Le nouveau puzzle politique français après les élections : Décomposition, recomposition ou révolution ?

Décomposition, recomposition ou révolution : comment analyser l’ampleur du changement que le pays a vécu lors de cette séquence électorale hors norme ? Quelles sont les nouvelles géographies des votes ? Hervé Le Bras et Jérôme Fourquet y répondent pour la Fondation Jean Jaurès, avec un décryptage en profondeur des plus récentes données, mettant au jour le paysage électoral qui se dessine.

Ils procèdent dans ce livre à un examen en profondeur des primaires et de l’élection présidentielle de 2017 à grande comme à petite échelle territoriale.

Le point de départ de ce chamboulement politique hors norme a été la crainte d’un score voisin de 30 % pour Marine Le Pen après les 28,5 % de son parti aux dernières élections régionales en 2015. Dès lors, pour avoir une chance de figurer au second tour, la droite comme la gauche ne pouvaient que présenter un seul candidat, d’où l’organisation des primaires.

Celle de la droite et du centre, qui rassemblait l’UDI et les LR, semblait capable d’assurer la victoire au vainqueur. Celles de la gauche était plus mal partie, coincée entre le dynamisme du mouvement En marche ! et celui de La France insoumise.

La logique des primaires pousse à choisir un candidat qui rassemble sa tendance, donc qui en incarne l’idéal, voire la pureté. Ce fut le cas de François Fillon comme de Benoît Hamon.

L’inconvénient est d’ouvrir un large espace au centre vers lequel convergeront la gauche de la droite et la droite de la gauche, ce qui s’est produit.

On reconstitue en effet presque exactement le vote en faveur d’Emmanuel Macron au premier tour, commune par commune, en additionnant les scores du centre droit, donc de François Bayrou en 2012, et du centre gauche, donc de la moitié des scores de François Hollande à la même date. On peut alors parler de la stabilité de l’opinion, contrainte de s’adapter à une offre électorale décalée. Par rapport à cette reconfiguration, la seule différence importante est le succès plus fort qu’attendu d’Emmanuel Macron dans les grandes villes, celles qui dominent économiquement, administrativement et culturellement un vaste territoire.

Face à Emmanuel Macron, avec une géographie qui en est pratiquement l’inverse dès le premier tour, Marine Le Pen aligne les constantes du vote FN. L’analyse fine des sondages et de la répartition géographique montre qu’on ne peut pas se contenter d’expliquer le score de l’extrême droite par la présence des classes populaires et par la localisation en périphérie. Le livre montre l’importance de la dimension urbaine parallèlement à l’éloignement des métropoles : au plus loin d’elles, on ne vote pas plus FN que la moyenne, sauf dans les plus petites communes. Surtout, les différences régionales s’accusent encore un peu plus que lors des précédentes élections, opposant deux France. Maintes données montrent que l’une, plus optimiste, plus proche de ses racines paysannes, plus favorisée par la plupart des indicateurs économiques et sociaux, plus solidaire localement, penche pour Emmanuel Macron, l’autre pour Marine Le Pen.

L’opposition frontale entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen que l’on peut assimiler à l’ouverture contre la fermeture ou à la globalisation face au nationalisme relègue au second plan une opposition de classe plus traditionnelle entre la droite et la gauche. Effectivement, la cartographie du vote Fillon qui provient largement des classes aisées est presque l’inverse de celle du vote Mélenchon qui s’adresse aux classes populaires. Le résultat du premier tour prend ainsi une tournure symbolique forte en reléguant l’opposition habituelle des classes sociales derrière une opposition quant au positionnement de la France dans le monde. Même si les déboires de François Fillon ont pesé dans la balance, notamment en renforçant la candidature de Nicolas Dupont-Aignan qui s’adressait à un électorat voisin, l’élection s’est donc jouée sur une scène plus large, plus politique que socio-économique.

François Fillon et la droite, on le sait, n’ont pas été les seuls perdants dans cette affaire. Le vote socialiste qui avait choisi comme candidat Benoît Hamon a littéralement fondu. L’analyse précise de l’évolution et de la géographie des scores de Benoît Hamon et de Jean-Luc Mélenchon entre le début de la campagne en février et le premier tour montre la similitude de leur électorat et donc le siphonage de l’un par l’autre.

Une fois le premier tour passé, la dynamique du second tour reprend exactement l’opposition du premier tour entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen. L’ouvrage montre que les reports des votes du premier tour ont un lien précis avec la question européenne. Ils ont été d’autant plus en faveur d’Emmanuel Macron que les communes, les villes et les régions avaient plus voté « oui » au référendum de Maastricht comme à celui de 2005. L’altercation violente sur l’euro au cours du débat du second tour a sans doute illustré l’importance de la question européenne que la campagne n’avait pas mise autant en exergue.

Qu’il s’agisse de larges différences régionales, ou d’analyse fine, commune par commune, par exemple des résultats électoraux des vignobles bourguignons et alsaciens, de ceux de la frontière luxembourgeoise, de la côte vendéenne et de son intérieur, l’ouvrage met en scène, ce qui n’est pas une révolution du point de vue des comportements des électeurs, mais une profonde transformation des enjeux politiques suscitée par un enchaînement de circonstances, logique et presque diabolique.

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AU SOMMAIRE ; Introduction; Primaires mais complexes; Géographie du vote Macron; La résistible ascension de Marine Le Pen; François Fillon ou le déclin de l’opposition droite-gauche ?; La gauche éparpillée; Nicolas Dupont-Aignan : le plus grand des petits candidats; Les dynamiques de second tour; Un vote politique ou social ?; Politique et anthropologie; Conclusion

 

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1 Commentaire

  1. Décomposition. ….
    Décomposition depuis de nombreuses années par l’inaction d’une classe politique constituée d’incapables qui ont pour seul objectif leur intérêt propre et qui va s’accélérant avec un jeune président qui n’a pas le niveau.
    Je ne range pas Guillaume Bachelay et quelques uns peu nombreux dans cette catégorie.
    Il a eu tellement de soutiens de personnes rendues aveugles par son illusionnisme et les Français ont suivi bêtement sans la moindre analyse.
    Bref : chance innouie et opportunisme ou inversement.

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