Deux ouvrages récents constatent les impasses de la construction européenne. Le coupable est-il le marché, comme le croit R. Salais, ou, selon Philippe Herzog, les États-nations ? Tous deux prononcent la faillite du modèle de l’après-guerre, et en appellent à de nouvelles bases impliquant les citoyens européens.
Jacky Fayolle dans une note pour la Vie des idées mesure combien Robert Salais et Philippe Herzog n’appréhendent pas la crise européenne avec le même angle de vue. Leurs différences par rapport à la responsabilité du marché et de l’État dans la crise européenne frisent l’antagonisme. Elles témoignent des forces centrifuges exercées par cette crise sur des pensées qui ont de fortes racines communes.
Pourtant, de la divergence ressort un enjeu qui peut être assumé en commun : les désordres marchands et financiers sont de moins en moins bien maîtrisés par des États et des institutions défaillants ; pour dépasser cette situation, il faut engager une reconstruction des régulations politiques, nationales comme européennes, qui permette une prise d’intérêt et de contrôle de la part des citoyens dans un processus d’intégration qu’ils ont accepté tant que son rendement économique et social était honorable mais dont l’extériorité devient prohibitive lorsque ce rendement s’éteint.
Le marché n’est sûrement pas une médiation suffisante pour révéler les intérêts communs, mais il n’est pas non plus un lieu de perdition. Il faut surtout, pour que le lien social et politique se rétablisse et prenne allure contractuelle à l’échelle européenne, des acteurs économiques, sociaux et publics suffisamment confiants dans leurs capacités autonomes et ancrés dans la vie concrète de leurs concitoyens. Cela, Robert Salais et Philippe Herzog le partagent sans doute.
Robert Salais, Le viol d’Europe, Enquête sur la disparition d’une idée, PUF, 2013, 432 p, 20 € ;
Philippe Herzog, Europe, réveille-toi, Le Manuscrit, Collection Europe après l’Europe. 2013, 210 p., 17 €.
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