L’essor de la scolarisation des enfants de moins de cinq ans en France date des années 1960-1970. Le taux de scolarisation des enfants de deux ans est passé de 18 % à 36 % entre 1970 et 1980, celui de ceux de trois ans de 60 % à 90 %, selon le ministère de l’Education nationale. En 1990, tous les enfants de trois et quatre ans ou presque, sont scolarisés et le taux se maintient à 100 % pour cette tranche d’âge.
Pour les deux ans, l’évolution est différente, note le centre d’observation de la société. Entre 1980 et le début des années 2000, le taux s’est stabilisé à 36 %, puis on a assisté à un retour en arrière, ensuite, il a diminué jusque la fin des années 2010. Un enfant de deux ans sur dix est scolarisé à l’école maternelle, une proportion qui n’évolue plus depuis 2011.
L’évolution de la scolarisation des enfants de deux ans résulte de deux phénomènes. Le nombre de places d’accueil des très jeunes enfants (assistantes maternelles ou crèches), même s’il reste insuffisant, a augmenté. Une partie des familles ont opté pour ce type d’accueil et attendent la troisième année de l’enfant pour le scolariser. En même temps, nombre de parents qui auraient souhaité scolariser leur enfant n’ont pas pu le faire faute de place, pour une question de finances publiques.
A la fin des années 1990, les générations plus nombreuses nées à partir de 1994 sont arrivées sur les bancs de l’école : on est passé de 710 000 à 800 000 naissances années en 2010. Résultat, les plus petits doivent faire de la place pour éviter d’augmenter les effectifs enseignants.
Depuis 2010, la fécondité a à nouveau baissé et, en 2017, on a enregistré 728 000 naissances. Pour l’instant, ce phénomène n’a pas encore eu d’effet sur la scolarisation des plus jeunes, ni sur la taille des classes à l’école maternelle.
Reste à savoir si la scolarisation à deux ans est bonne ou mauvaise. Faut-il nécessairement scolariser les plus petits, et à partir de quel âge ? Entre deux et trois ans, énormément de choses changent dans le développement de l’enfant. Un enfant de deux ans et un enfant de deux ans et demi sont très différents ; deux enfants du même âge peuvent avoir des acquis très inégaux. Comme l’écrit le ministère « La scolarisation d’un enfant avant ses trois ans est une chance pour lui et sa famille lorsqu’elle correspond à ses besoins et se déroule dans des conditions adaptées » . Encore faudrait-il pouvoir disposer de ces « conditions adaptées ». La baisse récente des naissances ouvre une porte pour cela.
Il faut des conditions matérielles d’accueil, notamment pour la sieste : « La scolarisation des enfants de moins de trois ans nécessite un local adapté, ou une adaptation des locaux et un équipement en matériel spécifique, définis en accord avec la collectivité compétente. » écrit le ministère. Il faut aussi des enseignants formés à l’accueil des tout-petits, en nombre suffisant. L’effet de la taille des classes sur le niveau scolaire joue un rôle déterminant en matière de conditions d’accueil. En crèche, la loi impose au moins un éducateur pour huit enfants de deux ans, encadrement trois fois plus important qu’à l’école maternelle .
Le ministre de l’Education a annoncé que la scolarité allait être rendue obligatoire à trois ans. La question se poserait pour environ 20 000 enfants sur un total de 800 000. Pour la plupart, la déscolarisation est contrainte : il s’agit d’enfants vivant dans des situations de grande précarité, dont les parents ne sont pas sédentaires (gens du voyage par exemple), ou handicapés. La décision est surtout symbolique à destination des enseignants de maternelle. Elle pourrait cependant jouer pour les enfants scolarisés de façon intermittente par leurs parents.
En complément deux notes intéressantes :
La première concerne l’Allemagne qui a longtemps accusé un important retard en matière de capacité d’accueil collectif des jeunes enfants (du moins en Allemagne de l’Ouest). Au début des années 2000, elle a pris conscience que ce déficit en places de crèche avait des conséquences négatives aussi bien sur le développement des enfants que sur les taux d’emploi féminin et de fécondité.
L’autre concerne la scolarisation précoce. Celle ci est souvent promue pour prévenir les difficultés et inégalités de réussite liées aux origines sociales. Pourtant, on sait peu de chose de son effet réel. Ce document en propose plusieurs évaluations. Les résultats ne permettent pas d’asseoir le bien-fondé de la préscolarisation mais alertent sur la nécessité de penser les conditions d’accueil des tout-petits pour que l’expérience scolaire leur profite.
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