Sep 18

La gauche et le pouvoir

ImagesCA3X76UBA la fin du XIXème siècle, la France si dure et inégalitaire de la « Belle époque » se tourne vers la gauche – mais quelle gauche ?

L’affaire Dreyfus a suscité dans ses rangs des débats passionnés : le prolétariat est-il concerné par la mise en accusation d’un membre de la classe dirigeante, même innocent ? Oui, répond Jean Jaurès, brandissant l’étendard de la Justice et des libertés. Non, estiment un certain nombre de ses contradicteurs de gauche – parmi lesquels Jules Guesde – qui n’y voient qu’une manière de détourner le prolétariat de son seul combat légitime : la transformation de la propriété privée en propriété sociale. « L’Affaire » débouche sur la « défense républicaine », menée par Waldeck-Rousseau (1899-1902), qui nomme le socialiste Alexandre Millerand au ministère du Commerce, de l’Industrie et des Postes, avec la charge des dossiers sociaux.

Cette première participation socialiste à la pratique du pouvoir exécutif entraîne à nouveau la polémique – elle est à l’origine de la célèbre conférence des « Deux méthodes », qui réunit 8 000 socialistes, un soir de novembre 1900, à l’hippodrome de Lille. D’un côté, Jaurès qui, approuvant la nomination de Millerand, s’écrie : « Toutes les grandes révolutions ont été faites dans le monde, parce que la société nouvelle, avant de s’épanouir, avait pénétré par toutes les fissures, par toutes ses plus petites racines, dans le sol de la société ancienne ». De l’autre, à nouveau, Jules Guesde, qui lui répond que le seul avenir du prolétariat est révolutionnaire, et que la participation d’un seul socialiste au gouvernement protège Waldeck- Rousseau des tirs des travailleurs…

  La Fondation Jean-Jaurès a saisi l’occasion pour republier les moments les plus marquants du débat de 1906 et pour proposer à Manuel Valls et Gilles Candar de transformer un échange polémique en débat approfondi. ( Téléchargement La Gauche et le pouvoir).   Pourquoi ?

La première raison c’est que, outre l’intérêt historique évident de ce débat, nombre des questions qu’il aborde sont d'une actualité frappante : à l’évidence, la gauche se pose encore des questions sur la manière dont elle doit exercer le pouvoir, et avec qui. Il n’est pas moins évident qu’elle doit déterminer avec plus de précision ce que veut dire pour elle le « maintien de l'ordre » qu’évoque Clemenceau – on parlerait plutôt aujourd’hui de « sécurité ».

La deuxième raison, c’est qu’on reconnaît un bon débat – qui mérite donc publication – à sa capacité à poser les bonnes questions et, en dernier ressort, à « se mettre d'accord sur les désaccords ». Selon cette définition, il ne fait guère de doute que l’affrontement entre Clemenceau et Jaurès était un grand débat – nous espérons que la controverse entre Manuel Valls et Gilles Candar vient utilement l’éclairer à la lumière d’aujourd'hui.

Peut-on être de gauche et avoir pour modèle celui qui aimait se présenter comme le « premier flic de France » ? Estimer Georges Clemenceau n’empêche, en aucun cas, d’apprécier Jean Jaurès.

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