La récente révélation sur un fichier de données, les “Panama papers”, contenant des données sur le monde opaque des paradis fiscaux et un certain nombre de personnalités associées, représente sans doute la plus grosse fuite d’information de l’histoire.
Tout a commencé quand une source anonyme fournit, il y a plusieurs mois à la rédaction du journal allemand Süddeutsche Zeitung, près de 11,5 millions de documents secrets provenant des archives de la société Mossack Fonseca, un cabinet panaméen tentaculaire spécialisé dans la domiciliation de sociétés offshore. 107 rédactions de journaux dans 76 pays, dont Le Monde pour la France, se sont alors attelées à traiter cette immense base de données pour parvenir aux récentes révélations .
Ces données, dont certaines portent sur des malversations liées à l’opacité du système, impliquent directement des chefs d’État (dont six en exercice), des hommes politiques et hauts fonctionnaires, et toutes sortes de personnalités.
Ces événements éclairent le fonctionnement de nos démocraties
On doit d’abord se réjouir du travail important des médias, et de leur apport à la vie démocratique , en cette circonstance
Il faut bien sûr rester prudent sur la nature des faits qui peuvent être reprochés aux personnes figurant dans les documents ; la présomption d’innocence doit rester la règle .Toutes ces sociétés offshores ne sont pas illégales même si une grande majorité d’entre elles sont utilisées comme des ‘sociétés écran’, permettant de placer des liquidités non déclarées ou pour dissimuler l’identité de leurs propriétaires réels. La cohabitation d’argent sale et d’argent propre, fait d’ailleurs parti des difficultés à éradiquer certaines pratiques.
Le Panama est l’un des centres financiers les plus opaques de la planète, considéré comme une plaque tournante du blanchiment, où vient se recycler l’argent du crime et de la fraude. Libération rappelle que “malgré des pressions diplomatiques en provenance du G20 ou de l’OCDE, le pays fait partie des quatre derniers récalcitrants à se soustraire à l’échange systématique de données fiscales, comme le font désormais la Suisse, Singapour ou les îles Vierges britanniques”.
La démission du Premier ministre islandais, qui possédait, avec sa femme, une entreprise domiciliée dans les îles Vierges britanniques , non mentionné dans sa déclaration de patrimoine, au moment où il est entré au Parlement, n’est qu’un des tout premiers rebondissements d’une affaire qui en appellera d’autres !
Dans la campagne sur le Brexit au Royaume-Uni, ces informations portent un coup douloureux à Cameron . Certaines banques en Allemagne ont également déjà été sanctionnées, mais Angela Merkel veut en profiter pour vérifier si la loi pénale est suffisante . Le parquet espagnol quant à lui a ouvert également une enquête pour blanchiment d’argent contre le cabinet d’avocats panaméen mis en cause dans ce scandale.
La décision de Bercy de réinscrire le Panama sur la liste noire de la France, n’est qu’un autre rebondissement d’une affaire qui en appellera d’autres ! La France avait retiré le Panama de sa liste de territoires non coopératifs le 1er janvier 2012, après la signature d’une convention avec les autorités panaméennes sur la lutte contre l’évasion fiscale.
Quels sont les Etats que l’Union européenne considère comme des paradis fiscaux ? En juin 2015, la Commission européenne publiait pour la première fois une liste noire de 30 pays considérés comme des paradis fiscaux. En décembre 2015, la Commission européenne a mis à jour sa “liste noire” des “juridictions fiscales non coopératives de pays tiers”, dans le cadre du Paquet de mesures de lutte contre l’évasion fiscale publié par la Commission le 28 Janvier 2016 .
A la demande de la Commission européenne, chaque Etat membre de l’UE a ainsi pointé les pays tiers qu’il considère comme les plus déviants en matière de coopération fiscale (transparence, échange d’information et absence de concurrence déloyale). C’est à partir de ces listes nationales qu’a été établi la liste noire paneuropéene .
Une Plateforme chargée de la bonne gouvernance fiscale assiste la Commission pour le développement d’initiatives destinées à promouvoir la bonne gouvernance en matière fiscale dans les pays tiers, contrer la planification fiscale agressive, identifier et remédier aux situations de double imposition.
A terme, la Commission européenne souhaiterait remplacer cette compilation par une seule liste de l’Union, d’ici à début 2019. Trop de pays de l’UE n’ont pas transmis de liste à la Commission européenne comme l’ Allemagne, Autriche, le Danemark, la Hongrie, l’Irlande’ Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Suède….
L’exaspération est d’autant plus forte en ces périodes difficiles, d’inégalités croissantes , que ces pratiques montrent qu’un autre monde est possible : le début d’un changement ?
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