Lobbying en Europe : l’absence de régulation laisse la porte ouverte à la corruption

74192444 L’ONG Transparency International  vient de rendre  un rapport financé par la Commission européenne, qui analyse les pratiques de lobbying au sein de 19 pays européens et de trois  institutions de l’Union Européenne. Il révèle l’influence excessive exercée par les lobbyistes sur les décisions politiques dans les pays de la région et à Bruxelles

A part la Grèce et les pays du Nord de l’Europe, chacun a été évalué sur une centaine de critères répondant à trois grands principes : celui de traçabilité (des interactions entre les différents acteurs), d’intégrité (existence de règles éthiques contraignantes) et celui d’équité d’accès (aux marchés publics).

Les pratiques abusives et opaques de lobbying constituent un risque de corruption pour l’Europe.

Sur 19 pays européens évalués, seulement sept disposent d’une forme de législation ou de réglementation sur le lobbying. Une situation qui permet aux intérêts privés d’exercer une influence quasi incontrôlée sur la vie quotidienne des Européens. Les 19 pays, pris dans leur ensemble, obtiennent une note de seulement 31 sur 100 au regard des standards internationaux et des « bonnes pratiques » identifiées en matière de lobbying

Si le lobbying fait partie intégrante d’une vie démocratique saine, de nombreux scandales survenus en Europe démontrent que, sans une réglementation claire et adaptée, un petit nombre d’acteurs, notamment ceux disposant de davantage d’argent et de relations, peuvent prédominer dans la prise de décision politique — généralement dans leur propre intérêt.

La Slovénie obtient le meilleur classement avec une note de 55 sur 100 qui s’explique par l’existence d’une loi sur le lobbying , souffrant néanmoins de lacunes et de failles juridiques. Chypre et la Hongrie ferment la marche avec une note de 14 sur 100. Ces deux pays obtiennent de mauvais résultats dans la quasi-totalité des domaines évalués, notamment en matière d’accès à l’information.

L’Espagne, l’Italie et le Portugal, figurent parmi les cinq pays obtenant les moins bons résultats. Dans ces pays, les pratiques de lobbying et les relations étroites entre le secteur public et le monde de la finance sont considérées comme « à risque ».

Aucun des pays européens ou des institutions de l’UE étudiés ne contrôle de manière adéquate les passages entre secteur public et secteur privé (pantouflage). Les parlementaires ne sont par ailleurs généralement pas soumis aux restrictions d’avant et après emploi et délais de carence alors même qu’ils constituent des cibles privilégiées pour les lobbyistes. Au Portugal, 54% des postes au gouvernement ont été confiés à des banquiers depuis que le pays est devenu une démocratie en 1974.

Par ailleurs, les conflits d’intérêts représentent une menace pour le processus de prise de décision. En France, les parlementaires sont par exemple autorisés à exercer des activités de lobbying et de conseil au cours de leur mandat — une situation qui existe aussi en Espagne et au Portugal.

Le rapport révèle des pratiques de lobbying problématiques dans des secteurs et industries très variés : alcool, tabac, automobile, énergie, finance, secteur pharmaceutique.

Ce rapport formule plusieurs recommandations visant à éviter que le lobbying ne dérive vers la corruption:

·         Adopter une réglementation large et complète sur le lobbying

·         Établir un registre obligatoire des lobbyistes comprenant des informations détaillées sur les clients qu’ils représentent, les personnes visées par leurs actions, les décisions qu’ils cherchent à influencer et les ressources qu’ils y consacrent.

·         Mettre en place une « empreinte législative » permettant aux citoyens de savoir quelles actions ont influé sur le processus législatif ainsi que les contacts entre lobbyistes et décideurs publics.

·         Mettre en place ou renforcer le « délai de carence » avant lequel un décideur public ou un élu ne peut exercer une activité de lobbying susceptible de créer un conflit d’intérêts.

Toute personne cherchant à influencer une décision publique doit en outre, publier de manière proactive des informations sur ses activités de plaidoyer et de lobbying et sur ses dépenses, en y incluant les documents adressés aux décideurs ainsi que les contributions versées aux partis politiques et ses engagements politiques éventuels.

Mais même s’il reste beaucoup à faire, Myriam Savy, responsable du plaidoyer en France, accorde que de nombreux progrès ont d’ores et déjà été faits.

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