En mai, 2018 j’écrivais ici qu’ » Il faut maintenant accélérer les décisions en faveur de la qualité de l’air, pour protéger notre santé . » Aujourd’hui, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) condamne, la France, pour non-respect de la directive de 2008 relative à la qualité de l’air ambiant pour le paramètre « dioxydes d’azote ». La Cour la condamne pour avoir dépassé « de manière systématique et persistante » la valeur limite annuelle pour le dioxyde d’azote (NO2) depuis le 1er janvier 2010.
La Commission européenne avait en effet engagé une procédure en manquement en 2014 contre la France et formé un recours devant la juridiction européenne en mai 2018, faute de mise en œuvre des mesures nécessaires. La France est dans le viseur de Bruxelles depuis dix ans. La première mise en demeure remonte à 2009. D’autres ont suivi en 2010, 2011, 2013, 2015 et 2017. A chaque fois, le législateur européen répétait les mêmes griefs : « La France n’a pas pris les mesures qui auraient dû être mises en place depuis 2005 [pour les PM10, et 2010 pour les NO2] pour protéger la santé des citoyens, et il lui est demandé d’engager des actions rapides et efficaces pour mettre un terme aussi vite que possible à cette situation de non-conformité. » Et à chaque fois, il brandissait la même menace : « Si la France n’agit pas dans les deux mois, la Commission peut décider de porter l’affaire devant la Cour de justice de l’UE. »
Ce constat de manquement porte sur douze agglomérations et zones de qualité de l’air : Marseille, Toulon, Paris, Auvergne-Clermont-Ferrand, Montpellier, Toulouse Midi-Pyrénées, Reims-Champagne-Ardennes, Grenoble, Strasbourg, Lyon-Rhône-Alpes, Vallée de l’Arve et Nice. La juridiction européenne a également constaté un dépassement systématique et persistant de la valeur limite horaire du polluant dans les agglomérations de Paris et de Lyon.
La France est également condamnée pour manquement à son obligation de réduire les périodes de dépassement à la durée la plus courte possible, après le dépassement du délai prévu pour l’application des valeurs limites. Pour remplir cette obligation, les États membres sont tenus d’établir un plan relatif à la qualité de l’air.
Les feuilles de route régionales présentées en mars 2018 par Nicolas Hulot, n’ont convaincu ni l’exécutif européen, ni la Cour de justice. Pas plus que les différentes initiatives prises par le gouvernement français à travers la prime à la conversion, ou la mise en œuvre de zones à faibles émissions, le soutien au développement des mobilités douces et au covoiturage, ou encore la fin de la vente des véhicules thermiques d’ici 2040.
La France n’est que le troisième Etat condamné par la justice européenne pour avoir exposé ses citoyens à un air trop pollué. Elle rejoint les très mauvais élèves : la Pologne et la Bulgarie, tous deux condamnés en 2017, mais qui, pour l’heure, ont échappé à une amende. Avec l’arrêt de la CJUE, une autre menace financière, plane désormais au-dessus du gouvernement. Les textes prévoient une sanction d’au moins 11 millions d’euros et des astreintes journalières d’au moins 240 000 euros jusqu’à ce que les normes de qualité de l’air soient respectées.
Cette première condamnation par la justice européenne pourrait être suivie par une deuxième puisqu’un contentieux portant sur le non-respect des valeurs limites applicables aux particules PM10 est engagé devant la Cour depuis 2011.
L’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Italie, la Hongrie et la Roumanie sont aussi sous la menace d’une condamnation pour des dépassements de NO2 ou de particules fines (PM10, de diamètre inférieur à 10 micromètres). Les juges de Luxembourg n’ont pas encore rendu leur décision en ce qui concerne ces Etats.
Dans un communiqué, la ministre de la Transition écologique dit “prendre acte” de la décision et affirme la détermination du Gouvernement à “améliorer rapidement la qualité de l’air”. “Sur la période 2000-2018, les émissions d’oxydes d’azote ont baissé de 54 % dans notre pays”, “le nombre d’agglomérations concernées par les dépassements de la valeur limite pour le NO2 a été divisé par deux” . “Les limites réglementaires sont respectées pour une large partie du territoire et de la population, mais des dépassements subsistent en zone urbaine, à proximité du trafic routier”, se défend Elisabeth Borne.
Mme Borne est également convaincue que la loi d’orientation sur les mobilités accélérera ce mouvement. Le texte prévoit notamment le déploiement de zones à faibles émissions (ZFE) dans toutes les agglomérations concernées par des dépassements. Ces ZFE visent à restreindre progressivement la circulation des véhicules les plus polluants sur la base de la fameuse vignette Crit’Air. Après Paris, où tous les diesels seront interdits d’ici à 2024, Strasbourg et Grenoble se sont fixé 2025 et 2030 pour atteindre cet objectif.
1 Commentaire
Cet article décrit de façon fort précise le retard français mais semble accorder trop de crédit à la loi d’orientation sur les mobilités qui consacre de fait le tout routier : le maintien ou le remplacement du Perpignan-Rungis sera à cet égard un précieux indicateur.
L’incendie de l’usine Lubrizol a démontré, une fois de plus, le hiatus entre discours d’autorité pseudo-responsable et réalité : les PPRI ne sont là que pour favoriser l’acceptation du risque alors que les échappatoires se multiplient (recours au stockage chez le voisin non soumis aux mêmes règles, emploi de personnel de sous-traitance peu formé, assouplissement des procédures d’extension, réduction des évaluations environnementales…).
Favoriser l’industrie au mépris de l’environnement demeure l’alpha et l’oméga d’un classe politique qui martèle le thème totem de la transition (passage progressif d’une logique à une autre) sans le prendre à bras le corps . Alors que la désindustrialisation continue de s’effectuer à marche forcée au profit de pays aux protections sociales balbutiantes, détricoter le maillage protecteur pour ralentir la fuite apparaît dérisoire d’autant qu’aucun projet de développement alternatif réellement non polluant et dégradable n’est mis simultanément à l’ordre du jour.
Le seul « greenwashing » des processus issus de la révolution industrielle ne sera jamais à la hauteur des enjeux !