L’Algérie fête cette année le cinquantième anniversaire de son indépendance – un an après le début du Printemps arabe et juste avant les échéances électorales de part et d’autre de la Méditerranée. "Il y a place désormais pour un regard lucide et responsable" affirme François Hollande. La Vie des Idées consacre un dossier à la période qui a suivi la guerre et l’indépendance, afin d’engager une réflexion sur l’Algérie contemporaine et le regard qu’elle porte sur son passé.
L’Algérie est indépendante depuis un demi-siècle. L’année 1962 a vu à la fois la fin de la guerre d’indépendance, l’effondrement de la domination coloniale française et la naissance de l’État algérien. Ce cinquantenaire cache donc une pluralité de commémorations.
Pluralité des événements célébrés : de mars à juillet s’échelonnent l’anniversaire des accords d’Evian, celui des différents référendums qui virent les populations françaises et algériennes se prononcer pour l’auto-détermination, celui de la déclaration d’indépendance.
Pluralité des acteurs, car chacune de ces étapes est interprétée différemment par les groupes porteurs de mémoire.
Pluralité des générations, enfin, qui nourrissent la complexité d’un phénomène mémoriel perceptible sur les deux rives de la Méditerranée.
Ce dossier vise à mettre en lumière les usages ambivalents d’une histoire encore en cours et de mémoires toujours à vif, mais aussi à souligner la diversité des usages politiques qui sont faits de ces commémorations dans un contexte international marqué par le premier anniversaire du Printemps arabe et par des échéances électorales françaises et algérienne.
Il s’agit, plus largement, d’engager une réflexion sur la période postérieure à l’indépendance et sur les inflexions politiques et idéologiques qu’ont connues la société et l’État algériens. Éclairer la pluralité des commémorations, de part et d’autre de la Méditerranée, permet d’engager une réflexion plus large sur l’Algérie contemporaine et son histoire.
Comment faire l’histoire de l’Algérie indépendante ?, par Malika Rahal, 13 mars 2012. Dans l’Algérie contemporaine, il semble qu’il ne puisse y avoir d’histoire que de la guerre d’indépendance. Une fois franchi le seuil de 1962, l’histoire devient difficile à écrire, à cause de la propagande d’État, de la destruction des documents, des hésitations des témoins. Étude sur la texture du temps en Algérie.
« Au delà du 17 Octobre 1961 », par Muriel Cohen. Un livre et deux documentaires apportent un éclairage neuf sur la répression de la manifestation du 17 octobre 1961. Replaçant l’événement dans la longue durée, ils montrent qu’il ne s’agit pas d’une bavure, mais d’un « massacre colonial », perpétré par la police parisienne sous les ordres de Maurice Papon.
« Un mythe de l’arabisation ? », par Tristan Leperlier. Périodiquement remobilisée en Algérie depuis l’Indépendance, l’arabisation est tout d’abord un discours, légitimant celui qui s’en empare par le mythe nationaliste des origines. Quant à ses réalisations concrètes, elles sont, au delà de questions identitaires bien réelles, le fruit d’un rapport de force sans cesse renégocié entre groupes linguistiques, que la hiérarchisation des langues approche ou éloigne du pouvoir.
« Les anticolonialistes européens et juifs d’Algérie face à la construction de l’État indépendant (1962-1965) », par Pierre-Jean Le Foll-Luciani. Vécue par les anticolonialistes européens et juifs comme une rupture forte, l’année 1962 leur ouvre de nouvelles perspectives sociales et politiques. Un constat s’impose cependant rapidement : leur algérianité reste en suspens. Les débats qui entourent l’élaboration du code de la nationalité en 1963 sont révélateurs des contradictions à l’œuvre dans l’Algérie indépendante.
La nation et ses « rapatriés » :Une comparaison Allemagne-France par Manuel Borutta et Jan Christian Jansen Après 1945 et 1962, l’Allemagne et la France ont été confrontées à un afflux massif de populations des anciens territoires allemands de l’Est et algériens, appelées « Vertriebene » et « pieds noirs ». Ces deux objets de recherche, généralement envisagés séparément, présentent de remarquables parallèles et leur comparaison ouvre d’intéressantes perspectives.
« En amont de la guerre d’indépendance. Jalons pour une histoire de l’Algérie au XIXe siècle », par Annick Lacroix. À propos de : « L’Algérie au XIXe siècle », Revue d’histoire du XIXe siècle ; Julia Clancy-Smith, Mediterraneans, University of California Press, 2011. Des historiens font aujourd’hui des propositions pour renouveler la compréhension du fait colonial en Algérie. L’objectif : sortir d’une histoire téléologique et souvent exclusivement politique examinant l’ensemble de la période coloniale à l’aune de son épilogue guerrier. Et montrer comment, aussi forte qu’ait été la domination de l’État colonial, ses sujets ont vécu dans d’autres espaces que celui qu’il voulait imposer.
« Désobéir en République. Un éditeur dans la guerre d’Algérie », par Florent Guénard. Les Éditions de Minuit ont mené pendant la guerre d’Algérie un combat à la fois moral et politique. Il s’agissait, souligne Anne Simonin, à la fois de dénoncer la torture en faisant valoir les droits de la conscience et de réaffirmer les valeurs universelles de la République française, renouant ainsi avec l’engagement dreyfusard et résistant.
Histoire et mémoire de la guerre d’Algérie : Entretien avec Raphaëlle Branche par Julie Champrenault et Augustin Jomier La guerre d’Algérie est désormais installée dans l’espace public et médiatique français. Dans cet entretien, l’historienne Raphaëlle Branche revient sur les étapes et les enjeux de cette visibilité, renouvelée récemment par le cinquantenaire de l’indépendance algérienne. Elle présente les outils et les missions des historiens face à ce conflit aux multiples résonances.
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