Où en sommes-nous de la démocratie française ?
Qu'avons-nous fait des valeurs et des principes prônés par la démocratie naissante de 1789 ? Dans quelle mesure sont-ils toujours opérants ? Pourquoi, et par quels processus, certains d'entre eux se sont-ils pervertis ? Comment, aujourd'hui, sanctifier l'épanouissement personnel sans favoriser l'incivilité ? Comment étendre le domaine de la liberté sans le faire au détriment des conditions sociales ? Quel prix à payer pour que la démocratie reste le meilleur garant des principes qu'elle instaure ? Comment ne pas succomber à l'entropie communautaire ? Comment se préserver d'un retour du religieux ? Comment concevoir un destin commun à l'ère de l'individualisme collectif ? En un mot, comment conduire la démocratie à l'âge adulte si les citoyens demeurent des enfants à qui tout est dû ?
Cynthia Fleury, philosophe, enseigne à Sciences-Po et à l'American University of Paris. Elle a publié plusieurs livres, dont Métaphysique de l'imagination (éditions d'écart, 2000) et Dialoguer avec l'Orient (PUF, 2003).
Cynthia Fleury évoque le « déshonneur des élites »: « Il n'y a que le retour d'une vraie régulation démocratique pour déverrouiller ces situations de rente insoupçonnée et sortir de ces phénomènes de confiscation de richesses, qui sont produites par le collectif et qui sont systématiquement confisquées. Je crois qu’il faut sortir de cette idée de la redistribution, il faut s’attaquer à une meilleure répartition. Et puis je voudrais souligner un point. Je vais être un peu désagréable. Certains ont parlé de « trahisons des élites ». Je crois que c’est important parce je crois qu’il y a en effet comme un déshonneur des élites. Je crois qu’il faudrait penser une définition extensive, entre guillemets, de l’honneur et de l’indignité nationale. Il y a quelque chose de proprement dysfonctionnant de ces élites. Et je ne parle pas seulement des élites politiques mais aussi des élites économiques, culturelles, artistiques qui se contentent de cet écart grandissant, scandaleux, abominable même entre les richesses. Et non seulement s’en contentent mais aussi l’entérinent et le renforcent. Ce déshonneur des élites, il est problématique parce que même si est dans une phase de massification, et heureusement d’ailleurs, le rôle des élites est fondamental. Donc le grand danger qui est devant nous,, c’est la montée du ressentiment qui crée inévitablement du populisme et son dernier avatar : le peopopulisme de droite. »
Un déshonneur des élites ? Parachutes dorées, rémunérations extravagantes avec des écarts de salaires de 1 à 400, retraites chapeaux, délocalisations, sans-abris et problème du logement, travailleurs pauvres et manque d'anticipation des mutations environnementales, technologiques et sociales… Voilà la longue litanie des maux qui justifient pleinement les mots tout à fait justes de Cynthia Fleury. Ces mots devraient tous nous amener à nous questionner. Nous sommes tous, à notre niveau, toujours les élites de quelqu’un. Mais elles touchent aussi avec plus d'acuité et d’urgence, les gouvernants de droite au pouvoir depuis de 2002.
En février de cette année, sur l’antenne d’Europe 1, Xavier Bertrand dénoncait « les écarts de salaires "extravagants" dans les entreprises ». Mais qu’est-ce que cette droite au plein pouvoir a fait depuis ? Demander au MEDEF de s’auto-réguler ? Mais qu’attendre d’un Président, Nicolas Sarkozy, qui a commencé son quinquennat en votant le bouclier fiscal ?
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