Avr 14

Parler de la taille des régions c’est bien, parler des missions qu’on leur confie, c’est mieux !

Image_content_general_16817984_20140412090813Il y a quelques temps, la question de la réunification des deux régions Haute et Basse Normandie tournait autour de la taille nécessaire (chacune étant trop petite), et de la capitale.

La question de la capitale est maintenant réglée avec la création de la métropole rouennaise, la seule du nord ouest.

La question de la taille est depuis le discours du Premier Ministre posée en d’autres termes . Faire 11 régions (10 si on met à part l’Ile de France) pour 63,6 millions d’habitants (51,7 si on exclut encore la région parisienne) , c’est viser des régions de 5 millions d’habitants en moyenne, par région . Ceux qui plaidaient pour une région normande réunifiée de 3,3 millions d’habitants (la 5eme, disait-on, mais dans une France inchangée !) découvre une région encore trop petite à 11 !

Dans une tribune libre argumentée dans Paris Normandie, Nicolas Mayer-Rossignol, président du conseil régional de Haute-Normandie, présente une réflexion sans tabou, sans démagogie, sans hypocrisie, sur ces questions.

Mayer-Rossignol propose « une grande Eco-Région»

«Dans son discours de politique générale, le Premier ministre Manuel Valls a jeté les bases d’une réforme territoriale profonde pour rendre l’action des collectivités locales plus efficace. Nous ne devons pas avoir peur du changement s’il va dans le sens du progrès économique et social. Notre pays a besoin de simplification et de clarification. Simplifier, c’est rendre la politique plus compréhensible et donc plus démocratique. Clarifier, c’est dire qui fait quoi. Supprimer les doublons sans supprimer les services rendus aux habitants, c’est faire des économies et améliorer l’action publique. Nos concitoyens, nos entreprises, nos forces vives l’attendent.

La réforme annoncée doit renforcer les Régions. C’est une bonne nouvelle. Plus que la taille, c’est avant tout leur capacité limitée à agir qui handicape nos territoires aujourd’hui. Contrairement à leurs homologues du nord de l’Europe, les Régions françaises ne représentent qu’à peine 2 % de la dépense publique nationale. Elles doivent demain pouvoir bénéficier de plus de moyens et d’autonomie dans quelques domaines précis, décisifs pour l’avenir de la France : emploi, formation, soutien aux entreprises, à la recherche, transition énergétique, aménagement durable du territoire, rayonnement. Les redondances avec les services déconcentrés de l’État doivent être supprimées.

La question du découpage régional se pose naturellement. L’organisation actuelle date du siècle dernier, elle ne correspond plus nécessairement aux bassins de vie et d’emploi. Il faut donc aborder cette question franchement et sérieusement, c’est-à-dire sans tabou, sans démagogie, sans hypocrisie.

Sans tabou parce que seul doit compter l’intérêt général. Pour ma part, pratiquant le non-cumul, j’ai toujours considéré que la politique n’est pas et ne doit pas être un « métier ». Depuis longtemps, la Haute-Normandie est l’un des meilleurs élèves en matière de coopérations intra et interrégionales : mutualisation avec les Départements (le « 276 », démarche unique en France), la Basse-Normandie mais aussi la Picardie, le Centre, l’Ile-de-France dans le cadre du développement de la vallée de la Seine que nous portons. Les projets n’ont que faire des frontières administratives et c’est tant mieux.

Sans démagogie, parce qu’il ne serait pas exact de croire que réduire le nombre de Régions diminuerait automatiquement la dépense publique. Les Régions représentent seulement 0,9 % de la dette publique nationale, 0,07 % du déficit public et 6 % des impôts locaux. La part des agents régionaux n’est que de 4 % de l’ensemble des collectivités. Là encore, pas de langue de bois : il y a en France 22 régions métropolitaines mais 100 départements, près de 240 sous-préfectures, plus de 36 000 communes, 2 500 communautés de communes, 15 000 syndicats… N’oublions pas non plus que les Régions sont le premier soutien public local à l’économie réelle. Plus de 50 % de leurs dépenses sont consacrées à l’investissement et près de 70 % correspondent à des services publics de proximité, des dépenses d’intervention directement reversées aux PME, aux salariés en formation, aux établissements d’enseignement supérieur, aux associations. Attention à ne pas casser ce qui fonctionne.

Sans hypocrisie enfin, parce qu’il faut être clair sur l’essentiel et ne pas esquiver les questions qui fâchent : quelle capitale régionale ? Quel projet commun ? Quelles mutualisations, quelles conséquences sur les services publics de proximité auxquels je suis très attaché, notamment en milieu rural ? Quel impact sur la fiscalité ? Ces sujets sont cruciaux. Moins de régions, d’accord mais à condition que cela ne se traduise pas par moins de services publics, moins d’investissement, plus d’impôts et plus de dette !

Alors que faire ? Le Premier ministre propose un découpage à onze régions, soit une dizaine de départements par région en moyenne. Haute et Basse-Normandie en totalisent cinq. Il faut donc penser grand et ne rien s’interdire. Fusionner avec l’Ile-de-France serait inopportun – Rouen, Le Havre, Dieppe ou Évreux n’ont pas vocation à devenir des banlieues de Paris. Avec nos amis Bas-Normands, nous avons en commun un nom connu dans le monde entier : la Normandie. C’est un atout précieux. Avec nos amis Picards, nous partageons un même bassin de vie (il y a plus de flux de personnes et de marchandises entre la Haute-Normandie et la Somme ou l’Oise qu’avec la Basse-Normandie), un tissu industriel d’excellence autour des biomatériaux, du flaconnage de luxe, de l’éolien onshore et offshore.

Haute-Normandie, Basse-Normandie, Picardie : il y a là une base solide pour bâtir, autour de la vallée de la Seine, entre le Nord et l’Ouest, une grande Eco-Région attractive, dotée d’un patrimoine exceptionnel, tournée vers les énergies, la mer, la transition écologique, l’industrie durable. Elle permettrait de peser dans les débats sur le Grand Paris, l’organisation des transports vers l’ouest francilien. De faire du Canal Seine-Nord une opportunité pour nos ports de Rouen et du Havre, et non une menace. De disposer de deux grands aéroports à Beauvais et Deauville et de mettre fin aux concurrences stériles qu’entretiennent d’autres localités.

Quant à la capitale, la loi de décentralisation du 19 décembre 2013 lève toute ambiguïté : il n’y a qu’une métropole entre Lille et Rennes, c’est la métropole rouennaise. Notre capitale régionale doit le rester.

Attention cependant ! La fusion implique que les Régions fassent des efforts, elles y sont disposées. Mais cela ne peut pas être un chèque en blanc. En contrepartie l’État doit traduire en actes ses engagements, concrètement, rapidement et précisément, sur le financement des grands projets que les Haut-Normands attendent depuis tant d’années : Ligne Nouvelle Paris-Normandie, contournement Est de Rouen, ligne Serqueux-Gisors, investissements pour la vallée de la Seine. Il faut être ferme, car ce sont des enjeux stratégiques.

En France, on ne se marie ni sur catalogue ni sur ordonnance. Mon rôle de Président de Région, c’est de défendre l’intérêt général et celui des Haut-Normands. La réforme territoriale est un sujet sérieux qui nous engage durablement. Un sujet sérieux, il faut l’étudier sérieusement. Sans tabou, sans démagogie, sans hypocrisie, en prenant le temps de la concertation – un référendum serait évidemment indispensable – et en mettant tout sur la table. Ne cachons pas la poussière sous le tapis. Pour ma part, les choses sont claires. Si l’État s’engage sur nos projets structurants, une grande Eco-Région autour de la vallée de la Seine, d’Avranches jusqu’à la Baie de Somme, avec pour capitale la métropole rouennaise, a du sens. J’y suis prêt. Je la propose. »

Nicolas Mayer-Rossignol est le président PS du conseil régional de Haute-Normandie

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