Redonner confiance aux universités et aux universitaires : neuf pistes à explorer ! !

universitéDe nombreux collectifs d’universitaires ont exprimé récemment une lassitude et une défiance sur les réformes en cours dans l’enseignement supérieur, et celles qui les ont précédées. Dans un contexte de difficultés budgétaires et de perte de confiance institutionnelle, Terra Nova apporte ici son point de vue. La note ne prétend pas à l’exhaustivité mais présente neuf mesures pour lever des blocages trop souvent oubliés du débat public. Plutôt que de proclamer l’autonomie ou de la dénoncer, il faut la faire ; plutôt que de caporaliser les universitaires, il faut, dans la ligne des valeurs de la gauche, libérer leurs initiatives et démontrer par leurs réalisations la force des excellences universitaires.

1. Parce que tous les étudiants ne se destinent pas à obtenir un master, et parce que tous les bacheliers peuvent prétendre à accéder à l’enseignement supérieur, il importe de diversifier l’offre de parcours pour répondre à la diversité des publics de licence, sans pour autant céder au fantasme de l’adéquation entre formation et emploi. La diversification fera sens si elle affiche clairement les prérequis de chaque parcours, ses objectifs de formation et ses débouchés. Cette disposition de bon sens – qu’exclut pourtant explicitement la récente loi – est la condition pour arrêter ce gâchis immense qui est celui d’étudiants confrontés à des formations qui ne répondent pas à leurs intérêts. C’est aussi la condition pour que – cas à peu près unique au monde – les meilleurs étudiants cessent de contribuer à dévaloriser l’université en la fuyant. C’est enfin une condition pour stimuler l’engagement des enseignants en licence.

2. Le LMD a été créé pour offrir une formation modulaire par capitalisation de crédits, permettant d’introduire de la flexibilité dans les parcours et les rythmes des divers publics étudiants. Il est urgent de mettre réellement en œuvre cette politique, ce qui suppose de donner aux établissements l’autonomie pédagogique dont ils jouissent dans d’autres pays, plutôt que de les enfermer dans des cadres rigides qui figent les conditions d’apprentissage.

3. L’autonomie pédagogique doit permettre de valoriser les atouts scientifiques spécifiques à chaque université en master et en doctorat. Il est essentiel de donner aux acteurs la possibilité de les identifier au sein de domaines génériques, plutôt que de les enfermer dans un cadre réglementaire étroitement contraint, qui rabote l’originalité, empêche de capitaliser les réputations, décourage l’initiative et fait obstacle à la réactivité indispensable de la formation au mouvement des sciences et des techniques. Cette valorisation profiterait du respect porté à l’esprit du Master comme formation intégrée de deux années, et de la possibilité d’organiser des offres thématiques en “écoles universitaires de recherche”.

4. Si l’on veut que les universités innovent sur le terrain pédagogique, les bonnes paroles ne suffisent pas. Il faut que les établissements puissent réorganiser leurs cursus et élaborer des dispositifs de contrôle de connaissances en fonction de la diversité des étudiants, et des rythmes de formation qu’elles offrent. Là encore, il s’agit d’autonomie dont les termes doivent être élaborés et surveillés par les instances locales de l’établissement. Il faut aussi revoir les modèles d’allocation des ressources pour encourager l’initiative.

5. La contrepartie de l’autonomie est évidemment la régulation par l’évaluation. Le nouveau Haut Conseil de l’Evaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur doit poursuivre la tâche de l’ancienne AERES en évitant les écueils de la pensée unique. Une façon simple d’y parvenir est d’autoriser les établissements à recourir aux institutions d’évaluation de leur choix dans l’offre accessible en France et en Europe. S’il convient de ne pas revenir sur l’abandon des cotations, il importe tout autant de ne pas interdire aux établissements qui en feraient le choix d’y recourir.

6. Les lois successives s’entêtent à imposer aux universités un modèle unique de gouvernance qui est inégalement adapté aux caractéristiques de chacune d’entre elles. Il faut rouvrir la voie proposée par le code de l’éducation, qui permet d’expérimenter de nouveaux statuts. Les universités qui le souhaitent pourraient ainsi par exemple prendre l’initiative de distinguer plus nettement ce qui relève des affaires académiques de ce qui est du domaine de la gestion stratégique.

7. Pour ce qui est de la structuration des sites, plutôt que d’imposer les alliances et leurs périmètres, il faudrait considérer les nouveaux outils comme des ressources à la disposition des acteurs de terrain. C’est évidemment la seule façon de favoriser des alliances qui seront solides parce qu’elles feront sens, pour avoir été concertées localement, dans une perspective stratégique de simplification et non d’empilement institutionnel.

8. Les universités doivent clairement revendiquer leur vocation d’excellence, mais revendiquer dans le même mouvement la multiplicité de leurs excellences sur tout le spectre de leurs compétences effectives – excellence en recherche, en formation, en construction de partenariats divers, etc. Plutôt que de disqualifier un grand nombre d’universités au nom de l’excellence de la recherche de quelques unes d’entre elles, l’acceptation de la diversité des établissements transformerait une politique des bons sentiments, en fait profondément inégalitaire, à une politique plus ouverte et plus fluide de formation des élites.

9. La question du financement est évidemment centrale. Il faut chercher des solutions au sous-financement chronique de nos universités, sans nous cacher derrière notre petit doigt. Demander l’augmentation des dotations de l’Etat est nécessaire mais très insuffisant, en particulier dans un contexte budgétaire très contraint. Il convient donc de mieux faire comprendre l’importance de l’université à l’opinion publique et aux décideurs, de trouver les solutions d’une gestion stratégique mieux maîtrisée des ressources dont disposent des établissements, et d’explorer – sans tabou et dans une perspective progressiste – les voies de diversification des financements, par les mécénats, la valorisation de la recherche et de la formation, et les droits d’inscription. Une conférence de consensus pourrait être organisée sur ces sujets controversés.

 

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