de santé du résident, avec des conditions particulières :
Une seule personne à la fois ;
Une durée plus réduite, à apprécier ;
En cas de fin de vie, présence autorisée d’un mineur ;
Équipements de protection individuelle requis systématiquement pour toute visite en chambre (pour résident Covid ou non Covid) : masque, blouse, charlotte.
– Moyens humains à mobiliser pour les établissements : 2 personnes par visite avec possibilité de recourir à des bénévoles formés et encadrés.
– Concilier respect de l’intimité et mise en œuvre des gestes barrière et de distanciation : entretien sans présence continue d’un professionnel de l’EHPAD.
A chacun de construire une démarche collective en ce sens
Commentaires récents