De nombreux pays élaborent des outils visant à en finir avec l’hégémonie du PIB sur la mesure du développement économique. On voit ainsi les parlements légiférer sur la publication de rapports annuels destinés à évaluer la qualité de la croissance, tandis que les gouvernements eux-mêmes échafaudent des tableaux de bord de divers types.
En France, la loi définitivement adoptée le 2 avril, institue la remise annuelle d’un rapport du gouvernement, débattu au Parlement avec le projet de loi de finances, qui devra présenter l’évolution d’indicateurs d’inégalités, de qualité de vie et de développement durable. Il devra également évaluer l’impact des réformes passées et en cours, à l’aune de ces indicateurs. Volontairement, la loi ne donne pas les indicateurs retenus, ces derniers devant être déterminés par le débat citoyen.
La crise économique et financière de 2008 a remis à l’ordre du jour les interrogations sur la finalité de la croissance. Au début des années 1970, le Club de Rome alertait sur « les limites à la croissance » : au-delà de la seule augmentation du PIB, comment être certain qu’une société progresse sur le long terme ?
D’après la commission Brundtland (1987), le développement d’une économie est dit soutenable quand il est capable de répondre aux besoins d’une population et de transmettre aux générations futures les ressources nécessaires pour satisfaire leurs propres besoins. Ainsi, pour viser une croissance « soutenable », il est nécessaire de prendre en compte le legs social, environnemental et productif que nous ferons aux générations suivantes.
Les indicateurs peuvent être présentés sous forme d’un tableau de bord regroupant plusieurs indicateurs distincts et adaptés à chacune des dimensions de la soutenabilité ou sous forme d’un indicateur agrégé ,synthétique ou composite, qui rassemble toutes les dimensions retenues, pondérées ou non, monétarisées ou non, en une seule statistique (piB vert, épargne nette ajustée, indicateur de développement humain, indice du bien-être économique soutenable, empreinte écologique, empreinte carbone, etc)
Les indicateurs agrégés ont l’avantage d’être rapidement lisibles et de répondre à une forte demande médiatique et politique pour un « concurrent » au piB reflétant la soutenabilité.tc.).
À l’inverse, les tableaux de bord donnent une information plus fournie, et permettent de situer plus directement l’état des stocks en fonction de seuils critiques. ils soutiennent également plusieurs lectures, selon que l’on retient une conception forte ou faible de la soutenabilité.
En revanche, le message global est moins rapidement interprétable, surtout si le tableau de bord présente un grand nombre d’indicateurs.
Dans la lignée des conclusions de la commission Stiglitz-Sen-Fitoussi sur la mesure du progrès social, cette note de France Stratégie propose sept indicateurs susceptibles d’accompagner le PIB dans un tableau de bord de la qualité de la croissance française :
· l’évolution des stocks d’actifs, incorporels et physiques, du secteur productif ;
· la proportion de titulaires d’un diplôme supérieur au brevet des collèges parmi les 25 à 64 ans ;
· la proportion artificialisée du territoire national ;
· l’empreinte carbone française annuelle, importations incluses ;
· le rapport entre les revenus détenus par le cinquième le plus riche de la population et ceux détenus par le cinquième le plus pauvre ;
· la dette publique nette rapportée au PIB ;
· la dette extérieure nette rapportée au PIB.
Les sept indicateurs ne se substituent pas à la mesure du PIB mais la complète afin de mieux piloter la trajectoire d’une société vers une croissance soutenable.
Puisque les moyens budgétaires que nous pouvons consacrer aux objectifs sont limités, des arbitrages seront nécessaires pour déterminer les trajectoires que nous allons suivre dans les années à venir.
Un débat public doit s’ouvrir, à la fois sur la sélection des indicateurs de soutenabilité mais aussi sur les seuils de référence dans les domaines socioéconomiques, deux dimensions qui sont autant de choix de société.
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