Le travail non déclaré (« toute activité rémunérée de nature légale, mais non déclarée aux pouvoirs publics ») représenterait, selon un rapport de France Stratégie, entre 2 et 3 % de la masse salariale et pourrait concerner, selon les formes et temporalités prises en compte, autour de 5 % de l’ensemble de la population de 18 ans ou plus.
Il s’agit donc d’un phénomène significatif, même si en la matière les différentes estimations doivent être, par définition, prises avec prudence. Qu’il soit probablement plus faible en France que dans la plupart des pays de l’Union européenne et qu’aucun signe ne permette a priori de témoigner d’une quelconque augmentation tendancielle ne peuvent en aucun cas conduire à relativiser ce phénomène et ses conséquences.
Les premiers enjeux sont bien évidemment pour les personnes. En l’absence de déclaration, les travailleurs sont privés des droits attachés au statut de salarié (ou d’indépendant selon le cas) en termes de salaire, de congés payés, d’horaires et de conditions de travail, de formation professionnelle, de mobilité, de représentation collective, mais aussi les droits à la protection sociale (indemnisation du chômage, droits à retraite, protection contre les accidents du travail et les maladies professionnelles…). Non déclarées, les personnes peuvent se retrouver en situation de forte précarité et de grande dépendance.
Les enjeux concernent aussi les entreprises. Le travail non déclaré est de nature à fausser les conditions d’une concurrence loyale et à perturber le fonctionnement normal du marché du travail dans une économie où les diverses cotisations et contributions assisses sur le travail constituent une composante significative des coûts de production des entreprises.
Les enjeux se mesurent également en termes de manque à gagner pour les comptes publics et de sécurisation du financement de notre système de protection sociale. L’ACOSS estimait ainsi que le manque à gagner, pour le seul travail dissimulé, en matière de cotisations sociales atteignait probablement entre 4,4 et 5,7 milliards d’euros en 2016 pour les régimes de protection sociale .
Plus globalement, les enjeux concernent enfin la nature du lien social et sa solidité. Nos sociétés – et c’est aussi le cas de la société française – demeurent fragiles. Elles impliquent tout à la fois un engagement citoyen et une confiance dans l’État de droit. Avec le travail dissimulé, c’est cet équilibre qui est fragilisé : le principe d’égalité devant l’impôt est remis en cause et la « morale » citoyenne affaiblie.
Depuis les années 2000, un renforcement continu et conséquent des politiques de lutte contre le travail illégal, et en premier chef contre le travail dissimulé, en agissant tant sur le volet répressif que sur le volet préventif, a été mis en place.
Le rapport note le contraste existant entre d’un côté l’importance des enjeux et la priorité affichée à la lutte contre le travail illégal et, de l’autre, la méconnaissance finalement assez forte de l’ampleur du phénomène, des profils des personnes concernées, des diversités des pratiques et de leur importance respective et de la nature des déterminants à l’origine de la non déclaration.
Malgré des progrès significatifs, il faut encore mieux cerner le phénomène au plus près et dans toutes ses dimensions car l’efficacité des politiques publiques dépend en la matière de la précision du diagnostic.
C’est pourquoi le Conseil a cherché, dans le cadre du présent rapport, non pas à revenir sur la question du chiffrage de l’impact pour les finances publiques du travail non déclaré, mais à analyser son impact sur le fonctionnement du marché du travail avec 3 objectifs :
Mieux connaître la réalité du travail non déclaré tel qu’il s’exerce aujourd’hui en France. Le travail non déclaré est avant tout connu au travers des contrôles réalisés. En revanche, il n’existe que très peu d’enquêtes quantitatives ou d’études qualitatives. Le Conseil a donc cherché à tirer tous les enseignements des études disponibles.
Mieux comprendre les déterminants du travail non déclaré en mobilisant les analyses théoriques, aussi bien économiques que sociologiques, et en s’appuyant sur les études empiriques. À ce titre, il a notamment souhaité s’appuyer sur une enquête qualitative inédite, réalisée par Kantar Public, auprès de personnes qui pratiquent une activité non déclarée afin de mieux comprendre quelles sont leurs motivations et comment le travail non déclaré s’inscrit dans des parcours de vie et des parcours professionnels.
Identifier les leviers de politiques pertinents pour prévenir et réduire le travail non déclaré. Pour cela, le Conseil a cherché à recenser en quoi, au vu de ce diagnostic des formes et des causes de la non-déclaration, les politiques publiques peuvent exercer une influence (positive ou négative) sur la déclaration.
Le rapport s’est aussi attaché à analyser les expériences étrangères (compte tenu notamment de la rareté des évaluations suffisamment solides en France sur le sujet).
C’est sur la base de ce diagnostic que le Conseil a formulé, en conclusion, une série de recommandations autour d’une triple exigence : mieux connaître ; mieux prévenir la non déclaration et mieux inciter à la déclaration ; et mieux contrôler.
Comme par exemple :
– Améliorer la connaissance statistique du phénomène dans toutes ses dimensions et Renforcer les travaux de recherche sur le travail non déclaré.
– Améliorer le partage de données entre les administrations pour mieux cibler les situations à risque tout en respectant la protection des données personnelles.
– Conduire une démarche assumée de « Name and shame » en complétant régulièrement la « liste noire » des entreprises condamnées pour recours à du travail dissimulé :
résumé du rapport rapport complet La perception du travail non déclaré
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