Le prochain projet de loi de décentralisation prévoit de renforcer les régions en les dotant d'une taille "critique". Les universités sont invitées à fusionner ou à se regrouper dans des COMUES, mais une pétition signée par plus de 11000 universitaires demande « des universités à taille humaine»….
Le 30 janvier 2014, le Président de la République déclarait, à propos des universités : « Tout ne se résume pas à la taille, il ne s’agit pas de constituer des machineries particulièrement lourdes et complexes ou de faire à tout prix des coopérations ou des fusions parce que nous voudrions avoir un certain niveau en termes d’effectifs, tout dépend de la qualité de ces projets». D’ailleurs des universités prestigieuses comme Cambridge, Harvard ou le MIT ont moins de 20000étudiants chacune.
Certes de Pékin toutes les structures européennes apparaissent "petites", mais les institutions chinoises ont elles, pour autant pour nous, plus de visibilité avec leur grande taille? Les "grandes régions pour les élections européennes constituent elles un modèle enviable?
Et pourtant, la grande taille des institutions serait elle devenue un nouvel avatar de la pensée unique? Plus grandes les organisations publiques seraient plus "efficaces", "moins coûteuses pour les finances publiques "….. Qui pourraient alors s'y opposer ? Le problème est que cette affirmation n'est nulle part démontrée ; aucuns travaux scientifiques ne définissent cette "taille critique".
On comprend évidemment que de grands équipements nécessitent une assise financière suffisante pour que l'investissement puisse être réalisé mais plusieurs acteurs peuvent se regrouper pour le faire, sans fusionner pour autant !
En matière de réductions des dépenses la grande taille est loin de garantir des économies de fonctionnement : coûts cachés, coûts de structures …, et en matière de services publics les gains de productivité sont faibles et la réduction d'emploi est souvent synonymes de réduction de services ; la taille des marchés peut conduire à des mises en concurrence profitables mais aussi à l'élimination des petites entreprises et à des monopoles dangereux … Quant on fusionne des structures l'harmonisation se fait nécessairement "par le haut" avec ce que cela signifie en terme d’accroissement de la masse salariale ou de services rendus !! En matière d'efficacité peut on oublier avec la grande taille, les lourdeurs bureaucratiques, la complexité du contrôle des coûts, l'accroissement de l'absentéisme et de la motivation, la lenteur des processus de décision, la réduction des capacités d'initiative et d’innovation, la perte de proximité des décideurs ….sans parler de la démocratie.
Tous ces arguments ont conduit ces dernières années à accroître la décentralisation et la déconcentration : que l'état ait du mal à réduire ses dépenses n'en est qu'une preuve supplémentaire, et les difficultés des finances publiques ne remettent pas en cause ces arguments! N'est il pas significatif aussi que les grandes villes cherche à recréer des unités plus petites (type conseil de quartier), plus proches des habitants, mais sans vraiment y parvenir faute de pouvoir réel et de budget pour ces entités… De même les grands groupes privées modifient leur organisation pour accroître la motivation, l'innovation, la responsabilisation…
On semble avoir oublié les critiques de Galbraith sur la technostructure, ou sur les pesanteurs du "mammouth», ou encore les objectifs qui ont portés avec succès les premières lois de décentralisation : faudra t il revenir au désastreux état de nos lycées avant 1982 pour se souvenir de tous les progrès accomplis?
Tout ceci ne plaide évidemment pas contre l'impérieuse nécessité de réduire les dépenses de fonctionnement des structures publiques; elles seront plus faciles au plus proche de la réalité !
Tout ceci ne plaide évidemment pas pour l'immobilisme de nos institutions, mais leur adaptation doit se faire au plus proche des histoires locales, de la réalité du terrain, pour construire des projets partagés.
Tout ceci plaide pour la mise en réseau plutôt que la fusion, pour la souplesse des évolutions plutôt qu'un modèle unique impose d'en haut, pour renforcer la démocratie qui seule, par le contact, la proximité, permet d’expliquer, pour l'application en permanence du principe de subsidiarité.
Aucunes limites administratives n’est satisfaisante par nature (sauf celles relatives aux basins versants pour la gestion de l’eau !) . C'est dire qu'avant la question de la taille des structures publiques, c'est leur projet, leurs missions, leurs moyens …qu'il faut définir !!
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