A quoi ressemblera le monde dans un siècle ?
Louis-Sébastien Mercier dans L’An 2440, Jules Verne dans Paris au XXe siècle, George Orwell dans 1984 ont tenté d’imaginer le monde dans les décennies, les siècles à venir. D’autres, comme Fourier ou Cabet, ont tenté de concevoir, en des termes étonnamment précis, une société plus harmonieuse d’où l’exploitation et la souffrance seraient bannies. Ces écrivains et ces philosophes ont souvent été des visionnaires, anticipant le développement tentaculaire des métropoles et du trafic automobile, le règne de l’ordinateur ou encore la société de surveillance.
Nombre d’utopies (le suffrage universel, l’abolition de l’esclavage, l’émancipation des femmes, le droit à l’éducation et à la protection sociale), qui souvent laissaient leurs contemporains incrédules, ont alimenté les aspirations démocratiques au cours des deux siècles passés. Ce qui continue d’éveiller notre intérêt, c’est l’effort d’anticipation, d’arrachement au présent, couplé à une inquiétude sur le monde tel qu’il va et à une volonté d’améliorer la condition humaine. C’est, en d’autres termes, l’invention d’une utopie raisonnée.
La Vie des Idées a demandé à des chercheurs d’imaginer le monde d’après-demain, en mêlant librement diagnostics, désarrois, solutions, espérances, toute la palette de l’inventivité et de l’optimisme, tout le registre des possibles. Il ne s’agit pas ici de constituer un dossier de prospective, mais plutôt d’imaginer les formes de l’avenir à partir des doutes du présent, en fuyant ses certitudes – manière de les subvertir, sans doute. Pourquoi la critique sociale ne parlerait-elle plus avec la voix de l’utopie, n’emprunterait-elle plus sa radicalité aux proliférations intellectuelles qui mettent en œuvre une autre manière de vivre, de penser, de créer ? Unis par la volonté de s’affranchir du pessimisme et de la résignation qui brident l’imagination politique contemporaine, les textes de ce dossier sont de deux ordres : les uns anticipent le monde d’après-demain, les autres se présentent comme des récits rétrospectifs, écrits en 2112, des mobilisations qui se déploient sous nos yeux. Les utopies d’aujourd’hui constitueront sans doute la matière des livres d’histoire de demain…
• Jean Gadrey, « Quand les écarts de revenus furent enfin plafonnés »,
• Jean Bérard, « La grande évasion. Souvenirs d’un directeur de prison »,
• François de Singly, « Pourquoi nous avons aboli le mariage »,
• Yves Sintomer, « La révolution du tirage au sort »,
• Michel Parent, « Paris à grande vitesse»
• Matthieu Calame, « De l’incongruité des pratiques agricoles et alimentaires de nos ancêtres du XXIe siècle »
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