Juin 11

Les 15 ans des illusions du plan B au référendum européen de 2005

Je propose à votre lecture un article du Vice président de Sauvons l’Europe sur le plan B, que soutenait une partie de la gauche lors du référendum de 2005 sur l’Europe; Il est toujours intéressant de revenir sur un débat qui a fracturé la gauche ! surtout si ça peut éclairer l’avenir !

« Voici donc les quinze ans, à quelques jours près, du rejet du traité européen de 2005 par le peuple français. Et je suis frappé de voir à quel point si peu de choses ont changé dans le débat public alors que l’Europe a tant évolué.

Je vais ici m’adresser uniquement aux pro-européens qui ont voté non, catégorie minoritaire représentant un gros tiers du Non mais dont le basculement a déterminé le vote. Ils ont été soit convaincus par un discours sur le caractère ultra-libéral implacable du texte, soit rendus furieux par un projet trop en deçà de leurs attentes. Dans les deux cas, fut théorisé un vote pro-européen qui était un appel à un plan B. Puis, au bout de trois ans, le Traité de Lisbonne aurait piétiné le vote de 2005 et aurait imposé par la force le traité honni. Et à gauche le débat intellectuel sur l’Europe semble s’être figé depuis. Or les 15 ans qui ont suivi ont donné tort à tous ces arguments.

Le libéralisme figé dans le marbre, une blague

Souvenez-vous. Le traité devait figer l’ultra-libéralisme dans le marbre en reconduisant… les termes du Traité de Rome de 1957. En pratique l’Europe est restée (et devenue plus encore) la terre de la sécurité sociale dans le monde, des normes écologiques et la politique de libre-échange y est de plus en plus soumise à la condition d’un juste échange. Les traités commerciaux de dernière génération, avec le Canada et le Mercosur, sont les plus avancés au monde en matière de droits sociaux et de protection de la nature. Ils sont loin d’être parfaits et nous avons de nombreuses revendications à ce sujet, mais comment peu-t-on considérer que le leader mondial des politiques sociales et environnementale serait par nature un monstre ultra-libéral ? Surement les choses étaient moins déterminées qu’on a pu le dire, ou qu’on le psalmodie encore par habitude, comme un catéchisme confortable ?

Beaucoup, relisant le traité de Maastricht, s’insurgeaient que la France ne puisse plus faire tourner la planche à billet, chose dont elle n’avait pas ressenti l’envie depuis le XVIIIème siècle. Et donc, que fait la BCE aujourd’hui ? La Banque de France, si elle était libre et souveraine, pourrait-elle même mener cette politique, isolée devant les marchés ? Il est d’ailleurs piquant de retrouver tant de personnes hier acharnées à défendre ce pouvoir essentiel qui nous était ôté hurler désormais que la BCE outrepasse ses droits.

Regardons en face le supplice de la Grèce. Les traités interdisaient toute assistance entre pays ? Eh bien on leur a marché dessus pour la Grèce. Oui, les plans de soutien ont été assortis d’une condition d’austérité imbécile et meurtrière, que nous avons bien sur condamnée. Mais ne venons pas raconter non plus que les plans européens sont les responsables de la situation grecque. S’ils ont été acceptés par la Grèce, c’est bien que la solitude souveraine était pire encore.

Depuis nous avons mis en place des traités de contrôle budgétaire, contrepartie de cette assurance collective. Pour quel résultat? La France n’est jamais passée en dessous de 3% de déficit, et les deux dernières Commissions professent officiellement une « application intelligente » de ces traités.

L’Europe alors n’était pas libérale en raison d’une obscure généalogie, enchaînée depuis sa création aux lettres de fer de quelques articles d’un Traité. Tout simplement, la majeure partie des gouvernements élus par les citoyens d’Europe, des membres du Parlement européen élus au suffrage universel direct, étaient libéraux. Y compris la plupart des sociaux-démocrates. Si, ici ou là, nous avons fait des progrès vers des approches plus sociales ou plus vertes, ce n’est pas en brisant des chaînes de mots, c’est en faisant de la politique.

Le Plan B, en livraison à domicile

L’espérance du Plan B, qui tel que décrit était en réalité une Europe fédérale, a su convaincre beaucoup de pro-européens de rejeter un texte trop tiède. Curieusement, on a vu sur les tribunes se mêler dans une union sacrée nos partisans électrisés du tout ou rien avec les tenants souverainistes du rien du tout. Le résultat concret d’une telle alliance était bien sur rien.

Le Plan B était une idée fort singulière. Elle supposait, et Laurent Fabius l’avait exprimée ainsi, qu’il existait en quelque sorte un traité de secours beaucoup plus ambitieux qui ressortirait naturellement de derrière les fagots en cas de crise à résoudre. L’Europe ne pouvait pas rester en panne, la belle affaire ! C’était pour les nonistes, plutôt qu’élaborer une alternative politique, demander à ceux qui avaient rédigé le texte existant de bien vouloir la fournir. Et pour beaucoup, les choses en sont resté là. Qui chez les nonistes a fait l’effort de mobiliser durablement des partenaires européens pour faire émerger autre chose ? Une petite partie du PCF, quelques Verts autour par exemple de José Bové, une poignée de socialistes du Non autour de personnalités comme Guillaume Balas. Pour les autres, business as usual, et le plus souvent dans un cadre franco-français. Quelles convergences a construit cet immense mouvement qu’était alors ATTAC ?

La suite de l’histoire a été d’abord portée par ceux qui avaient endossé le Oui. Il n’y avait pas de Plan B tout prêt, le Traité de 2005 était le point de compromis le plus avancé entre ceux qui voulaient une Europe plus démocratique et plus sociale, et ceux qui préféraient qu’on continue à être d’abord un marché. Faute de mieux, on a picoré les restes du traité pour en faire le Traité de Lisbonne.

Entre autres choses, il a donné définitivement au Parlement européen un droit de veto sur la composition de la Commission européenne, faisant des élections européennes le champ potentiel de la désignation du gouvernement européen. Juncker n’a pas été désigné par les chefs d’Etat, il a gagné les élections. Même si les citoyens le savent à peine. Et les derniers résultats n’ont pas produit de majorité assez nette pour empêcher les chefs d’Etat de reprendre la main avec von der Leyen, dans une certaine mesure. Mais si la politique d’austérité a été mise en sourdine relative, c’est parce que le groupe socialiste au Parlement a été en mesure de l’imposer dans la constitution de la Commission, à deux reprises. La démocratie européenne est balbutiante, mais elle apparaît petit à petit.

Puis ce sont les crises qui ont dominé. La crise grecque, la crise de 2010 qui a vu la BCE prendre ses responsabilités, la crise du Coronavirus qui conduit peut être à la naissance d’un véritable budget européen.

Mais pourquoi ces divagations ? Pas pour ressusciter des controverses roides, mais pour tenter de rouvrir les termes du débat en évoquant un anniversaire. Sauvons l’Europe n’a pas été créée pour rejouer le match, mais pour faire bouger les choses. La leçon de ces quinze ans, c’est que l’Europe n’est pas figée dans une fatalité, elle est ouverte au changement. Ce dont nous avons besoin n’est pas l’attente d’un grand soir qui ne viendra pas. Ce dont nous avons besoin, c’est de faire de la politique, maintenant. Amis nonistes, on vous attend. »

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