La fréquentation des urgences a doublé en vingt ans ? tous les diagnostics montrent qu’Il faut une autre organisation !

La situation du traitement des urgences est un problème dont il faut prendre la mesure : Dans son édition 2018, le rapport sur les établissements de santé, de la division statistique (DREES) du Ministère de la santé, note un doublement des passages aux urgences en 20 ans.

 En 1996, le nombre de passages aux urgences s’établissait en effet à 10,1 millions pour la France métropolitaine (hors SSA). Il a augmenté ensuite, régulièrement, de 3,5 % par an en moyenne. La “crise” actuelle n’est qu’un symptôme qui s’aggrave d’année en année.

En 2016, les 719 structures des urgences françaises ont pris en charge 21 millions de passages (20,2 millions pour la France métropolitaine, hors service de santé des armées [SSA]), soit 3,5 % de plus qu’en 2015. Cette progression prolonge la tendance observée depuis 20 ans.

Les structures des urgences accueillent chacune, en moyenne, 29 000 patients par an, le nombre moyen de passages étant plus faible dans les services pédiatriques que dans les structures des urgences générales (26 000 passages en moyenne par an, contre 29 800).

18 % des passages aux urgences sont pris en charge par le secteur privé (considéré dans sa globalité), une part qui a progressé dans les années 2000 pour se stabiliser depuis 2010.

Les petites unités sont les plus nombreuses : 20 % des unités d’urgences prennent en charge moins de 15 000 passages par an et 63 % d’entre elles, moins de 30 000. À l’opposé, 22 % des structures enregistrent plus de 40 000 passages par an et traitent 42 % de l’ensemble des passages.

Aux côtés des structures des urgences hospitalières, 103 services d’aide médicale urgente (Samu) et 399 structures mobiles d’urgence et de réanimation (SMUR) assurent l’orientation, la prise en charge pré hospitalière et le transport des malades. Dans certains territoires, en particulier lorsque le délai d’accès à des soins urgents est supérieur à trente minutes, des médecins correspondants du Samu (MCS), médecins de premier recours formés à l’urgence, peuvent intervenir dans l’attente du SMUR, sur demande de la régulation médicale.

Cette hausse constante est due à de multiples facteurs. Le Figaro en a identifié huit.

1. «Bobologie»: un facteur controversé

Pour la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, beaucoup de passages aux urgences ne seraient pas justifiés. Un certain nombre de patients, angoissés, se rendraient aux urgences pour de simples «bobos».  Mais On ne la constate qu’une fois le patient examiné : Derrière un simple mal de tête, on peut avoir une hémorragie cérébrale, derrière une oppression thoracique, un infarctus…». Dans son rapport annuel de février 2019, la Cour des comptes s’appuie sur la «classification clinique des malades aux urgences» (CCMU). En se fondant sur cette dernière, il est «permis de considérer qu’environ 20% des patients actuels des urgences hospitalières ne devraient pas fréquenter ces structures», écrit la Cour.

2. Recul de la médecine de ville

Le recul de la médecine de ville est un point souligné par la Cour des comptes. Les médecins généralistes, en particulier, de plus en plus nombreux à prendre leur retraite, peinent à être remplacés. Les effectifs de certains spécialistes (gynécologie, rhumatologie, dermatologie) diminuent aussi et les délais de consultation s’allongent. Les généralistes prêts à consulter le soir, le week-end ou les jours fériés se font rares. «En 2002, on a mis fin à l’obligation pour les médecins de prendre des gardes, regrette l’urgentiste Patrick Pelloux. Des médecins libéraux se sont organisés via des maisons médicales, mais cela reste très inégalitaire sur le territoire».

Une étude de la Drees de juillet 2014 montre ainsi que plus de 20% des patients sont venus aux urgences «par défaut», dont 6% environ en raison de l’absence de leur médecin traitant, et 5% dans l’impossibilité d’obtenir rapidement un rendez-vous pour des examens complémentaires.

3. Le vieillissement de la population

Les médecins vieillissent… et leurs patients aussi. L’amélioration de la qualité des soins fait aussi que certaines pathologies dont on mourait plus tôt, qui étaient peu chroniques, deviennent vraiment chroniques. Ces patients sont aussi caractérisés par leurs polypathologies.

Le rapport Mesnier   fait en outre état d’une «insuffisante médicalisation des Ehpad». Résultat: 64% des hospitalisations chez un résident en Ehpad se font par le biais des urgences.

4. La quête d’immédiateté et du «tout en un»

L’afflux vers les urgences révèle aussi un changement des mentalités des Français. Il est une illustration d’une tendance sociétale plus profonde: une vision plus «consumériste» des urgences. Le rapport d’information du Sénat  de 2017 évoque des patients «de plus en plus souvent dans une quête d’immédiateté». Donc pour la santé, sujet très important pour les Français, c’est le “tout, tout de suite”.» «Tout», car les urgences permettent aussi une unité de lieu pour un ensemble de soins. Selon l’enquête Drees de 2013, 23% des personnes accueillies aux urgences hospitalières motivaient leur venue par la possibilité de réaliser deexamens complémentaires en plus d’une consultation, et 12% par la possibilité de consulter un médecin spécialiste.

5. Hausse de la précarité, illusion de gratuité

Tout, tout de suite, et gratuitement. C’est un autre facteur de l’afflux vers les urgences: l’illusion de gratuité. «Les urgences hospitalières sont davantage le recours des catégories socioprofessionnelles les plus modestes, alors que les dispositifs de ville sont plus sollicités par les catégories les plus aisées», note le rapport du médecin urgentiste et député LREM Thomas Mesnier remis à la ministre de la Santé en mai 2018. «Du point de vue du patient, le tiers payant et l’absence de facturation sur place (…) donnent l’impression qu’un passage aux urgences est gratuit, au contraire d’un parcours de soins en ville.».

6. Un manque d’information sur les solutions alternatives

Le rapport Mesnier met l’accent sur la nécessité d’une meilleure communication en amont sur les solutions alternatives aux urgences, telles que les centres de santé ou maisons médicales de garde (MMG). Par téléphone, le médecin régulateur peut décider d’envoyer un médecin de garde pour une visite, d’orienter la personne vers une maison médicale de garde, ou de lui envoyer une ambulance ou un SMUR, mais Les gens peuvent venir aux urgences car ils n’ont pas réponse à leurs questions,

7. Un problème d’organisation: l’effet «entonnoir»

Les professionnels insistent également sur le problème de répartition des patients entre la médecine de ville, l’hôpital, et les urgences. Entre la ville d’un côté et l’hôpital de l’autre, les urgences font office d’entonnoir. Cette séparation de plus en plus importante entre la ville et l’hôpital, fait que les patients à hospitaliser arrivent de plus en plus souvent par les urgences. Or pour améliorer la qualité des soins et diminuer l’attente, il faut recentrer la médecine d’urgence… sur l’urgence.

8. La médecine ambulatoire

Autre raison mise en avant mais difficile à chiffrer: le recours à la médecine ambulatoire, selon laquelle les patients doivent sortir de l’hôpital le jour même de leur opération, afin de réduire le nombre de lits et les coûts engendrés. Le recours à la médecine ambulatoire multiplierait les risques que le patient, une fois retourné chez lui, soit sujet à des complications et retourne finalement aux urgences.

 On le voit des moyens supplémentaires sont nécessaires à court terme ; mais à plus long terme c’est l’augmentation du nombre de médecins formés et une autre organisation des parcours de soins liant plus les hôpitaux et la médecine de ville qui sont indispensables, comme je l’évoquais dans un précédent billet !

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