Tous les quatre ans, l’élection présidentielle aux États-Unis est au cœur de l’actualité tant elle est importante pour nous.
On pourrait presque penser que le président américain a plus de pouvoir sur la scène internationale que sur la scène intérieure : le fédéralisme, les règles de séparation des pouvoirs et ses rapports avec le Congrès, conduisent à une quasi-cohabitation permanente, et y contribuent fortement.
L’incertitude que provoque le mode d’élection, renforce ce regain d’intérêt. Les fakes news, la disparition des exigences morales des électeurs américains à l’égard de leurs gouvernants, laissent la place à toutes les outrances et nous interpellent.
Après quatre années de Trump, peut-on se contenter de regarder les outrances du personnage ?
C’est un « malade mental », un « pervers narcissique », un « homme dangereux» …impossible de le défendre, mais l’attaquer personnellement est une façon de ne pas s’attaquer aux vrais problèmes, aux causes mêmes qui sont à l’origine de son élection
Certes par l’allure physique, par le choix des mots et des outils de communication, par les thèmes abordés, il incarne une forme d’activisme où il veut s’affirmer comme le maître du jeu
Au-delà du style, il faut analyser le projet, l’idéologie : « gendarme du monde », Il parle surtout d’Amérique et ne conçoit les relations internationales qu’en fonction de l’intérêt immédiat et stratégique de son pays. Mais il ne croit pas à l’engagement militaire et, comme Obama, il veut se retirer des opérations extérieures pour se concentrer sur les seules menaces qui comptent à ses yeux, les flux migratoires du sud et la montée de la Chine.
Le Rassemblement national revendique sa filiation avec Trump. En laissant libre cours, et en jouant sur toutes les divisions qui minent et déchirent la société américaine, en exacerbant le racisme et la xénophobie, en soutenant sans faille le port d’arme, en laissant faire les complotistes et la prolifération des groupes d’extrême-droite fascisants, en ne luttant pas contre les fakes-news ou les violences faites aux femmes, Trump fragilise la démocratie. Cette évolution de la société américaine se retrouve avec un effet miroir dans une Europe aux prises avec les mêmes maux. Sa réélection ne serait pas sans conséquence dans notre pays.
L’Europe mesure sans doute un peu mieux ce que signifie, en menace comme en potentiel, en inconfort comme en liberté nouvelle, l’éloignement américain du cœur de ses affaires. Le désengagement vis-à-vis de l’Europe ou la non-intervention en Ukraine, Lybie, au Sahel, en Syrie s’est exacerbé avec Trump mais avait commencé avec Obama et ….Biden !!!
Bien sûr, Biden chercherait à renouer une relation plus apaisée avec les alliés traditionnels de l’Union européenne. Mais les États de l’Union européenne ne devront pas réagir alors en ordre dispersé, alors que Trump d’une certaine façon les fédérait, en s’opposant. Il devient plus urgent encore, qu’émerge une véritable politique étrangère européenne, de définir ce que les Européens attendent du renouveau d’une relation avec les États-Unis au lendemain d’une victoire du candidat démocrate.
Les Européens doivent se préparer à « compter sur leurs propres forces » y compris pour être ce partenaire d’équilibre que Joe Biden pourrait espérer entre les États-Unis et la Chine.
N’oublions que si, Erdogan s’attaque aussi violemment à Emmanuel Macron, c’est en partie sans doute parce que le Président de la République essaie de forger cette politique extérieure européenne dont la France est un peu la seule à porter pour contrer ses visées expansionnistes. , ou que traduisent aussi ses propos sur l’OTAN
Sur le plan international, derrière l’élection présidentielle américaine se profilent des enjeux considérables.
Le premier est d’orienter ce système vers la préservation des biens communs comme le climat ou la biodiversité. L’intention affichée par Biden de rejoindre inconditionnellement l’accord de Paris sur le changement climatique est évidemment bienvenue, mais doit être traduite en actes, en mesures commerciales
La deuxième priorité est de rendre le système économique global aussi stable que possible face aux rivalités, et principalement face à l’affrontement entre la Chine et les Etats-Unis, surtout que le déficit commercial des États-Unis vis-à-vis de la Chine s’est aggravé pendant le mandat Trump. L’UE n’est pas impuissante dans cet équilibre entre la réalité des tensions géopolitiques et la maitrise des interférences dans les relations économiques globales, mais elle doit le vouloir.
La troisième priorité est un système économique mondial plus protecteur des travailleurs et des citoyens. : Réduire l’évasion fiscale des multinationales, ou réguler la concurrence réglementaire agressive, ne peuvent relever des seules nations. La soutenabilité de l’ouverture économique dépend de l’équité dans la répartition de ses avantages.
Des objectifs louables (éviter les fuites de carbone par exemple …) peuvent être utilisés comme prétextes au protectionnisme le plus dangereux. Difficile d’éviter une rupture économique mondiale si la Chine est à la fois perçue comme une menace pour la sécurité nationale, un pollueur sans scrupule et un démolisseur des droits sociaux !
Taxe carbone aux frontières, taxation des GAFA, développement de nos capacités numériques, contrôle de nos données, la lutte contre le blanchiment d’argent , reviendront en force après les élections aux USA…. Comme le dit le Président du Conseil européen, Charles Michel, lors de son intervention à l’Assemblée générale des Nations-Unis : « L’UE veut être plus forte, plus autonome et plus ferme, pour défendre un monde plus juste (…) avec une plus grande conscience de (sa) force, avec plus de réalisme et, peut-être, moins de naïveté ». C’est aussi cela qui devra être construit avec le futur Président des USA !!!
Quelle place aussi pour l’OMS, l’ONU, l’UNESCO, le BIT … ? Une simple tentative de restaurer le statu quo ne permettra pas de relever les principaux défis de la gouvernance mondiale dont certains sont d’ailleurs à l’origine de l’élection de Trump.
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