La défiance populaire à l’égard des élites est aujourd’hui très vive et nourrit les discours et les votes populistes. Cette défiance, qui a des effets délétères sur notre démocratie, est alimenté par des dysfonctionnements réels qu’il convient de ne pas nier. Un traitement inadéquat de la question des conflits d’intérêts est l’une des racines profondes de cette défiance – d’où le titre présent rapport de Terra Nova : Les conflits d’intérêts, nouvelle frontière de la démocratie
Les conflits d’intérêts peuvent être sommairement définis comme des situations dans lesquelles une personne chargée de défendre un intérêt (intérêt particulier ou intérêt général) est en situation, ou peut-être soupçonnée d’être en situation, d’abuser de sa position afin de défendre un autre intérêt.
Les conflits d’intérêts sont inhérents à la vie en société : ils existent dans tous les champs économiques et sociaux et à tous les niveaux hiérarchiques. Ce rapport, s’intéresse singulièrement à ceux qui affaiblissent notre démocratie et la confiance dans nos institutions.
Les réponses à apporter doivent être d’autant plus exigeantes que les individus sont en position de responsabilité à l’égard de la collectivité et que les « coûts » sociaux des conflits d’intérêts non traités sont lourds, notamment en termes notamment de délégitimation des institutions démocratiques. Ces propositions visent à apporter une pierre à la refondation de la vie démocratique.
Les analyses dans trois champs particuliers, ont été choisies du fait de leur importance symbolique, économique et/ou de leur incidence sur la vie des citoyens. Il s’agit de la vie publique au sens large, de la banque et de la santé.
Ces secteurs sont structurellement générateurs de conflits d’intérêts, situation renforcée par le fait que les acteurs décisionnaires y ont souvent des trajectoires professionnelles qui s’inscrivent synchroniquement ou diachroniquement à la fois dans les sphères publique et privée. Cette approche structurelle des conflits d’intérêts ne nie pas la complexité des situations, ni l’imbrication nécessaire des champs public et privé, et les solutions préconisées ne sont donc pas duales, ou manichéennes. Il est envisagé au contraire une gradation qui va de l’incompatibilité – ou interdiction pure et simple – d’une double position potentiellement conflictuelle, conduisant alors à l’élimination du conflit d’intérêts, à des dispositifs de régulation beaucoup plus fins. La modulation de ces propositions prend comme critère la gravité du risque à conjurer.
Proposition 1 : Renforcer les incompatibilités pour les membres du Gouvernement
Proposition 2 : Le mandat parlementaire doit être incompatible avec tout autre mandat électif, voire avec toute autre fonction, y compris privée.
Proposition 3 : Interdire l’embauche discrétionnaire par un parlementaire d’un parent ou d’un conjoint comme collaborateur
Proposition 4 : La séparation des activités de dépôt et de marché dans le secteur bancaire
Proposition 5 : Transparence totale sur les allers retours entre les secteurs publics et privés,
Proposition 6 : Développer un enseignement relatif aux conflits d’intérêts dans les secteurs qui sont particulièrement exposés à ces derniers.
Proposition 7 : Instaurer des référents déontologiques de façon plus systématique au sein de toutes les institutions où la question peut se poser,
Proposition 8 : Contribuer au développement d’une culture des conflits d’intérêts
Proposition 9 : Rendre plus transparent et pluraliste le contrôle de certaines nominations,
Proposition 10 : L’interdiction de principe du cumul de l’emploi de fonctionnaire avec une activité privée lucrative existe et doit être renforcée : l’activité “accessoire” doit le rester et le principe de compatibilité doit être contrôle effectivement
Proposition 11 : Il serait illusoire de vouloir empêcher le lobbying ; il serait donc pertinent d’organiser un contre-lobbying
Proposition 12 : il faut mieux représenter les intérêts de la société civile dans les comités d’experts, quels que soient les Secteurs
Proposition 13 : limiter dans le temps les allers et retours entre entreprises publiques et privées , et remettre en cause la possibilité pour ces fonctionnaires de réintégrer la fonction publique.
Proposition 14 : Imposer des délais de viduité suffisamment longs entre les fonctions privées et publiques quand elles s’inscrivent dans le même « secteur »
Proposition 15 : inscrire dans les devoirs inhérents à une fonction ou à une mission le fait de rendre compte rétrospectivement des actes accomplis dans cette dernière
Proposition 16 : renforcer le pouvoir de saisine des juridictions pénales et favoriser la sanction pénale effective des comportements intentionnels
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