José Manuel Barroso, dernier Président de la Commission non élu et désigné par ses pairs vient de rejoindre Goldman Sachs en qualité de Président non exécutif pour conseiller cette banque sur la meilleure manière de conserver son passeport européen dans la tourmente du Brexit.
Sur le papier, rien à dire. Les règles anti-pantouflage ne courent que pendant les 18 mois suivant la fin du mandat des commissaires. Mais le cas est un peu fort: Goldman Sachs a été au cœur du système des subprimes qui a débouché sur la crise actuelle et a aidé la Grèce à camoufler sa dette, tout en spéculant sur celle-ci. Or Barroso a été avant la crise l’un des plus grands défenseur d’une industrie financière peu régulée en Europe. Et quand la crise a mis à nu les problèmes posés par ce secteur, il a fait preuve d’un manque d’empressement certain pour y remédier, freinant puis arrêtant les propositions de Michel Barnier, Commissaire au marché intérieur.
On peut donc avoir des craintes de deux ordres, comme souvent dans de tels cas. Pour le passé, l’indulgence particulière de M. Barroso pour le secteur financier ne risque-t-elle pas rétrospectivement d’être lue comme intéressée par des perspectives de carrière ultérieures? Et pour le futur, M. Barroso se limitera-t-il à fournir des conseils tirés de sa grande expérience ou bien sera-t-il lobbyiste au profit de Goldman Sachs? Cette situation est extrêmement difficile à accepter de la part d’un responsable d’un tel niveau.
L’article 245 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne permet de prendre en compte cette situation parfaitement exceptionnelle.
Article 245
Les membres de la Commission s’abstiennent de tout acte incompatible avec le caractère de leurs fonctions. Les États membres respectent leur indépendance et ne cherchent pas à les influencer dans l’exécution de leur tâche.
Les membres de la Commission ne peuvent, pendant la durée de leurs fonctions, exercer aucune autre activité professionnelle, rémunérée ou non. Ils prennent, lors de leur installation, l’engagement solennel de respecter, pendant la durée de leurs fonctions et après la cessation de celles-ci, les obligations découlant de leur charge, notamment les devoirs d’honnêteté et de délicatesse quant à l’acceptation, après cette cessation, de certaines fonctions ou de certains avantages. En cas de violation de ces obligations, la Cour de justice, saisie par le Conseil, statuant à la majorité simple, ou par la Commission, peut, selon le cas, prononcer la démission d’office dans les conditions de l’article 247 ou la déchéance du droit à pension de l’intéressé ou d’autres avantages en tenant lieu.
M. Barroso perçoit de l’Union européenne une pension destinée à lui éviter toute tentation néfaste. Il semble dans les circonstances présentes mettant en doute sa loyauté et sa délicatesse que celle-ci ne devrait plus lui être versée.
Dans le contexte actuel de la finance européenne, cette nomination est choquante. De tels comportements sont contraires à l’éthique qui doit guider les responsables politiques et doivent conduire à des sanctions.
Sauvons l’Europe a examiné comment mettre en place la procédure de l’article 245 et a saisi du projet de déclaration écrite suivant, pour une saisine de la Cour de justice et la déchéance de ses avantages financiers européens.
Déclaration écrite sur la mise en œuvre de l’article 245 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne à l’encontre de la prise d’activité de M. José Manuel Barroso au sein de la banque Goldman Sachs
Le Parlement européen,
– vu l’article 123 de son règlement,
A. considérant que l’Union Européenne se doit de présenter des standards de transparence et d’éthique de haut niveau,
B. considérant que les membres de la Commission, au cours et à l’issue de leurs fonctions, sont tenus de se conduire avec honnêteté et délicatesse,
C. considérant que la prise d’activités postérieure à des fonctions au sein du collège des commissaires fait à juste titre l’objet d’un contrôle, afin de pouvoir à la fois limiter les risques de conflit d’intérêts et répondre publiquement de l’honnêteté des commissaires dans la conduite de leurs missions ,
D. considérant que le Code de conduite impose des règles utiles en la matière, mais qui ne sauraient par elles-mêmes épuiser les obligations d’honnêteté et de délicatesse qui incombent à un membre de la Commission et que des cas exceptionnels peuvent requérir un examen particulier,
E. considérant que l’article 245 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne prévoit que la Cour de justice est compétente pour estimer, au delà des règles posées par le Code de conduite, si un Commissaire enfreint ses devoirs d’honnêteté et de délicatesse,
F. considérant que M. José Manuel Barroso a annoncé rejoindre la banque Goldman Sachs en qualité de Président non exécutif,
G. considérant que la banque Goldman Sachs est un acteur majeur du secteur financier européen, que M. José Manuel Barroso s’est en tant que Président de la Commission fortement investi dans la réforme de la régulation du secteur financier européen,
H. considérant que cette situation est de nature à créer des interrogations sur l’action passée de la Commission dans le secteur des services financiers, qu’en outre M. José Manuel Barroso conserve personnellement une influence certaine auprès des institutions européennes dont il ne semble pas adéquat qu’un acteur privé de cette importance puisse bénéficier, en particulier dans le contexte exceptionnel des incertitudes entourant la place financière de Londres ;
1. appelle M. Jose Manuel Barroso à renoncer à cette activité ;
2. considère dans le cas contraire qu’il appartient à la Cour de justice d’apprécier si les activités de M. José Manuel Barroso auprès de la banque Goldman Sachs constituent une violation de ses devoirs d’honnêteté et de délicatesse et le cas échéant de déterminer les conséquences qui doivent en découler au regard de ses droits à pension ou d’autres avantages en tenant lieu ;
3. demande à la Commission et au Conseil de saisir la Cour de justice de cette situation conformément à l’article 245 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne ;
4. demande à la Commission d’apporter un soin particulier au suivi des activités de M. José Manuel Barroso au bénéfice de la banque Goldman Sachs dans ses relations avec les institutions européennes ;
5. demande à la Commission de réaliser d’ici à fin 2017 un rapport public sur les activités des membres de la Commission à l’issue de leurs mandats et sur l’adéquation des règles actuelles du Code de conduite au regard des situations relevées ;
6. charge son Président de transmettre la présente déclaration, accompagnée du nom des signataires, à la Commission, au Conseil, aux États membres de l’Union européenne et à leurs parlements.
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