Plusieurs candidats aux élections européennes ont évoqué l’instauration d’un salaire minimum au niveau de l’Union européenne que nous avions déja évoqué ici Mais en fait de quoi parle-t-on ? Comme souvent les fausses informations circulent très vite
Nathalie Loiseau, qui mène la liste Renaissance pour les élections européennes, a en effet relancé le débat sur l’instauration d’un tel salaire minimum européen : “Aujourd’hui, six pays n’ont même pas de SMIC ! Il faut au minimum un SMIC dans tous les pays de l’UE. Et, partout, un SMIC qui permette un revenu décent. C’est-à-dire, par pays, au moins la moitié du salaire médian”, a-t-elle déclaré.
Toute l’Europe a voulu « remettre quelques pendules à l’heure » : Qu’en est-il vraiment ? Quels sont les pays de l’UE qui disposent déjà d’un salaire minimum instauré au niveau national ? Quels sont les montants de ces “SMIC” dans les pays de l’Ouest et de l’Est ? que proposent les institutions européennes ?
D’abord aucun parti ne propose un salaire minimum chiffré, c’est-à-dire un “montant” que tous les patrons du continent devraient verser à leurs salariés. Il s’agirait plutôt de définir une méthode commune de calcul pour établir des salaires minimums dans chaque Etat membre, en fonction de leur niveau de vie.
En Autriche, à Chypre, au Danemark, en Finlande, en Italie et en Suède, il n’existe pas de salaire minimum défini au niveau national. Ces six Etats membres de l’UE ont néanmoins fixé un salaire minimum par branches ou prévoient que les salaires minimums soient déterminés par une négociation des partenaires sociaux. Les 22 autres Etats membres de l’UE ont instauré un salaire minimum national, y compris l’Allemagne, depuis 2015, pourtant longtemps réticente.
Marine le Pen face à Nathalie Loiseau, avait affirmé que « Le SMIC est de 36 euros de l’heure en France contre 4,40 euros en Bulgarie ». Ce montant de 36 euros correspond en réalité au coût horaire moyen de la main d’œuvre en 2018, selon Eurostat. En Bulgarie, ce coût était de 5,40 euros par heure. le SMIC horaire brut est aujourd’hui de 10,03 euros en France… et seulement 1,37 euros en Bulgarie. Soit un salaire minimum mensuel de 1 521 euros brut en France (pour 35 heures), contre 286 euros brut en Bulgarie (pour 40 heures).
En 2019, la France se situe à la sixième place des pays imposant le minima le plus élevé, derrière l’Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas, l’Irlande et le Luxembourg (entre 1 500 et plus de 2 000€ brut), alors qu’en Bulgarie, Roumanie, Lettonie et Hongrie, le salaire minimum ne dépasse pas 500 euros brut par mois.
Nathalie Loiseau propose d’instaurer un salaire minimum européen “au moins” égal, dans chaque pays, à “la moitié du salaire médian”. Selon les dernières données disponibles de l’Insee (2015), le SMIC ne pourrait donc plus être abaissé en-dessous de 899 euros net en France.
Le salaire médian correspond au salaire qui divise en deux la population des salariés : la moitié des travailleurs gagne moins et l’autre moitié gagne plus. Il se différencie du salaire moyen qui est la moyenne de l’ensemble des salaires de la population (Insee).
Le salaire minimum français étant actuellement fixé à 1 203 euros net, le candidat du Parti communiste pour les européennes, comme Benoît Hamon, ont aussitôt évoquer « une remise en cause du SMIC en France”. Ce qui assez cocasse, c’est que cette idée d’un SMIC européen est clairement empruntée à la gauche et que Mélenchon utilisait déjà la même fake news en 2014 contre le PS qui le proposait alors…
Mais proposer d’instaurer ce salaire minimum européen « n’implique pas de baisser le SMIC français » a précisé Nathalie Loiseau. “Chaque année, un conseil des ministres du travail européen devrait être consacré au SMIC. Cette réunion aura un objectif, amener les pays européens les plus pauvres à augmenter leur salaire minimum. Cela ne fera pas du SMIC bulgare un SMIC français du jour au lendemain, mais il y aura une dynamique”, ajoute-t-elle.
Toutefois le salaire minimum existe déjà en Bulgarie, et il est plus élevé que ce que propose Nathalie Loiseau…En 2014, selon les dernières données d’Eurostat sur le salaire médian, sa proposition n’aurait permis de revaloriser le salaire minimum qu’entre 20 et 80 euros en République tchèque, en Estonie, en Espagne (le salaire minimum était alors très bas, sous le coup de la crise économique), en Croatie et en Slovaquie.
Le seuil de pauvreté correspond actuellement, à 60% du niveau de vie médian. En d’autres termes, selon les données d’Eurostat en 2017, “un individu est considéré comme pauvre” lorsqu’il vit avec moins de 1 103 euros par mois en France ou moins de 180 euros par mois en Bulgarie. Des seuils supérieurs au “SMIC européen” envisagé par Nathalie Loiseau, dans le cas où il deviendrait une réalité et où les personnes qui le percevraient n’auraient pas de revenus complémentaires.
En 2014 dans l’UE, hormis en République tchèque et en Estonie, tous les salaires minimums existants étaient supérieurs au seuil de pauvreté.
Le Parlement européen quant à lui,propose un seuil plancher supérieur au SMIC français ? Dans une résolution sur le dumping social adoptée en septembre 2016, il recommande l’instauration, dans tous les Etats membres, “de planchers salariaux […] dans le but de parvenir progressivement à au moins 60 % du salaire moyen au niveau national”. Cela serait revenu, en France, à porter le SMIC à 1 350 euros net en 2015 (contre 1 137 euros net à l’époque et 1 203 euros net en 2019).
C’est la proposition que défend actuellement Benoît Hamon, et “. Ian Brossat, au Parti communiste. La France insoumise propose, elle, l’établissement d’un “SMIC européen” équivalant “à 75% du salaire médian”
Un “SMIC européen” n’est pas une idée nouvelle. Les institutions européennes ont lancé leurs premiers ballons d’essais dès 1993.
Mais la majorité des pays considérant que la politique de salaire minimum est une question d’ordre purement national. Des pays de l’Est, notamment, y seraient réticents pour ne pas “entamer un avantage compétitif précieux” dont ils disposent actuellement grâce aux bas salaires.
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