Le Brexit a mis sur le devant de la scène la question de la sortie de l’ Europe : qu’en serait-il d’un Frexit ? Par ailleurs l’Europe est souvent le bouc émissaire de tous nos maux : alors, dirons certains, pourquoi ne pas en sortir ? A l’évidence la campagne des Présidentielles mettra cette question sur le devant de la scène de façon plus ou moins cachée pour ne pas effrayer, ou en évoquer toutes les conséquences. Alors je soumets à votre lecture ce texte court de Guillaume Duval , publié dans Alternatives économiques, n°361 d’octobre 2016.
« Perte d’influence politique et de débouchés économiques, austérité renforcée…, une sortie de la France de l’Union fragiliserait aussi bien l’Europe que l’Hexagone.
Que se passerait-il si la France quittait à son tour l’Union européenne ? Pour l’heure, la question reste théorique : suite au référendum britannique, une seule force politique – le Front national – a fait part de son intention d’organiser un tel référendum. Examinons cependant cette hypothèse.
Tout d’abord, pour l’Union elle-même, la sortie de la France aurait des conséquences beaucoup plus lourdes que celle du Royaume-Uni : le départ d’un des six pays fondateurs et de la deuxième économie des Vingt-Sept sonnerait très probablement le glas de l’Union. Il ferait donc retomber le Vieux Continent dans les affres de son passé pré-traité de Rome.
Cela ne prendrait pas nécessairement la forme de conflits ouverts dans l’immédiat, mais ferait à coup sûr disparaître l’Europe de la carte d’un monde dominé par des ensembles comme la Chine et l’Inde (1,3 milliard d’habitants chacune), les Etats-Unis (320 millions), le Brésil (200 millions) ou la Russie (145 millions), en attendant le Nigeria (175 millions) ou l’Indonésie (250 millions).
Isolé, aucun des Etats européens n’aurait plus, à terme, son mot à dire sur le commerce international, le changement climatique ou encore la régulation financière. A contrario, l’Europe deviendrait plus que jamais le terrain de jeu de ces grandes puissances.
Pour la France elle-même, un départ de l’Union serait encore plus hasardeux que pour le Royaume-Uni. Tout d’abord, le risque existe, comme pour les Britanniques, que nos exportations vers le reste de l’Europe soient soumises à des droits de douane ou à d’autres formes de barrières non tarifaires ; que les investissements de nos entreprises dans d’autres pays d’Europe soient pénalisés ; ou encore que les entreprises qui avaient choisi de se localiser en France pour leurs activités en Europe continentale partent ailleurs. Pour contrer ces effets, il faudrait probablement aller plus loin encore dans la diminution des impôts pesant sur les entreprises.
La France devrait aussi abandonner l’euro, ce qui n’est pas le cas du Royaume-Uni. Il faudrait donc introduire une nouvelle monnaie, tâche qui n’est jamais aisée. Cela se traduirait à coup sûr par une forte hausse des taux d’intérêt auxquels les investisseurs prêteraient à l’économie française, faute d’être sûrs de la qualité de cette nouvelle monnaie. Ce qui freinerait sensiblement l’activité.
Il faudrait aussi fixer le taux de change de cette monnaie par rapport à l’ex-euro. Les tenants du Frexit souhaitent en général une forte dépréciation afin de doper les exportations. Mais cela signifie que, du jour au lendemain, l’essence ou les smartphones coûteront 20 % plus chers aux Français. Autrement dit, ils perdront massivement en pouvoir d’achat et subiront une austérité sans commune mesure avec celle qu’on déplore aujourd’hui.
D’autant que se posera également la question de la dette, aujourd’hui détenue aux deux tiers par des non-résidents. Si on lui conserve sa valeur tout en dévaluant la nouvelle monnaie, cette dette pèsera encore plus lourd sur l’économie hexagonale : avec un nouveau franc dévalué de 20 % par rapport à l’euro, au lieu d’avoir une dette publique à 95 % du PIB, on en aurait une dorénavant à 115 %…
Et si on résout le problème en répudiant une partie de cette dette, la France ne pourra plus avoir recours aux marchés internationaux, alors qu’actuellement, on consomme plus de biens et de services en France qu’on en produit. D’où, là encore, un serrage de ceinture violent pour les Français. Bref, il faut beaucoup d’imagination pour trouver des avantages à un Frexit… »
Commentaires récents