La catastrophe de Fukushima au Japon a légitimement relancé la question de l’utilisation du nucléaire de fission comme source d’énergie.
Pour le mouvement européen, que l'on soit pour ou contre, : Le nucléaire est une politique européenne !
L’enjeu est de taille, comme le montre fort bien une note de Télos, car « même si les États membres sont les seuls responsables de la définition de leur bouquet énergétique national, les actions d’un d’entre eux, a des répercussions sur la totalité du marché européen et notamment sur les pays voisins ». Le dernier conseil européen a fait mention du « désir commun de lancer un processus pour définir le risque global et l’évaluation de la sécurité des centrales nucléaires en Europe ».
Deux questions bien différentes sont posées donc, sur la politique de l’Europe d’une part, et sur la question même du nucléaire. Compte tenu de l’actualité, Je soumets à votre lecture…….
deux notes intéressantes sur ces points :
Dans une autre note de Télos, Elie Cohen résume ainsi « L’équation nucléaire européenne» : «La décision de l’Allemagne et de la Suisse de sortir du nucléaire et celle de l’Italie de renvoyer sine die ses projets de relance auront cinq effets sur l’économie électrique européenne. 1/ La France devient le hub nucléaire de l’Europe et un exportateur majeur. 2/ À l’inverse, les pays sortant du nucléaire et qui misent sur les énergies renouvelables vont accroître leurs importations d’énergie nucléaire ne serait-ce que pour sécuriser les sources intermittentes de production d’énergie (éoliennes, solaire). 3/ L’Europe renonce à tout projet d’indépendance énergétique, sa dépendance notamment au gaz russe et au charbon vont se renforcer. 4/ Le prix de l’énergie va partout s’élever pour les consommateurs finaux. 5/ Les investissements dans les réseaux transfrontaliers de transport d’électricité vont devoir être sensiblement accrus. Est-il besoin d’ajouter que les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre seront beaucoup plus difficiles à atteindre ? ».
Il conclut alors « Les choix allemand, suisse et italien d’un côté, britannique et français de l’autre, rendent nécessaire un renforcement des interconnexions électriques aux frontières et de lourds investissements dans les réseaux de transport et de distribution. Ainsi par une ruse de l’histoire, l’Europe de l’énergie va se faire non par la voie politique de l’accord raisonné, mais par l’effet mécanique de décisions nationales prises sous l’empire de l’émotion différentielle des populations.
Un second document, de Notre Europe cette fois ci, intitulé « Le nucléaire en Europe » , a pour objet de cadrer le débat autour du nucléaire en Europe en fournissant les éléments d’information et d’analyse nécessaires. Après un court aperçu de la nouvelle crise nucléaire survenue au Japon, il s’agit de faire l’état des lieux du cadre règlementaire européen pour la sûreté nucléaire, et mettre en perspective les diverses réalités énergétiques et économiques du nucléaire en Europe. Enfin, le débat quant à l’avenir de l’énergie nucléaire est abordé dans le cadre plus général de la politique énergétique européenne et des choix à venir entre les différentes sources énergétiques en Europe en particulier.
Pour conclure, un vaste débat doit avoir lieu autour du nucléaire. Un vrai débat qui ne peut se résumer à un cadre binaire "pour ou contre le nucléaire", ne serait ce que parce qu'il ne peut y avoir de sortie immédiate en France : la question est de trouver les modes de dépassement du nucléaire, c'est à dire se donner les moyens de satisfaire autrement nos besoins énergétiques, tout en les réduisant. C'est aussi se donner les moyens de modifier progressivement notre "mix énergétique". C'est enfin se donner les moyens réels, scientifiques et financiers, de renforcer la sécurité de nos centrales et de parvenir à traiter nos déchets. Ce débat doit intégrer l'ensemble des questions environnementales pour ne pas apporter des réponses contradictoires : la question climatique est globale, la réponse doit l'être aussi.
Cinq Arguments contradictoires sur le nucléaire :
POUR – La lutte contre le changement climatique : L’énergie nucléaire est présentée comme offrant une contribution significative aux impératifs de lutte contre le changement climatique, produisant un faible niveau d’émission de CO2. Il faut rappeler à cet égard la controverse au niveau européen quant à savoir si l’énergie nucléaire pouvait être reconnue en tant qu’énergie renouvelable, position défendue notamment par la France. Après avoir essuyé plusieurs refus, l’énergie nucléaire s’est vue reconnaitre lors du Conseil européen du 04 février 2011 consacré à la politique énergétique européenne le statut d’énergie non carbonée, aux cotés des énergies renouvelables. Ce changement est significatif et consacre d’une certaine façon le « retour en grâce » ces dernières années du nucléaire en Europe.
POUR – L’indépendance énergétique de l’Europe et la sécurité d’approvisionnement: Bien qu’épuisables à long terme, les ressources en uranium restent importantes au regard de leur rythme de consommation actuel, par comparaison avec les hydrocarbures dont les réserves font l’objet de tensions importantes sur les marchés internationaux et pour lesquels l’UE est fortement dépendante de quelques fournisseurs étrangers (environ 80 % de dépendance pour le pétrole et 60 % pour le gaz). En outre, les réserves d’uranium sont réparties de façon plus homogène sur la planète et présentes en grande quantité dans plusieurs pays politiquement stables (comme le Canada et l’Australie, importants producteurs d’uranium). La question de l’accès à l’uranium demeure néanmoins problématique au niveau européen, la production interne ne couvrant que quelques pourcents de la consommation.
POUR – La compétitivité économique de l’énergie nucléaire: La structure du coût de l’électricité nucléaire est aussi présentée comme un avantage en termes de compétitivité face aux fluctuations des marchés des ressources fossiles (gaz et charbon). Le coût du combustible ne représente qu’environ 10% du coût de production, assurant ainsi une relative stabilité, au contraire des centrales thermiques classiques, fortement dépendantes des fluctuations des prix des combustibles fossiles. En outre, le prix de l’électricité produite à partir de l’énergie nucléaire par Kilowatt heure (Kwh) est présenté comme moins cher que le kWh provenant des autres sources. A contrario, certains insistent sur les importantes subventions nationales et européennes dont bénéficie l’énergie nucléaire, qui rendraient son prix artificiel. Par ailleurs, il est souvent reproché au nucléaire de ne pas inclure dans son prix les coûts importants liés au démantèlement des centrales et au retraitement des déchets sur le long terme. Enfin, il faut rappeler dans ce contexte qu’un renforcement des conditions de sûreté des installations nucléaires pourrait s’avérer coûteux et se répercuter in fine sur le prix de l’énergie nucléaire.
CONTRE – La sûreté et les risques liés à son exploitation: Ce sont les risques sanitaires et environnementaux liés à l’exploitation du nucléaire qui cristallisent le plus l’opposition à cette source d’énergie. Bien que les risques d’accidents de grande ampleur soient limités (avec l’expression consacrée selon laquelle « le risque zéro n’existe pas »), la crise japonaise a une nouvelle fois mis en lumière les graves conséquences que peuvent provoquer la fusion du coeur d’un réacteur nucléaire et le relâchement de particules radioactives pour l’homme et la nature.
CONTRE – La question non-résolue de la gestion des déchets nucléaires sur le long terme: Les interrogations se concentrent aussi sur la question de la gestion des déchets radioactifs, dont la durée d’activité, dépassant pour certains éléments la centaine de milliers d’années, implique de pouvoir assurer une gestion sûre et continue des lieux de stockage pendant des temps longs, ce qui ne va pas sans poser problème. L’expérience négative allemande du site de stockage d’Asse illustre les nombreuses difficultés à mettre en place des sites de stockage sur le long terme.
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