Ce jeudi 12 décembre, près de 50 millions de Britanniques vont élire les 650 membres de la House of Commons (Chambre des Communes), chambre basse du Parlement. Le Premier ministre sortant, Boris Johnson (Parti conservateur) espère que ces élections législatives, anticipées de plus de deux ans (le prochain scrutin était prévu pour 2022), devraient permettre de clore le feuilleton du Brexit, qui a généré plus de trois ans d’incertitude au Royaume-Uni depuis le référendum du 23 juin 2016.
Le scrutin porte d’ailleurs presque uniquement sur le seul Brexit et sur la position de chacun des partis sur ce sujet précis et que la campagne laisse dans l’ombre les questions généralement à l’agenda lors d’élections législatives telles que la santé, l’emploi, l’éducation, l’environnement, etc.
Le Brexit a modifié les affiliations partisanes traditionnelles et rendu l’électorat britannique plus volatil. « Un grand nombre de personnes se sentent très fortement Remain ou Leave, beaucoup plus que conservateurs ou travaillistes. Et ce, avec un niveau d’attachement à tel ou tel camp du Brexit que l’on n’a pas vu pour un parti politique depuis les années 1960 » souligne la Fondation Schuman dans sa dernière note
Les Britanniques devraient par conséquent se prononcer davantage pour le projet de Brexit d’un parti que pour son programme. On notera que les pro-Brexit rassemblent au-delà des conservateurs tandis que le camp du Remain est divisé entre travaillistes (Lab) et Libéraux-démocrates (LibDem).
Le Parti conservateur pourrait remporter les élections législatives du 12 décembre prochain avec plus de des suffrages. Le Parti travailliste recueillerait moins de 30% des voix et les Libéraux-Démocrates un peu plus de 12%. Le Parti du Brexit, créé par l’europhobe Nigel Farage, le Parti national écossais (SNP), et le Parti vert d’Angleterre et du Pays de Galles (G) obtiendrait moins de 5% des suffrages.
Le 22 octobre après trois échecs, Boris Johnson a fini par convaincre les parlementaires de la nécessité d’organiser des élections législatives anticipées, seul moyen selon lui de sortir le pays de l’impasse. Le 28, les dirigeants européens ont approuvé un nouveau report du Brexit au 31 janvier 2020.
Boris Johnson se présente comme le seul en mesure de mettre en œuvre le Brexit à la nouvelle date prévue. Il demande aux Britanniques de lui accorder une majorité pour faire adopter l’accord signé le 17 octobre avec l’Union européenne. « Si vous voulez le Brexit, votez pour moi » répète-t-il. Il a d’ailleurs annoncé qu’en cas de victoire, il présentera l’accord de sortie de l’Union européenne à la chambre des Communes dès le premier jour de la nouvelle session.
Le Premier ministre sortant espère obtenir la majorité absolue dont il est dépourvu, et est en position de force mais les Conservateurs doivent se méfier et se rappeler les leçons des dernières élections législatives du 8 juin 2017 où les travaillistes, donnés perdants par les enquêtes d’opinion, avaient finalement obtenu un résultat plus élevé que prévu et avaient privé les conservateurs de la majorité absolue.
Les conservateurs pourraient par exemple perdre une douzaine d’élus en Ecosse, région favorable au Remain, au bénéfice du Parti national écossais. Dans le sud de l’Angleterre, les électeurs pourraient également se tourner vers les Libéraux-démocrates pro-européens. Néanmoins, il existe pour eux des raisons d’espérer : ainsi, ils pourraient conquérir certains sièges actuellement détenus par les travaillistes dans des circonscriptions favorables au Brexit du nord de l’Angleterre.
Après près de dix années de réduction des dépenses et du déficit budgétaire, le programme des conservateurs prévoit une hausse des dépenses dans les infrastructures (embauche de policiers et ouverture de nouveaux hôpitaux). Le parti souhaite augmenter le salaire minimum horaire de 27% (10,50 £, 12,25 €) dans les cinq ans
Le Parti travailliste promet d’organiser dans les six mois après le scrutin un nouveau référendum qui offrirait le choix entre un accord de sortie de l’Union européenne, qui inclurait notamment la signature d’une nouvelle union douanière avec Bruxelles et des garanties sur le respect des droits sociaux et environnementaux (que le parti espère pouvoir négocier en trois mois) et le maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne.
Pas sûr que ce positionnement soit de nature à rassurer les sympathisants travaillistes qui, depuis toujours, reprochent à leur parti son absence de position claire sur le Brexit. Le parti est divisé sur le sujet, ce qui, depuis trois ans, l’empêche de formuler des options alternatives et d’être une force de proposition. La cote de confiance de Jeremy Corbyn, eurosceptique notoire et beaucoup plus à gauche que son prédécesseur à ce poste, est ainsi la plus faible jamais enregistrée par un dirigeant travailliste. Selon un sondage, 3/4 des électeurs du Labour (76%) se déclarent mécontents du dirigeant travailliste. En outre, seul un sur deux lui fait confiance pour prendre les bonnes décisions sur le Brexit.
Le Labour a par ailleurs dévoilé un important plan d’investissements publics, en direction des écoles, des hôpitaux, du logement…Le programme des travaillistes promet également la nationalisation du réseau ferroviaire et des fournisseurs d’eau et d’électricité, une meilleure redistribution des actions des grandes entreprises aux employés et une hausse de l’impôt pour les plus fortunés et la semaine de quatre jours sans perte de salaire, l’augmentation du revenu minimum, la fermeture des écoles privées et la neutralité carbone à l’horizon 2030.
Les Libéraux démocrates, fervents Européens, veulent rien moins qu’annuler le Brexit. Ils pourraient attirer les suffrages de conservateurs modérés comme ceux de travaillistes déçus des atermoiements de Jeremy Corbyn. Les Libéraux démocrates ont signé un pacte électoral avec le Plaid Cymru, parti régionaliste gallois, et les écologistes du Parti vert d’Angleterre et du Pays de Galles au sein de 60 circonscriptions. Sollicités, le Parti travailliste et le Parti national écossais (SNP) ont refusé de rejoindre le pacte.
Enfin, le Parti du Brexit, fondé en janvier 2019 par le député européen Nigel Farage, souhaite une rupture nette et rapide avec Bruxelles et sa priorité est d’empêcher la tenue d’un nouveau référendum.
Le Parlement britannique comprend deux chambres : la chambre des Communes (House of Commons) et la chambre des Lords (House of Lords). Pour les élections législatives, le Royaume Uni est divisé en 650 circonscriptions (constituencies) : 529 en Angleterre, 59 en Ecosse, 40 au Pays de Galles et 18 en Irlande du Nord. Le vote a lieu au scrutin uninominal majoritaire à un tour : le premier qui arrive au poteau remporte le tout ; ce système privilégie le candidat arrivé en tête du scrutin, que celui-ci ait recueilli 60% ou 30% des suffrages. Ce système est redoutable pour les « petits » partis qui ne peuvent espérer obtenir un siège que si leurs suffrages sont géographiquement concentrés, comme le sont ceux des partis régionalistes (écossais, gallois ou nord-irlandais), qui parviennent donc à obtenir des députés.
8 partis politiques ont obtenu des représentants à la Chambre des Communes à l’issue des élections législatives du 8 juin 2017, rappelle la Fondation Schuman : – le Parti conservateur compte 317 députés ;– le Parti travailliste (Labour), possède 262 sièges ;– le Parti national écossais (SNP), compte 35 députés ;– les Libéraux-démocrates (LibDem), possèdent 12 élus ;– le Parti démocratique unioniste d’Ulster (DUP), parti protestant unioniste qui défend les intérêts de la communauté protestante en Irlande du Nord, compte 10 sièges ;– Sinn Fein (SF), parti républicain et nationaliste irlandais, possède 7 élus ;– le Plaid Cymru (PC), parti régionaliste gallois, compte 4 sièges ;– le Parti vert d’Angleterre et du Pays de Galles (G), parti écologiste possède 1 député.
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