Juin 27

Baisser les charges pour baisser le cout du travail: faut-il poursuivre ?

Face au double problème d’un chômage élevé, concentré sur les personnes moins qualifiées, et de pertes de parts de marché dans le commerce, la France a eu un recours de plus en plus massif aux allègements de cotisations sociales afin de baisser son coût du travail. Ces politiques sont-elles efficaces ?

Une nouvelle Note du Conseil d’Analyse Economique   confirme l’impact positif sur l’emploi des baisses de charges quand celles-ci sont ciblées sur les salaires inférieurs à 1,6 SMIC. En revanche, les baisses de charges, même celles ciblées sur les salaires plus élevés qui affectent plus directement les entreprises exportatrices et qui étaient en grande partie motivées par un objectif de compétitivité, ont peu d’effets positifs sur les exportations.

Pour la théorie économique, L’effet des baisses de charges est d’autant plus important sur l’emploi que les allégements sont ciblés sur les bas salaires, notamment parce que la réponse de l’emploi au coût du travail est décroissante avec les salaires. Cela peut s’expliquer par la plus forte possibilité pour les entreprises de remplacer les travailleurs par des machines quand les premiers sont peu qualifiés.

Par ailleurs, une baisse de charges sur les salaires a peu de chance de se traduire par une augmentation des salaires pour des salariés dont le taux de chômage est élevé et le pouvoir de négociation faible. Pour les moyens-hauts salaires, il est plus probable que les baisses de charges se transforment en augmentation de salaire…. et qui est confortée par les études empiriques

Les travaux d’évaluations convergent pour indiquer que les effets sur l’emploi sont positifs pour les mesures d’exonération ciblées jusqu’à 1,6 SMIC, mais deviennent très faibles et peu significatifs au seuil de 2,5 SMIC. Nous trouvons ainsi un impact emploi positif fort du Pacte de Responsabilité 2015 sur les bas salaires. Il l’est d’autant plus que les entreprises ont des marges élevées. Celles qui avaient vu leurs marges chuter fortement pendant la crise ont davantage utilisé les allégements de charges pour reconstituer leurs marges. Cela laisse entrevoir la possibilité que, ces marges désormais reconstituées, l’impact sur l’emploi des baisses de charges soit désormais plus fort.

 L’allégement supplémentaire de 4 points de cotisations sociales à compter du 1er octobre 2019 (entre 1 et 1,6 SMIC) devrait ainsi conduire à créer ou sauvegarder entre 80 000 et 200 000 emplois. Ce serait donc beaucoup plus efficace que le CICE moins ciblé sur les bas salaires.

 Cela étant, comme toutes les cotisations patronales auront été éliminées au niveau du SMIC à la fin de 2019, cette stratégie de réduction du coût du travail a trouvé sa limite et c’est pourquoi, afin de lutter contre la pauvreté des salariés, la note recommande de privilégier les augmentations de Prime d’activité aux augmentations de SMIC.

Les baisses de charges sont-elles un levier pour améliorer la compétitivité ? L’argument principal pour l’extension du CICE jusqu’à 2,5 SMIC puis en 2016 du Pacte de responsabilité jusqu’à 3,5 SMIC des allégements de charges fut que les baisses de charges ciblées sur les bas salaires ont peu aidé la compétitivité des exportateurs industriels. Ceux-ci emploient en effet moins de travailleurs à bas salaires et leurs coûts sont donc moins dépendants directement du coût du travail peu qualifié. Cependant, les exportateurs ont externalisé de nombreuses tâches et achètent des biens et des services qui utilisent des salariés à bas salaires.

Une fois intégrés ces achats de biens et services intermédiaires, la dépendance des coûts des exportateurs aux bas salaires se rapproche du reste de l’économie. La stratégie allemande de compétitivité des années 2000 fait qu’aujourd’hui l’Allemagne se distingue de la France non pas par un coût du travail plus faible dans le secteur manufacturier mais dans les services. Les évaluations existantes tout comme les évaluations menées pour cette Note ne montrent pas d’effet positif sur les exportations des baisses de cotisations sociales sur les salaires au-dessus de 1,6 SMIC, alors que cette politique (Pacte de Responsabilité 2016 et CICE dans une large mesure) a été motivée essentiellement par un objectif de compétitivité.

En particulier, cette note montre qu’aucun effet sur les exportations ne peut être détecté en ce qui concerne le Pacte de responsabilité de 2016, ciblé entre 1,6 et 3,5 SMIC. Sur l’emploi, les travaux portant sur le CICE ont mis en évidence un impact très modeste. Ces résultats appellent à être confortés par les évaluations à venir pilotées par France stratégie : en étudiant de plus près l’hétérogénéité des entreprises, l’impact sur l’emploi et les salaires et l’influence de la conjoncture.

Au regard du coût pour les finances publiques (plus de 26 milliards d’euros pour le CICE et le Pacte 2016), des décisions devront s’imposer sur la base d’une analyse coût-bénéfice. Les exonérations de 1,8 point entre 1,6 et 3,5 SMIC coûteront 4 milliards d’euros en 2019. Le bénéfice n’est pas démontré et si l’argument de la stabilité doit conduire à pérenniser les baisses de charges sur les bas salaires, qui ont montré leur efficacité, il ne doit pas interdire que les évaluations négatives soient suivies d’effets.

 Il en résulte pour les auteurs de la note 3 recommandations :

Recommandation 1. Au regard du seul objectif de soutien à l’emploi et de lutte contre le chômage, privilégier des exonérations ciblées sur les bas salaires et éliminer toutes les charges au niveau du SMIC.

Recommandation 2. Stabiliser durablement les dispositifs de réduction du coût du travail sur les bas salaires pour mettre fin à l’empilement des réformes.

Recommandation 3. Abandonner pour le budget 2020 les baisses de charges au-dessus de 2,5 SMIC voire 1,6 SMIC, si les évaluations à venir de France stratégie venaient à confirmer leurs résultats décevants

Le risque est évidemment de créer des effets de seuil peu favorables aux augmentations de salaires.

Rapport IPP  Cette étude vise à mesurer l’impact du coût du travail sur la compétitivité des entreprises françaises, mesurée par la propension à exporter. Trois réformes visant à alléger le coût du travail sont exploitées : i) le pacte de responsabilité de 2015 ; ii) le CICE ; et les allègements généraux de 1995, dits allègements Juppé. Aucune des analyses réalisées ne met en évidence d’effets positifs d’une baisse du coût du travail sur les exportations.

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