Un récent sondage pour le compte de la délégation interministérielle à la langue française pour la cohésion sociale, indique que l’illettrisme touche 1,5 million de personnes en emploi et c’est un phénomène sous-estimé, les correctifs font défaut : des chiffres à méditer alors que se prépare la réforme de la formation professionnelle!
Emmanuel Macron avait choqué en évoquant ce sujet et en affirmant que beaucoup de femmes salariées dans l’entreprise Gad étaient “illettrées”. Pourtant ce phénomène est encore trop souvent tabou, même s’il a été grande cause nationale en 2013
En 1977 le père Joseph Wresinski, fondateur d’ ATD Quart Monde est l’inventeur du mot, que l’on retrouve dans le rapport moral , publié en 1978[]. Le mot est préféré à celui d’« analphabétisme », jugé péjoratif,
En 2003, l’Agence Nationale Contre l’Illettrisme (ANCI) reformule la définition : « L’illettrisme qualifie la situation de personnes de plus de 16 ans qui, bien qu’ayant été scolarisées, ne parviennent pas à lire et comprendre un texte portant sur des situations de leur vie quotidienne, et/ou ne parviennent pas à écrire pour transmettre des informations simples. Pour certaines personnes, ces difficultés en lecture et écriture peuvent se combiner, à des degrés divers, avec une insuffisante maîtrise d’autres compétences de base comme la communication orale, le raisonnement logique, la compréhension et l’utilisation des nombres et des opérations, la prise de repères dans l’espace et dans le temps, etc. » Malgré ces déficits, les personnes en situation d’illettrisme ont acquis de l’expérience, une culture et un capital de compétences… D’autres se trouvent dans des situations d’exclusion où l’illettrisme se conjugue avec d’autres facteurs. »
Pour l’ANCI, 7% des Français de 15 à 65 ans concernés, soit 2,5 millions de personnes dont 1,5 a un emploi; 10% dans l’agroalimentaire, 8% dans l’agriculture et l’industrie, 5% dans le commerce; 9% des hommes, 6% des femmes et 10% des chômeurs; 53% ont plus de 45 ans et 4% entre 18-25 ans; 90% ne vivent pas dans les quartiers ciblés par la politique de la ville mais en zone rurale…
Thierry Lepaon, l’ex-secrétaire général de la CGT , qui avait été nommé à l’automne 2016 par Manuel Valls délégué interministériel à la langue française pour la cohésion sociale, est à l’origine de ce sondage réalisé par CSA Research pour tenter de mesurer «la perception de l’illettrisme dans le monde du travail».
Ses résultats, à partir d’un échantillon de 600 entreprises privées et administrations publiques représentatives des secteurs identifiés : agriculture, industrie, BTP/construction, Hôtellerie et restauration, Entretien et nettoyage, Services à la personne, fonctions publique territoriale et hospitalière, soit au total la moitié des personnes actives, sont éclairants :
– 51% des organisations interrogées ont déjà été confrontées à des salariés ou des agents qui avaient des difficultés à lire et écrire. Soit la moitié des entreprises et administrations publiques en France! Le taux grimpe même à 68% dans les organisations de 50 employés ou plus, et 67% dans le secteur de l’entretien et nettoyage.
– 57% des répondants jugent que ces difficultés à lire et écrire constituent un risque professionnel pour la santé physique des salariés (68% dans le BTP) et 69% pour leur santé psychologique (82% dans les administrations publiques).
– 27% des organisations sondées jugent que l’absence de compréhension des consignes écrites (23% pour les consignes orales) en français pose régulièrement un problème pour le bon fonctionnement de l’entreprise ou de l’administration.
– 25% des entreprises et administrations publiques jugent que l’utilisation des outils numériques (navigation sur internet, usage de logiciels de base comme le traitement de texte…), de plus en plus régulière et fréquente, y compris pour des métiers peu ou pas qualifiés, pose aussi un problème pour leurs salariés et agents illettrés. Ce taux grimpe même à 48% pour les administrations publiques et 38% dans les seuls Services à la personne.
– Seules 14% des organisations répondantes ont toutefois mis en place des actions de repérage pour détecter les personnes ayant des difficultés à lire et écrire. Sans surprise, le secteur de l’Entretien et du nettoyage est à la pointe de la prévention (45%) et les entreprises de plus de 50 personnes (27%). Pour que les organisations se mobilisent, il faut que les situations se multiplient: 39% des entreprises et administrations publiques concernées à plusieurs reprises ont déployé un processus de repérage en interne.
– Et lorsque des actions de repérage sont lancées, elles le sont dans 83% des cas décidées par la direction de l’entreprise ou de l’administration, la DRH (60%) ou les managers (58%).
– Face à l’ampleur du phénomène, pas moins de 91% des entreprises et administrations considèrent que la lutte contre l’illettrisme est un enjeu important (39% qu’elle doit constituer une priorité à l’avenir et 52% que le sujet est important sans pour autant être une priorité).
– Pourtant, leurs décideurs ne sont que 38% à avoir été sensibilisés à la question de l’illettrisme, avec un gros déficit d’information pour les secteurs de l’agriculture et de l’hôtellerie/restauration (31% et 34%), comme pour les entreprises de moins de 10 salariés (29%). À l’inverse, les plus sensibilisés ont été les dirigeants des entreprises de plus de 50 personnes (58%) et du secteur de l’entretien/nettoyage (53%).
– Seuls 26% des décideurs de ces organisations sont toutefois capables de mesurer à peu près correctement l’ampleur de l’illettrisme dans le monde du travail, en estimant que le phénomène touche plus d’un million de personnes en France. 29% jugent qu’il concerne «quelques milliers» de salariés et agents, et 4% que «c’est marginal».
– Enfin pour 44% des répondants, ce sont les services de ressources humaines, devant les directions d’entreprise ou d’administration (32%) et la médecine du travail (27%), qui devraient intervenir prioritairement pour s’occuper des personnes ayant des difficultés à lire ou à écrire dans leur organisation.
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