Avec une dépense fiscale d’environ 6 milliards d’euros, le crédit d’impôt recherche (CIR) représente près de 60 % de l’ensemble des soutiens publics à l’innovation en France : il en est donc de loin la première composante. A l’heure où se prépare le budget 2020, ou la recherche d’économies dans les dépenses est indispensable, l’évaluation d’une telle politique est indispensable
La Commission nationale d’évaluation des politiques d’innovation (CNEPI) a achevé une première étape d’évaluation du dispositif modifié par la réforme de 2008. L’avis que publie France Stratégie aujourd’hui en présente les résultats.
Ils sont convergents : les entreprises qui bénéficiaient déjà du CIR avant la réforme de 2008 ont augmenté leurs dépenses de recherche et développement d’un montant égal ou légèrement supérieur à celui de l’aide fiscale reçue, une seule étude identifiant une augmentation légèrement inférieure à long terme aux montants reçus. La réforme du CIR a donc atteint sa première cible : la croissance des dépenses de recherche et développement de ses bénéficiaires, dans une période pourtant marquée par la crise économique, et la poursuite du mouvement de désindustrialisation de l’économie française.
Depuis 2008, le dispositif est assis uniquement sur le volume des dépenses des entreprises en R & D, avec un taux de crédit d’impôt qui s’impute sur l’impôt sur les sociétés (IS). Le taux appliqué est de 30 % pour les dépenses inférieures à 100 millions d’euros et de 5 % au-delà de ce seuil. En 2017, 30 des 35 pays de l’OCDE et d’autres pays tels que la Chine étaient pourvus de dispositifs fiscaux partageant peu ou prou les caractéristiques du CIR.
En comparaison internationale, la France dispose avec le CIR de l’un des plus généreux de ces dispositifs. Les projets de loi de finances de 2015 à 2018 estiment le montant cible de dépense fiscale à environ 5,7 milliards d’euros, pour une créance de 6 milliards (Cour des comptes, 2018). Les statistiques de 2015, dernière année pour laquelle on dispose de données estimées, montrent que la réforme du CIR de 2008 s’est traduite par une multiplication par près de 2,6 du nombre des entreprises déclarantes (25 600 en 2015, 9 890 en 2007) et par un quasi triplement de celui des bénéficiaires (20 200 en 2015, 7 000 en 2007) et de la créance fiscale (6,3 milliards d’euros en 2015, contre 1,8 milliard en 2007).
On note depuis 2010 une moindre croissance de l’usage de ce dispositif en termes de nombre d’entreprises comme de créance fiscale. Avec 6,1 % de la totalité des dépenses fiscales, le CIR est la deuxième dépense fiscale du budget de l’État.
Les écarts entre les différentes études sur les chiffrages de l’effet multiplicateur s’expliquent notamment par des différences tenant aux méthodes et bases de données utilisées ou à l’horizon temporel considéré. En somme, ces études montrent qu’un euro additionnel d’aide publique allouée via le CIR entraîne approximativement un euro de dépenses supplémentaires de R & D des entreprises bénéficiaires.
Très récemment, les résultats préliminaires d’une étude (OCDE, 2018b) relative aux dispositifs de type CIR dans neuf pays de l’OCDE aboutissent en moyenne à un taux de rendement du même ordre de grandeur (« effet d’additionnalité »), avec des écarts importants entre pays et selon les méthodes utilisées.
Il en ressort d’une part que, sur la période analysée et dans une conjoncture défavorable en ce qui concerne l’accès des jeunes à l’emploi en R & D, les diplômés de doctorat et notamment les docteurs-ingénieurs ont vu leur temps d’accès à l’emploi de R & D se réduire, relativement aux ingénieurs, tout du moins dans le cas des PME. D’autre part, Il y aurait eu un effet de substitution des ingénieurs par des docteurs de spécialités « ingénieurs ».. Tous ces points indiquent ainsi que le CIR a bien permis d’accroître les capacités des entreprises en matière de R & D mais à un coût en termes de dépenses fiscales multiplié par trois depuis la réforme de 2008. Un impact du CIR encore peu perceptible en matière d’innovation et d’activité économique
Au-delà, quel est l’impact du CIR sur les activités des entreprises en aval de la R & D ? Les études concluent globalement à un effet positif du CIR sur la croissance des dépenses de recherche et développement (R & D) des entreprises et, bien que de manière moins prononcée, sur leur personnel de R & D, l’emploi des jeunes docteurs, ainsi que sur la propension des entreprises à déposer des brevets et sur leurs gains de productivité.
L’évaluation mérite d’être poursuivie à travers d’autres études d’impact, car les études disponibles ne permettent pas de conclure quant au degré d’efficacité du dispositif sur un certain nombre de points importants.
Commentaires récents