Mai 13

Quel bilan pour cette 8ème législature du Parlement européen avant les élections du 26 mai prochain ?

Alors que s’approchent les élections européennes, nous voyons trop rarement le bilan du travail du parlement au cours de cette législature 2014-2019 qui s’achève. La fondation Schuman a produit à cet égard un document bilan intéressant

Issu des urnes en 2014 sous le slogan « Cette fois c’est différent » en raison des pouvoirs accrus qui lui était conférés par le Traité de Lisbonne de 2009, le Parlement européen a connu sous la 8ème législature une évolution politique amenée à se poursuivre, et une affirmation institutionnelle dont la solidité reste à confirmer.

Les 751 députés, travaillant dans un contexte de bouleversements mondiaux et de crises internes à l’Union européenne, ont légiféré sur des sujets au cœur des interrogations des citoyens, comme la sécurité, la protection des données ou l’environnement, tout en exploitant leur statut de seuls représentants directement élus à l’échelle européenne, pour se saisir de sujets de débat comme l’Etat de droit ou la fiscalité. Ce que Luuk van Middelaar a appelé le passage pour l’Union d’une « politique de la règle » à une « politique de l’événement ».

Politiquement, le fait marquant de cette législature est la fin, à mi-mandat de la « grande coalition » entre les deux principaux groupes, le Parti populaire européen (PPE) et Socialistes & Démocrates (S&D), auxquels s’était associée l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe (ADLE). En juin 2014, les 3 groupes se sont engagés à « œuvrer afin de créer une majorité pro-européenne stable au Parlement et ainsi défendre les valeurs et les principes de l’intégration européenne tout en s’efforçant, conjointement, d’engager des réformes qui renforceront et amélioreront le fonctionnement et la transparence des institutions et leur efficacité concernant la croissance économique et les prochains défis de l’Union européenne. »

Le PPE et le S&D étaient convenus de partager la présidence du Parlement entre le S&D pour la première moitié de la législature, et le PPE pour la seconde, selon un usage quasiment constant depuis 1979. Fort du soutien de 3 des 4 principaux groupes politiques, le président sortant, et candidat malheureux à la présidence de la Commission, Martin Schulz (S&D, DE), a été réélu dès le 1er tour de scrutin, le 1er juillet 2014, avec 409 voix sur 612 suffrages exprimés, face à 3 candidats.

Le pacte a été rompu par Gianni Pittella (S&D, IT), président du groupe, en novembre 2016 lorsqu’il a décidé de se présenter à la présidence du Parlement en remplacement de Martin Schulz, parti briguer la chancellerie allemande face à Angela Merkel pour les élections fédérales de septembre 2017. Il a accusé le PPE de ne pas respecter l’accord conclu en 2014 en refusant au Parti socialiste européen (PES) de conserver la présidence d’une institution – les présidences de la Commission et du Conseil européen étant déjà occupées par le PPE. « Nous ne pouvons pas accepter la suprématie du PPE sur les trois institutions […] Ils n’en ont pas mesuré les conséquences, alors que nous avons fait part de nos préoccupations à de multiples reprises »

Guy Verhofstadt (ADLE, BE), président du groupe, a envisagé de se présenter, pour mettre fin à la pratique de la grande coalition, tentant même une alliance avec le Mouvement 5 étoiles (M5S), parti italien antisystème siégeant avec le parti britannique pour l’indépendance (UKIP) au sein du groupe eurosceptique « Europe de la liberté et de la démocratie directe » (EFDD). Il s’est cependant désisté avant l’élection, ne passant pas d’alliance formelle avec le PPE mais négociant un 4e poste de vice-président pour son groupe ainsi que la présidence de la Conférence des présidents des commissions pour Cecilia Wikström (ADLE, SE).

 Alors qu’il s’annonçait comme celui d’une nouvelle phase, ouverte par le traité de Lisbonne, le Parlement pourrait être en réalité un Parlement de transition, annonciateur d’une nouvelle situation encore en gestation. Le premier élément de cette situation, qui reste incertain au moment où les députés achèvent leur mandat, est la composition même du Parlement. Les élections européennes (23 au 26 mai) auraient dû désigner 705 députés, au lieu de 751, en raison de la sortie de l’Union du Royaume-Uni, qui aurait dû se produire le 29 mars 2019. L’extension jusqu’au 31 octobre, accordée lors du Conseil européen extraordinaire du 10 avril, signifie que sauf rebondissement politique, 751 députés, dont 73 Britanniques, siègeront dans le nouveau Parlement à partir du 1er juillet. Les hypothèses d’une extension supplémentaire, voire d’une annulation du Brexit n’étant pas exclues, la durée du maintien des députés britanniques aura des conséquences difficiles à évaluer sur les équilibres politiques et géographiques dans l’hémicycle.

Quelle que soit la composition du Parlement, l’enjeu majeur sera de garantir le bon déroulé et l’efficacité du travail législatif dans le contexte annoncé de recul des partis qui ont jusqu’à présent structuré le Parlement (PPE et S&D) et de possible progression des partis nationalistes hostiles à l’Union telle qu’elle s’est construite jusqu’à présent. La capacité des nationalistes comme ceux de la Ligue italienne, du parti Droit et Justice (PiS) polonais ou du Rassemblement national (RN) français à surmonter leurs divergences sur la migration, la politique économique et sociale ou les affaires étrangères afin de constituer un groupe nombreux, sera un facteur déterminant.

Le troisième élément est la manière dont sera élu le président de la Commission, et le rapport politique qu’il voudra entretenir avec le Parlement. Le Conseil européen ayant clairement exprimé sa réticence à suivre une seconde fois le principe de « Spitzenkandidat », le Parlement pourrait être contraint, dès sa mise en place, à une tension entre institutions et devra, dans tous les cas, s’assurer une coopération avec la Commission au moins aussi étroite que sous la présidence de Jean-Claude Juncker.

Enfin, le Parlement sera probablement amené à légiférer et débattre de sujets de plus en plus complexes, parfois controversés et souvent soumis à l’urgence des situations. Ce travail, les députés devront l’accomplir aussi efficacement et aussi ouvertement que possible, afin de pouvoir, à la fin de la prochaine législature, assurer ce qui constitue le fondement de l’existence du Parlement et de son poids politique et institutionnel, la participation des citoyens aux élections européennes.

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