Bien sur les mises à mort lors des corridas demeurent une pratique d’un autre âge ! Bien sur nous consommons trop de viande ! Bien sûr que l’abatage animal doit respecter des règles strictes ! Bien sûr que ceux qui exercent des violences sur les animaux le font généralement sur les humains ! Bien sûr que certaines pratiques de chasse ou certains braconnages doivent être condamnées ! Tout cela est vrai, mais l’expérimentation animale reste une pratique « indispensable pour comprendre, soigner, guérir ».
Et c’est pour cette raison que je soumets à votre lecture la tribune libre, parue dans libération, de plus de 400 chercheurs, dont Margaret Buckingham, médaille d’or du CNRS, José-Alain Sahel, membre de l’Académie des sciences, ou Jules Hoffmann, Nobel de médecine qui estiment que cette pratique reste un maillon indispensable pour comprendre, soigner, guérir.
« A coup de techniques de communication très contestables (vidéos volées, puis assemblées, propos coupés et déformés, slogans diffamatoires), certains groupuscules, déguisés en lanceurs d’alerte, remettent en cause les bases de la biologie avec un aplomb sidérant. Plus grave encore, ils bénéficient d’une écoute et de relais sans commune mesure avec ceux offerts aux scientifiques. A les écouter, les grands organismes de recherche recruteraient des chercheurs à bac + 15 pour qu’ils s’adonnent à de la vivisection, comme le faisait Claude Bernard au XIXe siècle.
Il existerait, selon ces nouveaux prophètes, d’extraordinaires méthodes alternatives à l’expérimentation animale qui répondraient à toutes les questions touchant au vivant : de l’étude de la vision aux maladies cardio-vasculaires en passant par la biologie du développement, le fonctionnement du cerveau, les essais vaccinaux ou l’origine des mécanismes tumoraux. Les modèles animaux ne serviraient à rien, si ce n’est à assouvir les pulsions mortifères de chercheurs sadiques. Ils ne produiraient même que des données trompeuses. Assez de ces caricatures !
Comment en sommes-nous arrivés là ? La communauté scientifique porte sa part de responsabilité. En refusant pendant longtemps de communiquer, elle a laissé le champ libre à ces affabulations. Tous les sondages relatifs à l’expérimentation animale révèlent une méconnaissance importante des Français sur l’encadrement réglementaire très strict et le recours aux différentes espèces animales utilisées. Pour près d’un tiers des personnes interrogées, il n’y aurait aucune réglementation, alors même que l’utilisation des animaux à des fins scientifiques est sans aucun doute un des secteurs les plus réglementés et les plus contrôlés. La directive européenne 2010/63, transposée en droit français le 1er février 2013, fixe même pour objectif final le remplacement total des procédures appliquées sur les animaux.
Sait-on qu’il est interdit, depuis 1986, d’utiliser un modèle animal s’il existe un modèle alternatif ? Et obligatoire, depuis 2013, de justifier le modèle utilisé auprès d’un comité d’éthique ainsi que le nombre d’animaux utilisés, dans le respect permanent de la règle des «3 R» («remplacer, réduire, raffiner») ? Que les projets utilisant des animaux doivent être autorisés par le ministère chargé de la Recherche ? Qu’il existe des structures de bien-être animal dans chaque établissement ? Que tous les personnels de la recherche doivent suivre des formations relatives à l’éthique, à la règle des 3 R et au bien-être animal ?
La recherche en 2017 n’a pas grand-chose à voir avec celle menée jusque dans les années 80. Les pratiques ont évolué, allant de pair avec l’évolution des connaissances et de la place de l’animal dans la société et notamment la meilleure compréhension de sa sensibilité (les animaux sont considérés comme des êtres sensibles depuis 1976 dans le code rural), avec un tournant depuis la transposition de la directive européenne 2010/63. D’un champ d’application encore limité, le remplacement total de procédures appliquées sur des animaux par des méthodes in vitro existe d’ores et déjà. Voilà plus de vingt ans qu’un modèle de peau artificielle a été développé pour tester l’innocuité d’une substance sur la peau. Mais son usage est limité : cette même peau artificielle, n’ayant ni vaisseaux sanguins, ni nerfs, ni vaisseaux lymphatiques, ni poils ne pourra, en aucune manière, être utilisée pour comprendre les mécanismes physiopathologiques d’une maladie auto-immune de l’épiderme ou d’un processus tumoral de la peau.
L’expérimentation animale n’est pas une discipline en soi, elle est un maillon encore indispensable d’une longue chaîne de méthodes expérimentales permettant de comprendre, soigner et guérir. Pour comprendre le fonctionnement du cerveau, des neuroscientifiques ont recours à des cultures cellulaires, des tissus sur lame, des modèles informatiques mais aussi au modèle animal le mieux adapté à leur questionnement, qui peut être une mouche drosophile, un ver, un poisson ou une souris.
Certaines études seront faites sur des personnes. Chaque étape isolée apporte une contribution limitée si elle n’est pas mise en perspective avec les autres. Chaque méthode apporte des informations indispensables que les autres ne peuvent fournir. La liste est longue des découvertes et progrès médicaux que nous devons aux modèles animaux (récompensés par 79 prix Nobel de médecine). Les préoccupations de nos concitoyens sur le bien-être animal et la justification des animaux utilisés en recherche sont légitimes. Il apparaît urgent de privilégier les échanges entre communauté scientifique, associations de malades et grand public. Encourageons la transparence sur les pratiques réelles et non fantasmées et couper court à ces campagnes diffamatoires insultantes envers les acteurs de la recherche et qui désinforment les citoyens. »
Commentaires récents