Face à la crise sanitaire et économique engendrée par la pandémie de coronavirus, l’Union tente de déployer les différents moyens à sa disposition. Pour réagir et faire preuve de résilience pour l’avenir, sa capacité d’action dépend en grande partie des États membres et de leur volonté d’agir en commun.
Consacré aux réponses économiques à la crise provoquée par le Covid-19, le Conseil européen du jeudi 26 mars a mis en relief les lignes de fracture traditionnelles entre les partisans d’une mutualisation des efforts budgétaires et les Etats plus frileux. Devant les divisions, les dirigeants ont accordé à l’Eurogroupe quinze jours supplémentaires pour préciser ses réponses.
Dans ce contexte néanmoins, la Fondation Schuman et « Toute l’Europe » proposent une synthèse de l’ensemble des mesures prises au niveau national et européen jusqu’à présent.
Pour éviter que la menace sanitaire que constitue le virus Covid-19 ne se transforme en crise politique globale et mortelle, Jean-Dominique Giuliani qui préside la Fondation Robert Schuman, estime qu’il faut relever 7 défis majeurs, aussi inattendus qu’importants, alors que Plus d’un milliard de personnes sont désormais confinées. . Pour les Européens en particulier, la coordination et la solidarité seront essentielles… Pour lui, L’extraordinaire restriction des libertés souligne la gravité de l’enjeu, L’importance prise par les experts ne doit pas réduire la responsabilité politique, La garantie collective ne doit pas exclure la responsabilité individuelle, Nous vivons un siècle d’émotion mais la raison doit l’emporter, Les valeurs, comme les virus n’ont pas de passeport et le repli nationaliste reste une impasse, un véritable effort mondial concerté devra être engagé avec des mesures d’accompagnement et des plans de relance qui s’additionnent et non se concurrencent ; Au slogan « Restez chez vous » devra se substituer le mot d’ordre « Retroussons nos manches » Cette fois-ci il va vraiment falloir se serrer les coudes
La gestion des frontières
C’est l’une des problématiques majeures auxquelles sont confrontés les Etats membres de l’UE. Face à un virus qui circule très rapidement, les échanges dans une économie mondialisée et la libre circulation dans l’espace Schengen peuvent favoriser la propagation de la maladie. Outre le fait que l’Union européenne a décidé de fermer ses frontières pour une durée de 30 jours, sur le plan intérieur, plusieurs gouvernements européens ont donc pris la décision d’instaurer un contrôle plus étroit, voire de fermer leurs propres frontières pour tenter de limiter les risques.
Pour les pays membres de l’espace Schengen (22 des 27 pays de l’Union), ces dispositions sont prévues par l’article 23 du code frontières Schengen. Il prévoit que les Etats peuvent fermer leurs frontières “en cas de menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure pour des périodes renouvelables de 30 jours pour une durée maximale de 24 mois.” Dans ce cadre, voici ce que les pays européens ont décidé de faire.
Fermeture des frontières : République tchèque (frontières terrestres et espace aérien jusqu’au 12 avril minimum), Hongrie, Croatie, Danemark, Chypre, Slovaquie (sauf aux ressortissants polonais), Lituanie, Estonie (frontière terrestre avec la Lituanie, frontières maritimes et espace aérien), Espagne, Portugal (uniquement pour les touristes), Finlande, Grèce (frontières fermées à tout citoyen non européen), Belgique.
Fermeture partielle des frontières ou contrôles stricts aux frontières : Slovénie (fermeture de sa frontière avec l’Italie), Autriche (sur ses frontières avec l’Italie, la Suisse et le Lichtenstein), Allemagne (sur ses frontières avec la France, la Suisse, Luxembourg et le Danemark à l’exception des travailleurs transfrontaliers et des transports de marchandises), France (contrôles plus stricts de ses frontières avec l’Allemagne et la Belgique), Pologne (contrôles sur ses frontières avec l’Allemagne, la Slovaquie, la Lituanie et la République tchèque, frontières aériennes et maritimes), Malte (ressortissants français, italiens, allemands, espagnols interdits de séjour), Bulgarie (contrôles stricts aux frontières avec la Roumanie, la Macédoine, et la Serbie).
Ouverture des frontières : Italie (mais ses voisins ont fermé leurs frontières et le trafic ferroviaire et aérien est très ralenti), République d’Irlande (maintien de l’ouverture de sa frontière avec l’Irlande du Nord), Pays-Bas (annulation des vols à destination et au départ de Chine et d’Italie), Roumanie (quatorzaine imposée aux ressortissants de pays comptabilisant plus de 500 cas de Covid-19), Luxembourg (mais incitation au télétravail pour les salariés transfrontaliers, très nombreux dans le Grand-Duché), Lettonie (quatorzaine pour les ressortissants de pays à risques)
Les mesures sanitaires d’urgence
Deuxième volet des politiques mises en place par les gouvernements européens, les mesures sanitaires d’urgence visent elles aussi à endiguer la pandémie en instaurant une distanciation sociale maximale. Le but : empêcher la propagation de la maladie, extrêmement contagieuse. Cela se concrétise généralement par la fermeture des établissements scolaires, des commerces non essentiels (hors alimentation et santé) et par des mesures de confinement des citoyens à domicile, appliquées plus ou moins strictement selon les cas.
Fermeture des établissement scolaires, des commerces non essentiels (bars, restaurants, cafés, boîtes de nuit, spas, hôtels…) : Autriche, Hongrie, France (fermeture des marchés ajoutée le 23 mars), Espagne, Allemagne, Belgique, Italie, Portugal, Slovaquie, Irlande, Pologne, Slovénie, Danemark, Pays-Bas, Chypre, Grèce, Bulgarie, Lettonie (certains bars et restaurants peuvent néanmoins continuer à ouvrir s’ils se limitent à servir 50 personnes à la fois), Lituanie, Estonie, Roumanie, Slovénie (qui a mis son système de transports publics à l’arrêt), Slovaquie, Luxembourg, Finlande, Croatie (système plus léger comprenant la fermeture des établissements scolaires et l’annulation des événements rassemblant de plus de 1000 personnes), Malte (simple fermeture des établissements scolaires).
Confinement strict des populations (sorties uniquement autorisées pour faire des courses ou aller au travail) : République tchèque (avec la possibilité de rendre visite à sa famille en cas de force majeure), France (état d’urgence sanitaire décrété, sortie justifiée par une attestation, interdiction d’aller à plus d’un kilomètre de son domicile et pendant plus d’une heure par jour uniquement dans le cadre d’une activité sportive individuelle, pour sortir son animal de compagnie ou pour une promenade avec les personnes de son foyer, jusqu’à 3700 euros d’amende et 6 mois de prison pour ceux qui enfreindraient la loi à quatre reprises en moins de 30 jours), Espagne (état d’urgence décrété), Italie, Belgique (les personnes partageant un même foyer peuvent sortir ensemble dans la rue, uniquement pour les courses ou le travail), Chypre, Pologne (où tout contrevenant s’expose à des peines allant jusqu’à 8 ans de prison), Luxembourg, Portugal (avec état d’urgence, une première depuis la révolution des oeillets), Grèce.
Confinement relatif des populations (simple appel à rester chez soi ou annulation des rassemblements publics) : Roumanie (rassemblements de moins de 100 personnes autorisés, quatorzaine imposée aux Roumains de la diaspora de retour au pays, peine de prison pour ceux qui mettraient en danger la santé d’autrui), Allemagne (interdiction des rassemblements de plus de deux personnes, la Bavière confinée plus strictement encore car les länder son décisionnaires en la matière), Slovaquie, Croatie, Estonie, Lettonie, Bulgarie (5 ans de prison pour les contrevenants), Finlande (rassemblements et déplacements limités), Hongrie (état d’urgence décrété, rassemblements de plus de 100 personnes à l’intérieur et de plus de 500 à l’extérieur interdits), Irlande (le gouvernement déconseille “fermement” à ses citoyens de se réunir ou de faire des fêtes en appartement), Lituanie (rassemblements interdits), Danemark (rassemblements de plus de 10 personnes interdits), Autriche (sorties autorisées par groupe de 5 maximum et appel à rester chez soi du gouvernement), Pays-Bas (après avoir opté pour la stratégie de l’immunité collective, le Premier ministre Mark Rutte a finalement décrété l’interdiction de tout rassemblement public jusqu’au 1er juin et considère la possibilité d’instaurer le confinement total de la population).
Stratégie dite de l’immunité collective : La Suède a privilégié la stratégie inverse, celle de l’immunité collective, qui voudrait qu’une fois une grande partie de la population confrontée au virus, les citoyens produiraient alors leurs propres défenses immunitaires qui les rendraient moins vulnérables.
Cette option a un temps été défendue par le Premier ministre britannique Boris Johnson, mais il est revenu dessus puisqu’il a décrété la fermeture des établissements scolaires, bars, pubs, hôtels, restaurants et théâtres le 20 mars avant d’interdire tout rassemblement de plus de deux personnes et de limiter les déplacements au strict nécessaire (professionnels, médicaux et pour faire les courses ) le 23 mars.
Les mesures de soutien économique aux ménages et aux entreprises
La pandémie affecte la santé des citoyens, mais aussi celle des entreprises, dont les activités sont largement ralenties. Pour atténuer les effets de la crise économique qui se profile, les Etats membres ont donc pris des mesures de relance exceptionnelles. Le 18 mars, la Commission européenne a annoncé qu’elle laisserait une latitude “maximale” aux Etats de la zone euro concernant leur déficit, normalement limité à 3% du PIB. Le 20 mars, elle a dévoilé un “cadre temporaire” autorisant les Etats de l’Union européenne à “utiliser toute la flexibilité prévue par les règles en matière d’aides d’État”. Voici les dispositifs privilégiés par les exécutifs des 27 qui se sont déjà mobilisés en la matière et, pour ceux qui les ont déjà annoncés, les montants des aides engagées.
Garantie d’Etat sur les prêts et prêts publics aux entreprises chiffrés : Allemagne (12,8 milliards d’investissements “infrastructurels”, ouverture d’un fonds de stabilisation de l’économie, de prêts de la banque publique, endettement de l’Etat, pour un montant estimé entre 750 et 822 milliards d’euros selon les chiffrages, soit le plus grand programme de relance économique du pays depuis l’après-guerre), France (45 milliards d’euros directement investis et 300 milliards d’euros de prêts garantis par l’Etat), Italie (25 milliards d’euros directement investis et 340 milliards levés sur les marchés “par effet de levier” annoncés par le ministre de l’Economie), Espagne (17 milliards d’euros d’investissements directs et 100 milliards d’euros de prêts garantis par l’Etat), Pologne (47 milliards d’euros d’investissement -dont une partie financée par la Commission européenne- soit 9% du PIB du pays), Danemark (13 milliards d’euros d’investissements), Pays-Bas (entre 10 et 20 milliards d’euros d’investissements directs, étalés sur les mois de mars, avril et mai 2020), Suède (45 milliards de prêts garantis par l’Etat aux entreprises), Finlande (5 milliards d’investissements directs, 3 milliards de prêts aux entreprises garantis), Lituanie (5 milliards d’euros d’investissements directs, soit 10% du PIB national), Grèce (5 milliards d’euros d’investissements directs, dont une partie financée par la Commission), Autriche (38 milliards d’euros de fonds de crise), Croatie (590 millions d’euros investis par la Banque centrale pour favoriser l’activité des entreprises).
Aides d’Etat non chiffrées : Belgique, Lettonie, Estonie, Hongrie (moratoire sur la dette et les intérêts des entreprises et des ménages jusqu’à fin 2020), Slovaquie, République Tchèque (série de prêts à taux zéro), Luxembourg (plafond de l’aide d’Etat pour une entreprises en difficulté passé de 200 000 à 500 000 euros), Roumanie (taxe annuelle sur les entreprises repoussée d’un mois et suspension des autres charges), Slovénie (paiements des crédits des entreprises repoussés).
En attente de décision ou absence de données : Portugal, Malte, Bulgarie, Chypre, Lettonie.
Covid-19 : Les réponses européennes
Tableau des décisions européennes
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