Fév 20

L’histoire de 50 ans de féminisme

ImagesLa domination masculine est-elle exclusivement d'ordre symbolique ou repose-telle sur des conditions économiques capitalistes ? Les luttes pour la reconnaissance peuvent-elles faire abstraction des luttes pour la redistribution? Le combat féministe n’est-il pas une lutte pour davantage de démocratie ?

N. Fraser, dans un recueil d'articles, commenté par Céline SPECTOR pour la Vie des idées, répond à ces questions et souhaite que le féminisme renoue avec son radicalisme initial. N. Fraser revient sur trois paradigmes qui structurèrent, à ses yeux, le féminisme de la « seconde vague » aux États-Unis.

Le premier, dans les années 1960-1970, est associé au radicalisme de la Nouvelle Gauche américaine (New Left). Affirmant que ce qui est personnel est politique, il se conçoit aussi comme une critique de l’androcentrisme associé à l’État-Providence : dans la forme keynésienne du capitalisme, le modèle de la famille nucléaire associée au mari pourvoyeur de ressources et à l’épouse pourvoyeuse de soin (care) demeure l’étalon.

Le néolibéralisme triomphant depuis les années 1980 marque une rupture profonde : la stigmatisation de la « dépendance » associée à la critique de « l’assistanat » survient au moment même où triomphe la politique identitaire (identity politics), qui demande la reconnaissance des différences. Analysant le genre comme pure construction culturelle, le féminisme dissout ses liens avec le marxisme et préfère, à la critique de l’économie politique, celle de l’ordre symbolique phallocratique.

Enfin, la troisième phase s’amorce avec la crise du néolibéralisme : une approche transnationale, associée aux mouvements sociaux d’un espace public globalisé, prévaut désormais. La « parité statutaire » est alors présentée comme l’idéal auquel un féminisme, débarrassé des illusions du réductionnisme marxiste comme du culturalisme des gender studies, doit désormais prétendre.

Nancy Fraser, Le Féminisme en mouvements. Des années 1960 à l’ère néo-libérale, traduit par E. Ferrarese, Paris, La Découverte, 2012, 331 p., 24 €.

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