Cette note de La Fabrique issue des réflexions d’un groupe de travail, composé notamment d’industriels, de scientifiques, d’experts du développement durable, analyse l’impact du principe de précaution sur la compétitivité industrielle.
Le principe de précaution a été inscrit dans la Constitution française en 2005. Présenté par ses détracteurs comme un principe « anti-innovation » voire « anti-progrès », il symbolise selon eux la grande frilosité de la société française et constituerait une entrave au développement économique, dont la prise de risque est un moteur fondamental.
Cette note, s’appuyant sur les réflexions d’un groupe de travail pluridisciplinaire, montre une réalité plus nuancée. L’analyse de la jurisprudence révèle que l’application du principe de précaution a été mesurée en France. Son inscription dans la Constitution est surtout une manifestation solennelle de l’attention portée à l’exigence de précaution exprimée par les individus, une exigence qui n’est d’ailleurs pas spécifique à la France.
Cette étude montre par ailleurs comment les inquiétudes des populations poussent des responsables politiques ou de l’Administration à mettre en place des règlements ou des normes inutilement contraignantes pour l’activité économique. Même si le principe de précaution est parfois invoqué abusivement, il s’agit surtout d’un dysfonctionnement des pouvoirs publics, mal équipés pour faire face aux situations d’incertitude.
Plutôt que d’amender sa Constitution, La France doit donc surtout améliorer le fonctionnement de ses institutions, encourager les administrations à mieux organiser l’expertise sur les connaissances disponibles, à mieux prendre en compte l’impact de leurs décisions sur les acteurs économiques et mieux associer les citoyens à la prise de décision. Ceci contribuera à restaurer la confiance dans des pouvoirs publics plus attentifs aux préoccupations des Français, plus légitimes et plus efficaces.
Cette note explore enfin quelques pistes pour que l’exigence de précaution de la société soit mieux prise en compte par les entreprises industrielles. Elle décrit des exemples concrets de démarches réussies pour mieux satisfaire les attentes des consommateurs et des citoyens et en tirer un avantage concurrentiel. Ces succès montrent que précaution et compétitivité ne sont pas incompatibles.
Les situations caractérisées par la suspicion d’un risque et par une forte incertitude exigent de mettre en place une organisation de l’expertise collective pour cerner au mieux les enjeux et d’associer aux réflexions les multiples parties prenantes dont les approches du sujet et les préoccupations peuvent être très variées.
La bonne organisation d’un « régime de précaution » devrait faciliter des délibérations et des décisions acceptées par le plus grand nombre, conduisant à des mesures efficaces pour assurer une protection satisfaisante contre les risques sans faire peser sur les acteurs des contraintes excessives. La gouvernance et les outils d’un tel régime de précaution sont longs et difficiles à mettre en place, notamment dans la tradition politique et administrative française.
Confrontés au foisonnement des normes et règlementations, les industriels sont parfois tentés de dénoncer un usage excessif du principe de précaution. La présente note montre que ce n’est pas tant le principe lui-même que l’invocation abusive qui en est souvent faite qui est en cause. Il semble plus constructif de prendre acte des aspirations de la société à une sécurité renforcée et d’y répondre en mettant en place des espaces de dialogues qui permettent d’écouter les parties prenantes, de leur montrer que leurs préoccupations sont prises en compte, de prouver aux pouvoirs publics qu’ils n’ont pas besoin de renforcer leurs exigences ou de multiplier les réglementations.
L’exigence de précaution peut alors être un moteur d’innovation et un facteur de différenciation pour les entreprises qui acquièrent une maîtrise supérieure des risques liés à leur activité et à leurs produits.
Au sommaire de la note :
1 Le principe de précaution : un épouvantail
2 Exigence de sécurité : y a-t-il une spécificité française ?
3 La France mal outillée pour mettre en oeuvre la précaution
4 L’industrie en régime de précaution
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