Oct 03

Sur les alliances politiques : un peu d’histoire !

Je retrouve sur Mediapart, chez Jean Marie Padovani, un texte de Joseph Pinard. C’est un ancien Député du Doubs, ancien Conseiller municipal de Besançon, mais également Agrégé d'Histoire après avoir fait l'école normale grâce au subventionnement de la République, car il était orphelin de père. Ce texte est intéressant car il exprime des idées utiles sur un sujet qui est souvent débattu. Il invite aussi à ne pas céder à l’intimidation dogmatique de certains responsables politiques.

« Le signataire de cette note Mendésiste et réformiste depuis… 1954 a une longue expérience de la bonne conscience d’une certaine gauche de la gauche qui s’auto proclame détentrice exclusive du pouvoir de dire où commence et où s’arrête la «vraie gauche» pour reprendre une expression souvent utilisée. N’ayons pas la mémoire courte: regardons la photocopie jointe de la Une du Monde du 21 Novembre 1962.

Nous sommes au lendemain du premier tour des législatives et le grand quotidien annonce que: « Les communistes étendent leur désistement à des indépendants ». Les indépendants à l’époque c’était la droite pro Algérie française et très réactionnaire. Et la générosité fut étendue à certains centristes: le cas le plus éloquent fut celui de Jacques Duhamel, candidat à Dole. Le 23 Novembre, Le Monde annonçait « Monsieur Barthélemy, candidat communiste invite ses électeurs à voter pour Monsieur Duhamel ». Commentaire au lendemain du 2eme tour: « Monsieur Duhamel, bénéficiant des voix communistes qui se sont reportées avec discipline sur son nom l’emporte de 2500 suffrages sur le Député sortant UNR ». Il était précisé que Monsieur Duhamel était l’ancien Directeur de Cabinet d’Edgar Faure. Il n’était pas dit que lors de la proclamation des résultats les militants PC avaient entonné l’internationale (le fait ayant été rapporté par des témoins). On sait que Monsieur Duhamel, devenu leader national des centristes allait rejoindre Pompidou après son élection en 1969.

Le Monde annonçait aussi en sous titre « Pour le Chanoine Kir » faisant référence au désistement PC en faveur du célèbre Député Maire de Dijon, leader local des indépendants. Un autre notable indépendant de Côte d’Or Monsieur Japiot avait droit à un appel en sa faveur tout comme un candidat MRP à Millau.

 Pourquoi une telle ouverture?

Nous sommes au lendemain du référendum voulu par De Gaulle pour que le Président de la République soit désormais élu au suffrage universel. Le pays a répondu OUI a 62%. Dans la foulée, De Gaulle a dissout l’Assemblée nationale. Après le premier tour, le PC diffuse le communiqué suivant. (cf communiqué joint). La priorité est donc claire: « Battre les candidats du pouvoir personnel ». A cette fin il faut «l’union des communistes, socialistes et des autres républicains ».

Ah! Ces fameux « autres républicains », la formule était très vague. On a vu que les bénéficiaires pouvaient êtres très divers. Pas question d’exclusive sur la base de différences politiques alors très marquées: par exemple la question des lois anti-laïques contre lesquelles la gauche était alors vent debout ou celles de l’OTAN et de la Défense (Duhamel était très atlantiste).

Le critère unique c’est l’hostilité au « pouvoir personnel ». Or ce « pouvoir personnel » était beaucoup moins puissant qu’il ne l’est aujourd’hui. Ainsi il n’y avait pas à l’Elysée une énorme machine consacrée à la communication et aux relations avec les médias. Une bonne partie de la presse parisienne et provinciale était hostile à De Gaulle. Il fut un temps où le PC s’arrogeait le pouvoir de tracer la ligne jaune séparant les bons des méchants. Mais la frontière pouvait changer au gré des aventures de la dialectique ou des intérêts du parti.

Ainsi en 1980, par un refus de désistement pour le PS, le PC permit l’élection d’Edgar Faure au Sénat dans le Doubs parce que ce personnage était dans les meilleurs termes avec l’URSS.

Une affaire de programme et non d’étiquette.

L’histoire de la défense de la pureté de la gauche est liée à toute une culture de diabolisation de l’hérétique. Cela commence avec la dénonciation des traîtres Briand, Viviani, Millerand qui ont accepté d’entrer dans des gouvernements bourgeois. Et Jaurès lui-même fut accusé de cautionner des réformes qui aux yeux des purs anesthésiaient la capacité de révolte de la classe ouvrière. Ainsi la première grande Loi sur les retraites ouvrières ne fut soutenue en 1910 que par 25 députés SF10 derrière Jaurès, tandis que 27 suivant Guesde ont voté contre et que les amis de Vaillant s’abstenaient. Le tout jeune PC fulmina l’exclusive contre les « socials chauvins» coupables de s’être ralliés à l’Union Sacrée et refusa d’appliquer la discipline républicaine jusqu’au Front Populaire. Au tout début de la 5eme le PC renoua avec son ancien comportement à l’égard des candidats de gauche qui avaient voté OUI au référendum de 1958.

Aujourd’hui l’excommunication pèse sur ceux qui acceptent des alliances avec le Modem et le PC subit la pression de la gauche de la gauche renforcée par Mélenchon tonnant contre les déviationnistes (voir l’élection d’Aix-en Provence où Mélenchon s’y félicite de ne pas avoir appelé à voter contre l’UMP au 2eme tour). Nous sommes retombés en pleine intimidation à base purement idéologique, Il ne s’agit plus de se positionner à partir d’un programme, il s’agit d’exclusive sur la base d’une étiquette. Et c’est le Modem qui est dans le collimateur.

Le PS n’a pas à être tétanisé à cause des foudres lancées par ceux qui s’autoproclament propriétaires de la vraie gauche. Il ne s’agit pas d’une question d’étiquette mais de contenu. Il appartient à la gauche à chaque niveau d’élaborer un programme. Qui s’y rallie est le bienvenu et c’est faire le jeu de l’UMP que de pratiquer à priori l’exclusive systématique contre un Modem qui, à la base, peut avoir en tant que parti des prises de positions très diverses (allant jusqu’à l’alliance avec le PC aux Municipales à Aubagne) et dont l’électorat n’est pas homogène ( aux Municipales quand le Modem a appelé à voter à gauche à Poissy et à Meaux, il a été suivi par les deux tiers de ses électeurs, même proportion quand il a appelé à voter à droite comme à Savigny). »

Joseph Pinard , Agrégé d’histoire, Ancien Député du Doubs

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