Avr 08

D’après un sondage récent, les Français sont très critiques sur la politique de l’emploi

6a00e3981cf54d8833012877b3de3b970cSi un sondage ne fait pas une politique, La question du chômage est suffisamment importante pour ne négliger aucunes informations. Plus de 8 personnes sur 10 interrogées par l’Ifop pour Acteurs publics/Ernst & Young , jugent inefficace la dépense publique en matière d’emploi. J'avais déja évoqué ici la faiblesse des dimensions locales de cette politique.

La baisse des charges sur les entreprises et une politique plus contraignante pour les chômeurs sont privilégiées comme solutions. À peine 5 % des Français font confiance à l’État pour réduire le chômage. Notons d'abord le très profond scepticisme de l’opinion quant à la capacité de l’État à agir efficacement pour favoriser l’emploi, héritage d’années d’échec dans la tentative d’inverser la courbe du chômage, et signe d’un affaissement de la confiance des Français dans la capacité des gouvernements successifs à engranger des succès en la matière.

Seulement 17 % seulement des personnes interrogées estiment que l’argent public consacré chaque année par la France à la politique de l’emploi l’est de manière efficace. Ces chiffres varient de 69 % des sympathisants socialistes (contre 83 % en moyenne) qui jugent inefficace la dépense publique en matière d’emploi, et atteignent 90 % parmi les proches de la droite. On relèvera aussi un élément assez contre-intuitif, au regard notamment du taux de chômage qui atteint cette tranche d’âge : les 18-24 ans sont un peu plus nombreux que la moyenne à la créditer d’une certaine efficacité (26 % l’évoquent, contre 17 % sur l’ensemble des Français).

Invités à définir les orientations prioritaires de la politique de l’emploi, les interviewés font montre d’une certaine circonspection, leurs réponses se dispersant entre de nombreuses pistes citées dans des proportions assez équivalentes, aucune proposition ne parvenant à être mentionnée par une majorité de répondants. Ainsi 35 % des personnes interrogées évoquent la réduction des charges des entreprises sur l’ensemble des salaires, 26 % souhaitent que l’on contraigne davantage les demandeurs d’emploi à accepter les offres qui leur sont proposées, 20 % demandent que l’on réduise les allocations chômage et/ou que celles-ci soient versées pendant moins longtemps, et 18 % appellent de leurs vœux une simplification du code du travail pour permettre aux entreprises d’embaucher et de licencier plus facilement.

D’autres propositions, d’inspiration moins libérale ou plus dirigiste, sont elles aussi assez régulièrement citées : 23 % des sondés réclament une formation professionnelle plus performante et 18 % souhaitent que l’on mette davantage de freins aux licenciements. Sans surprise, la première série de réponses est davantage choisie par les proches de la droite, et la seconde par les sympathisants de gauche. On notera que l’embauche de fonctionnaires ne recueille qu’un taux de citations très marginal (4 %), y compris parmi les proches de la gauche (6 %).

S’agissant, pour terminer, des acteurs à qui les Français accordent le plus leur confiance pour réduire le chômage, les réponses s’avèrent particulièrement cohérentes avec la sévérité du jugement porté sur l’action des pouvoirs publics. Ainsi, 5 % seulement des personnes interrogées choisissent de citer l’État, via Pôle emploi, 22 % évoquant les collectivités territoriales (régions, départements, communes). Ce sont les entreprises, avec 51 % de mentions, qui recueillent le plus de citations.

On note que 22 % des personnes interrogées n’évoquent aucun des acteurs qui leur étaient proposés, signe d’une opinion particulièrement désabusée quant à la possibilité de mener une action efficace en France en faveur de l’emploi. Quelques différences d’appréciation se font jour selon la catégorie sociodémographique des répondants. Ainsi, les plus jeunes sont sensiblement plus nombreux que la moyenne à évoquer l’État ou les collectivités locales (33 % des 18-24 ans citent l’un ou l’autre de ces acteurs, contre 27 % en moyenne), choisissant moins souvent les entreprises, ces dernières étant à l’inverse davantage mentionnées par les plus de 65 ans (63 %).

On relève en outre que les entreprises sont aussi, sans surprise, particulièrement souvent considérées comme l’acteur de confiance en matière de création d’emploi par les artisans ou commerçants (74 %). Du point de vue de la proximité politique, les clivages s’avèrent assez patents. Ainsi, 43 % seulement des proches de la gauche citent les entreprises, 42 % mentionnant l’État ou les collectivités territoriales et 15 % n’évoquent aucun acteur. Les proches de l’UMP sont très nombreux à faire confiance aux entreprises (71 %), à la différence des sympathisants frontistes (43 %), ces derniers se montrant sensiblement plus pessimistes que la moyenne (31 % d’entre eux estiment en effet qu’aucun acteur ne peut contribuer à réduire le chômage).

Cette enquête traduit une forte méfiance de l’opinion quant à la capacité des acteurs publics à inverser la courbe du chômage : la politique de l’emploi actuellement menée ne trouve en effet grâce qu’aux yeux d’une infime minorité, sans que l’on ne soit véritablement en mesure de déterminer dans quelle direction les Français souhaiteraient que l’on infléchisse l’action menée. Les entreprises paraissent néanmoins, dans ce tableau assez sombre, constituer une forme d’espoir pour une courte majorité de personnes interrogées.

Quelques particularités françaises méritent ici d'être rappelées :

– Comment Réduire le chômage malgré des perspectives de croissance faible ? L’exemple de l’Allemagne dans les années 2000, qui a réussi à faire baisser son chômage structurel malgré une croissance plus faible qu’en France, ne peut être oublié .

– La proportion d’actifs peu qualifiés est plus importante en France (30 % des actifs de plus de 25 ans ont un niveau de qualification inférieur au brevet des collèges, source OCDE) qu’en Allemagne (14 %) et qu’en moyenne dans l’Union européenne (25 %).

– Une autre particularité de la France est le taux de chômeurs de longue durée – 42 % –, beaucoup plus important que dans la moyenne des pays de l’OCDE – 34 % (source OCDE 2013, chiffres 2011).

– Nous avons enfin un nombre très important d’acteurs chargés de la politique de l’emploi: Pôle emploi, avec ses 50 000 agents, mais également de nombreuses autres structures, telles que les missions locales (accompagnement des jeunes demandeurs d’emploi), les conseils régionaux (financement de la formation professionnelle des demandeurs d’emploi), les conseils généraux (prise en charge sociale et professionnelle des titulaires du RSA), le réseau des Cap emploi avec l’Agefiph ou le FIPHFP (insertion professionnelle des travailleurs handicapés)…  

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